Que ceux qui baissent le poing s’en aillent.
« Pour un choc de vérité au sein du PS, à gauche et
pour la France », depuis cette tribune que tu as co-signée avec une
poignée de parlementaires socialistes en avril dernier, tu te rêves, Jean-Marie
comme l’Homme qui serait capable de révéler « LA » vérité dont
la gauche française a besoin, aveuglée, selon toi, par les « recettes du
passé » et par l’influence de syndicalistes « véhéments et
déraisonnables ».
Ne nous y trompons pas, cette « vérité », dont tu
te targues d’être le révélateur, n’a rien de nouveau ou d’original. Ce n’est en
réalité, rien d’autre qu’une triste récitation d’un catéchisme libéral éculé,
dont tu connais parfaitement les paroles. Tout y passe : « Assumons
notre volonté de renouer avec la compétitivité », « Expliquons qu’il
faut […] plus de flexibilité au marché de l’emploi », « Poursuivons
cette politique du sérieux budgétaire ». Le 20 février dernier, tu
achevais même ta croisade par une diatribe contre…le code du travail. Ce texte
qui garantit les droits des 18 millions de salariés que compte notre pays serait
selon toi un « tabou national » et un « puissant répulsif de
l’emploi ».
Fin de l’histoire ? Non, car nous sommes nombreux
Jean-Marie à affirmer qu’il n’y a pas de fatalité à ce que la gauche tourne le
dos aux aspirations sociales et populaires qui l’ont portée au pouvoir, qu’il
n’y a pas de fatalité à ce que les forces progressistes renoncent à faire
avancer la roue de l’Histoire dans le sens du progrès et du partage des
richesses.
Relayer les dogmes de la « compétitivité » ou du
« rétablissement des comptes publics » comme tu le fais ne relève ni
du courage politique, ni de la vérité, c’est faire écho et renforcer ceux qui
veulent faire une OPA hostile sur le Changement et qui rêvent à voix haute de
liquider les protections sociales « trop lourdes », le code du
travail « trop rigide » ou les services publics « trop
coûteux ». Faire consensus avec les exigences du patronat et des néolibéraux
n’a jamais constitué une orientation politique, c’est nourrir la résignation
dans notre camp et rompre avec la majorité sociale dont nous nous revendiquons.
D’après L’INSEE, entre 2002 et 2011, la progression du
salaire net moyen dans notre pays a été inférieure à 6% tandis que le PIB a
augmenté de 12%. Les travailleurs ont donc bénéficié de moins de la moitié des
gains de productivité qu’ils ont créés par leur travail. Dans le même temps, on
apprend que ces vingt dernières années, le taux de distribution des dividendes
est passé de 2.5% de la valeur ajoutée à 9% de celle-ci, un montant jamais
atteint depuis la seconde guerre mondiale.
Ce qui coûte cher aux entreprises, ce qui grève leurs
capacités d’investissement, ce que tu ne vois pas Jean-Marie, c’est le coût du
capital. Est-ce que cet argent doit être distribué aux actionnaires, ou
réinvesti dans la recherche et le développement ? Là, nous devons avoir un
vrai débat avec le patronat. Ce que tu ne dis jamais, c’est que diviser
par deux les dividendes versés aux actionnaires, c’est libérer 120 milliards
d’euros pour l’investissement productif, la création d’emploi ou une politique
salariale plus redistributive.
Enfin, l’ampleur de la réduction des dépenses publiques que
tu préconises ne peut avoir qu’un impact récessif sur l’emploi et l’activité.
C’est en effet l’effondrement de la demande européenne, sous les coups de
rabots de l’austérité qui explique la baisse du taux de marge des entreprises
ces dernières années et donc une baisse de la production et une hausse du
chômage.
Tandis que tu affirmes que seule cette politique est
possible, force et de constater qu’elle n’a fonctionné nulle part. C’est sans
doute pourquoi Obama propose, aux Etats-Unis une hausse du Smic de 40% en deux
ans et que, sous l’impulsion du SPD, la coalition au pouvoir en Allemagne
s’engage dans la création d’un salaire minimum. Tes « vérités », ce
sont les vieilles recettes d’un vieux modèle qui nous conduisent à un échec
économique et politique.
Pour triompher des conservatismes, et dépasser les intérêts
des possédants, la gauche doit s’appuyer sur le soutien actif des forces
sociales. Sans la mobilisation de celles-ci, l’ardeur réformatrice s’essouffle,
et s’affaiblit. Voilà pourquoi je ne supporte plus Jean-Marie le discours
virulent et méprisant dont tu fais preuve vis-à-vis des syndicalistes auxquels
tu es confronté sur les plateaux de télévision. La gauche politique ne doit pas
redouter ou condamner le mouvement social, elle doit, au contraire, l’utiliser
comme un rapport de force et lui offrir des débouchés politiques.
Comme Paul Krugman, prix Nobel d’économie, nous exhortons
les progressistes à s’extraire de la pensée économique orthodoxe que tu
incarnes pour rester fidèle à leur exigence de transformation sociale.
C’est en investissant massivement dans l’économie que l’on
permettra à l’Europe de sortir de la crise, que l’on réindustrialisera notre
pays et que l’on préparera la transition énergétique, nécessaire à la
préservation de notre environnement.
C’est en créant les conditions d’une politique de progrès
social et en défendant les intérêts de ceux dont nous nous revendiquons que
nous ferons reculer l’extrême droite qui prospère aujourd’hui sur nos
renoncements.
Laissons les politiques d’austérité à la droite. Rassemblons
largement les forces de gauche qui refusent de voir les aspirations du 6 mai
confisquées par une « vérité contraignante ». C’est dans la rupture
avec l’ordre établi que bat le cœur de la gauche, c’est là que se joue sa
réussite. Que ceux qui comme toi, renoncent et baissent le poing s’en aillent,
nous n’avons pas besoin de vous.
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