(avec AFP) 07-03-2014
« L'acte politique du pacte revient à s'en remettre au seul patronat pour régler les problèmes économiques et sociaux », a estimé Thierry Lepaon
D'après Pierre Gattaz, le président du Medef, à l'origine du
pacte de responsabilité, l'usage que feront les entreprises des allègements de
charge ne sera pas contrôlé.
Les entreprises décideront de l'usage qu'elles feront des
allègements de charges promis dans le cadre du pacte de responsabilité, y
compris la distribution de dividendes, a déclaré jeudi 6 mars le président du
Medef, Pierre Gattaz.
Il s'exprimait au lendemain de la conclusion d'un accord
entre le patronat (Medef, UPA, CGPME) et trois syndicats (CFDT, CFTC et
CFE-CGC) sur les contreparties de ce pacte annoncé le 31 décembre par le
président, François Hollande.
« J'ai eu beaucoup d'angoisses tout le mois de janvier
sur l'idée qu'on va tout contrôler, contrôler les dividendes versés, tout
contrôler », a confié Pierre Gattaz, au cours d'une conférence organisée
par le mouvement d'entrepreneurs Ethic, dans une allusion aux contreparties
attendues en échange de baisses de cotisations de 30 milliards d'euros promises
dans le but de stimuler l'emploi.
« J'ai dit : si vous recommencez à tout contrôler,
ce n'est pas la peine: on arrête le pacte tout de suite », a-t-il lancé.
Suivre le reste du monde
Le ministre délégué à l'Economie sociale, Benoît Hamon, avait
appelé dimanche 2 mars à considérer « la baisse du coût du capital »
comme une contrepartie possible au pacte de responsabilité, citant en exemple
les patrons allemands.
« Les dividendes, c'est la rémunération d'un risque et
c'est vrai qu'ils ont été augmentés depuis trois ans », a déclaré jeudi 6
mars Pierre Gattaz, expliquant qu'en période de crise, les entreprises
s'étaient moins endettées et avaient « fait appel plus à des fonds
propres, et donc à des actionnaires extérieurs ». « Et les actionnaires
extérieurs vous les rémunérez par des dividendes », a-t-il poursuivi.
« Le monde entier fonctionne comme ça. Ce ne sont pas
nous les Français, ce n'est pas le Medef ! », s'est-il exclamé. « Les
Chinois fonctionnent comme ça, les Indiens, les Coréens, les Allemands, les
Anglais », a-t-il dit, fustigeant « l'ignorance de la
microentreprise, de l'économie de marché de ceux qui nous gouvernent ».
« La position du Medef est de surtout ne prendre aucun
engagement chiffré juridique. Pas de contraintes mais par contre c'est un engagement
de mobilisation », a rappelé Pierre Gattaz au sujet de créations
d'emplois.
« Un accord quasi-personnel » entre Gattaz et
Hollande
Thierry Lepaon, le numéro un de la CGT, a affirmé que
« la décision » du président, François Hollande, au sujet du pacte de
responsabilité était « irresponsable » et appelé à « un
printemps de mobilisation » en France.
« La décision du président de la République est
irresponsable sur la méthode et sur le fond » a affirmé, Thierry Lepaon,
lors d'une conférence de presse, au lendemain d'un accord sur le pacte signé
avec le patronat par trois syndicats dont la CFDT, mais rejeté par la CGT.
Thierry Lepaon a accusé François Hollande d'avoir
« passé un accord de nature quasi-personnelle avec le président du
Medef ».
« L'acte politique du pacte revient à s'en remettre au
seul patronat pour régler les problèmes économiques et sociaux », a estimé
Thierry Lepaon pour qui « l'intervention de la Commission
européenne » mercredi, qui a mis la France sous surveillance, a été
« manifestement un élément déterminant pour aboutir » à l'accord
signé par le patronat et trois syndicats.
Ainsi le 13 mars, au dernier jour de la négociation
patronat/syndicats sur l'assurance chômage, la centrale
appelle à une manifestation entre la place de l'Odéon (VIe arrondissement) et
le siège du Medef (VIIe arrondissement) « pour exiger que les propositions
de la CGT soient prises en compte ».
La CGT appelle, en outre, avec FO, la FSU et Solidaires, à
une journée de mobilisation le 18 mars sur l'emploi et les salaires. « Occasion
de dire qu'on n'est pas d'accord avec les termes de l'accord » sur le
pacte, a souligné Thierry Lepaon.
La CGT sera aussi dans le rue le 4 avril avec les syndicats
européens et appelle à un « 1er mai unitaire », malgré les
divergences avec la CFDT.
Rien avant une baisse « définie » des charges
Le texte arrêté mercredi 5 mars en fin d'après-midi par le
patronat et trois syndicats ne comprend pas d'engagements chiffrés mais « détaille
de façon rigoureuse les dispositifs qui seront en place au niveau des branches
(professionnelles) pour aller vers des objectifs » en matière d'emplois,
avait affirmé le chef de la délégation du Medef, Jean-François
Pilliard.
Les signataires demandent ainsi l'ouverture au niveau des
branches professionnelles « de discussions en vue d'aboutir à un relevé de
conclusions signé, ou des négociations en vue d'aboutir à un accord précisant
des objectifs quantitatifs et qualitatifs en termes d'emplois ». Cette
procédure n'interviendra toutefois que lorsque la baisse des prélèvements
promises par le gouvernement « sera précisément définie ».
Ce paragraphe, nœud gordien des débats, a été âprement
négocié, les syndicats refusant de faire un « chèque en blanc » au
patronat et réclamant des engagements contraignants en matière d'emplois.
« On a transigé sur (la possibilité) d'un relevé de
conclusions signé car cela a une valeur contractuelle », a affirmé Joseph
Thouvenel (CFTC). Ce que contestent la CGT et FO pour qui un tel relevé n'a pas
de valeur juridique.
Mise en place d'un observatoire tripartite
« Le patronat, c'est prends l'oseille et
tire-toi », a ironisé Stéphane Lardy de FO, qui déplore aussi qu'il n'y
ait aussi aucune sanction prévue si le patronat ne tient pas ses promesses.
D'après l'accord, un premier bilan « pourra être
réalisé » avant l'été 2014. « Un observatoire tripartite »
assurera le suivi du pacte, aussi bien sur les baisses de prélèvements que sur
les créations d'emplois.
La CFDT a estimé avoir obtenu « un engagement chiffré
sur l'emploi au niveau des branches ». « On a obtenu les points clés
que nous demandions, sur l'emploi, la classification (grille des salaires) et
l'investissement », a assuré Véronique Descacq, sa représentante.
« On aura bien une négociation sur le niveau de
l'emploi qui donnera lieu à des objectifs quantitatifs et qualitatifs », a
renchéri Alain Giffard (CFE-CGC).
La CGT a, elle, fustigé « un simulacre de
discussions ». « Le patronat n'est prêt à aucun effort, il veut des
aides publiques, toujours plus d'aides publiques, sans aucun contrôle », a
dénoncé sa négociatrice Marie-Laurence Bertrand.
La CGT et FO ont déjà prévu de descendre dans la rue le 18
mars contre le pacte.
Pression de Bruxelles
Le patronat a eu lui-même beaucoup de mal à se mettre
d'accord sur un texte de compromis, la CGPME refusant tout chiffrage des
créations d'emplois. « Cela a été compliqué entre nous », a reconnu
Jean-François Pilliard.
En posant la première pierre du pacte, patronat et syndicats
ont retiré une épine du pied du gouvernement qui mise beaucoup sur lui. Il
avait d'ailleurs demandé aux partenaires sociaux de conclure avant fin mars. Il
veut ensuite engager sa responsabilité devant le Parlement sur ce projet.
Le gouvernement est aussi sous pression de Bruxelles qui a
placé mercredi 5 mars la France
sous « surveillance renforcée », notamment pour son « manque de
compétitivité ». « Le coût du travail reste élevé et pèse
sur les marges des entreprises », a relevé la Commission qui attend « avec
impatience » que Paris lui adresse les détails du pacte de responsabilité.
Réaction de la CFDT
Laurent Berger, numéro un de la CFDT, estime dans une
interview aux Echos vendredi 7 mars qu'il est « hors de question »
que les allègements de charges promis dans le cadre du pacte de responsabilité
servent à verser des dividendes, comme annoncé par Pierre Gattaz.
« Il faut que ces allègements soient progressifs et il
est hors de question qu'ils servent au versement de dividendes, contrairement à
ce que dit Pierre Gattaz »,
assure Laurent Berger.
« L'emploi ne se décrète pas », justifie vendredi
Laurent Berger, pour qui le texte « énonce une méthode qui favorise
l'emploi là où il se crée, dans les branches, les entreprises, les territoires,
celle du dialogue renforcé ».
Il insiste sur l'importance d'une « cohérence entre la
trajectoire de baisse des prélèvements et le respect des engagements qui seront
pris par les branches et les entreprises ».
« La logique, c'est que si les engagements sont tenus,
la trajectoire de baisse des cotisations se poursuivra. Sinon il faudra remettre
en cause », dit-il, ajoutant qu'une loi n'est pas nécessaire pour valider
l'accord passé mercredi.
La CFTC a été le premier syndicat à ratifier officiellement
jeudi cet accord, refusé par la CGT et FO.
Lorsque les dividendes seront suffisamment taxés pour que les entreprises aient plus intérêt à investir qu'à distribuer les bénéfices aux entreprises, cela changera certainement le paysage économique. Mais sur ce plan, on ne voit aucune action du gouvernement qui aille dans ce sens, pour inverser la courbe. Et tant que les entreprises n'investiront pas pour améliorer et renevouler leur appareil productif, la France restera en arrière. L'article de Benoit Hamont dans les Echos, qui compare le rapport investissement-dividendes entre l'Allemagne et la France, est très parlant à ce sujet.
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