Le sévère échec électoral des socialistes français et la
percée locale du Front national dans les municipalités où il présentait des
candidats ne devraient pas constituer une surprise. Depuis des mois, la France
connaît une situation a-« normale » qui présageait une sanction
électorale : le président, le gouvernement et la majorité parlementaire
s’entêtent à mener une politique d’autant plus impopulaire que ses résultats
sont mauvais. Et ils invoquent pour s’obstiner le pouvoir que leur confèrent
les institutions. De fait, celles-ci permettent à l’exécutif de négliger
pendant cinq ans le sentiment de la population, tout comme il a ignoré le
verdict sans appel d’un référendum sur l’Europe organisé trois ans plus
tôt (lire André Bellon, « Bonapartisme
ou Constituante » dans le numéro d’avril, en kiosques). Ce
fonctionnement est conforme au texte de la Constitution de la Ve République,
conforme aussi à des situations récentes, à une époque où la droite était au
pouvoir : ce fut le cas avec M. Jacques Chirac à la popularité
abyssale entre 2005 et 2007, avec M. Nicolas Sarkozy dans une situation
comparable entre 2008 et 2012. Il n’en est pas moins contraire à une bonne
pratique de la démocratie.
Il n’est pas étonnant que, dans ce contexte, les
jacqueries se multiplient. Pas étonnant non plus qu’elles aient des
traductions électorales favorables au Front national, lequel a beau jeu de
railler l’existence depuis une vingtaine d’années d’un parti unique de fait, l’« UMPS », qui
s’accorderait sur nombre de grands dossiers : économiques et sociaux,
européens, commerciaux (lire Christian de Brie, « En avant vers
le radieux parti unique ! », juin 1995). Cette situation
française se retrouve dans d’autres pays européens, où l’extrême
droite est à l’offensive.
On risque d’avoir une nouvelle confirmation de ce
mécontentement général lors des élections européennes de mai prochain,
traditionnellement propices à l’abstention. L’emballement de la
machine bruxelloise, le grignotage obstiné des souverainetés
nationales, seront à coup sûr mis en accusation. Au nom de l’ouverture des
frontières, les institutions européennes (Commission et Parlement) ne cessent,
par exemple, de produire des textes entérinant et amplifiant le phénomène du « détachement
des travailleurs », c’est-à-dire le dumping
social.
Les socialistes français tireront-ils la leçon de leur
sanction électorale en abandonnant le cap d’une politique qui non seulement
suscite le mécontentement de la population, mais qui en plus échoue de
manière spectaculaire ? Rien ne l’indique. Interrogé mardi
25 mars, Michel Sapin, ministre de l’emploi, a estimé au contraire que« l’important,
c’est de ne pas lâcher l’objectif qui est de faire diminuer le déficit de la
France. Ça, ça ne changera pas. »
Bien au contraire : aiguillonné par la commission de
Bruxelles, le gouvernement français se prépare à annoncer 50 milliards
d’euros d’économies supplémentaires. Extraordinaire et terrible paradoxe qui
voit le ministre de l’emploi du gouvernement de gauche d’un pays où le chômage
n’a presque jamais cessé de s’accroître depuis l’élection de François Hollande
réclamer que la priorité gouvernementale demeure la baisse des dépenses
publiques.
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