dimanche 9 mars 2014

La durée hebdomadaire moyenne du travail PAR PERSONNE ACTIVE est passée de 46h à 31h entre 1960 et 2010. En Allemagne, elle est de 29h !


On dispose de séries sur la durée moyenne annuelle du travail pour l’ensemble des personnes « en emploi », qu’on nomme aussi « population active occupée ». Mais la définition de la population active inclut aussi les chômeurs. Or on ne trouve pas de séries pour une variable certes abstraite mais qui a du sens, obtenue en divisant le volume total d’heures de travail annuelles dans l’économie par la population active. Le sens est le suivant : c’est tout simplement ce que serait la durée annuelle du travail si tous les « actifs » avaient un emploi et si tous avaient la même durée annuelle effective (« réelle ») du travail.


Une telle série peut être reconstituée, bien qu’avec de petites incertitudes (on a plusieurs sources sur la durée) et conventions (en particulier sur la mesure du chômage) qui affectent peu les ordres de grandeur et les tendances depuis cinquante ans. J’ai retenu à partir de 1970 la définition (restrictive) du BIT du chômage (et donc de la population active), qui sous-estime un peu la tendance à la baisse qui m’intéresse. Voici le graphique obtenu pour la durée annuelle moyenne tous emplois et tous “actifs” confondus :



Sources : durée moyenne annuelle pour les personnes en emploi : données du Groningen Growth Center development (GGDC), reprises par l’Insee. Série des taux de chômage au sens du BIT : Insee.

Pour une estimation de la durée hebdomadaire effective moyenne, j’ai retenu une convention qui tient compte de l’évolution du nombre de semaines de congés payés : 3 jusqu’en 1968, 4 jusqu’en 1982 et 5 ensuite. Pour tenir compte grossièrement des autres jours de « non travail effectif », j’ai divisé la durée annuelle par 47 semaines « d’équivalent semaine complète de travail effectif » en 1960, 46 semaines en 1970 et 1980, et 45 ensuite. Voici le résultat sous forme de graphique :

Pour ma part, j’interprète ces résultats ainsi : dans un contexte où la croissance ne reviendra pas vraiment, ou très peu, les politiques devraient tendre à réduire l’écart entre la durée légale et la durée moyenne réelle POUR L’ENSEMBLE DE LA POPULATION ACTIVE. C’est ce qu’on appelle le partage du travail, sous réserve qu’il vise la convergence des temps et non ce « partage » à l’envers qui voit les uns travailler beaucoup pendant que d’autres sont à temps partiel contraint ou au chômage.

L’ALLEMAGNE ! L’ALLEMAGNE !

Mais j’entends déjà le chœur des pleureuses, dirigé par Madame Parisot : Jean Gadrey, vos graphiques prouvent tout simplement que LES FRANCAIS NE TRAVAILLENT PAS ASSEZ ! C’est le grand obstacle à NOTRE COMPÉTITIVITÉ. Jamais nous ne pourrons être aussi compétitifs que les Allemands dans ces conditions !

Soit, parlons de l’Allemagne. Je n’ai pas sous la main, ni en ligne, de quoi reconstituer des séries longues analogues, ou alors il faudrait que j’allonge beaucoup mon temps de travail de blog. Mais pour les années récentes on a tout ce qu’il faut. Selon les données de l’OCDE et de l’UE reprises par P. Artus (source ci-après), la durée annuelle moyenne de travail des Allemands, salariés et non salariés, temps plein et temps partiel ensemble, était en 2009 inférieure d’environ 10 % à celle des Français. Le taux de chômage était de 7,5 % contre 9 % en France. Il en résulte que la durée annuelle moyenne du travail effectif par actif était Outre-Rhin 7 % inférieure à son niveau en France, soit environ 29 HEURES PAR SEMAINE !

Même si on effectue le calcul sur toute une durée de vie au travail (la « durée effective tout au long de la vie »), les Allemands ne travaillent pas plus que les Français, bien que leur âge effectif moyen de départ à la retraite soit de 62,2 ans contre 60 ans en France (en 2009, selon Patrick Artus, Flash économie du 30 mai 2011). On trouve aussi cette comparaison dans une étude de l’OFCE de 2012, très claire sur les difficultés méthodologiques et sur l’éventail des sources, question que je n’ai pas évoquée : « Combien de temps les Français travaillent-ils ? », par Éric Heyer, Mathieu Plane et Xavier Timbeau. Elle est accessible en ligne.


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