Tribune libre par Frédéric Lutaud, membre du Bureau national pour la motion 4
Les militants de la motion 4 se sont exprimés. Ils ont
clairement signifié que la politique économique du gouvernement n’est pas la
solution à la crise. Je salue leur lucidité et le respect de nos engagements
dans cette consultation qui fait honneur à la vie démocratique de notre motion.
Je n’ai pas connaissance d’une consultation similaire dans les autres motions,
mais je ne serai pas surpris du courage politique des militants du Parti
socialiste si la direction se prêtait à l’exercice.
La ligne politique de notre motion menée par le Bureau
national sort renforcée. Depuis des mois, nous mettons en garde la direction du
Parti socialiste sur la dérive libérale du gouvernement. L’allongement des
cotisations retraites, le refus d’encadrer les salaires, le renoncement à la
séparation des banques de dépôt et des banques d’affaires, une politique de
l’emploi sans solution contre le chômage de masse, l’austérité budgétaire… Bref,
autant de mesures qui préfiguraient la « politique de l’offre » annoncée
par François Hollande.
Les inégalités se creusent : 50% de SDF de plus en 3 ans, 900 000 français sont tombés dans la pauvreté, 3 millions de salariés victimes de surmenage au travail, les salaires stagnent et le chômage de masse continue d’augmenter. Inversement, la rémunération moyenne des dirigeants du CAC 40 a augmenté de 21%, les dividendes ont augmenté de 100% depuis 2008, les 500 plus grosses fortunes économiques de France ont amélioré leurs revenus de 25% et la France affiche le record de millionnaires en Europe. La "politique de l'offre" n'apporte aucune réponse à la concentration des richesses.
Les membres du Bureau national de la motion 4, Patrick
Ardoin, Marie Bidaud, Maryse Martin et moi-même, sommes invités le 10 février à
participer au séminaire du Bureau national du
Parti socialiste en présence du Premier ministre Jean-Marc Ayrault pour
débattre et réfléchir sur les « contreparties » attendues des
entreprises.
Nous y porterons, bien entendu,
les engagements de la motion 4. Je reste néanmoins sceptique sur les mesures salutaires
qui pourraient en découler. Les « contreparties » laisseraient entendre
qu’il pourrait un avoir un « gagnant gagnant » dans la politique de
l’offre du gouvernement. D'abord, nous distinguons clairement les PME et la politique des
grands groupes qui captent à leur profits les marges de leurs prestataires et
les empêche de se développer. Ensuite, nous savons que 65% des emplois détruits dans
l’industrie depuis 2000 sont dus à des gains de productivité. Nous savons aussi que la
« compétitivité » de notre offre industrielle, qui n’a rien à voir
avec la baisse du coût du travail, ne résoudra pas le chômage de masse. Le patronat ne concèdera aucune contrepartie s'il n'y est pas contraint. Le gouvernement
doit légiférer sur la durée légale du temps de travail. Le problème est avant
tout structurel, dans un capitalisme financier qui s’évertue à démanteler nos
protections sociales pour s’ouvrir de nouveaux marchés et accentue la
concurrence généralisée des salariés entre eux afin de maximiser ses profits. Tant
que François Hollande n’engagera pas le rapport de force nécessaire avec
« son adversaire la finance », il n’y aura pas de sortie de crise. A
la démesure de la puissance financière doit être opposée la mesure de la
puissance publique.
Ce qui nous inquiète au plus
haut point, c’est le déficit démocratique avec lequel François Hollande dirige
la politique économique du pays. Alors que notre motion citoyenne demande que
la population, les associations, les syndicats, nos élus soient étroitement
associés à la construction du changement, l’Elysée s’enferme dans les coulisses du pouvoir de la Ve République pour décider seul de la marche à suivre. Un « observatoire » ou un « séminaire
de réflexion » des contreparties sur « un pacte de responsabilité »
inefficace ne dispensera pas d'une action publique courageuse de la puissance publique en
faveur de la répartition des richesses et de la lutte contre le réchauffement
climatique impliquant tous les acteurs de la société civile.
Les membres du Bureau
national participeront au séminaire en présence du Premier ministre mais non sans
avoir averti les militants de la motion4 de l’insuffisance du cadre qui nous
est fourni. Fidèle à l’opinion exprimée par nos militants, nous continuerons à
demander un changement de cap.
Lire aussi :
Frédéric Lutaud : « Le pacte d'irresponsabilité »
Patrick Ardoin : « Intervention au BN »
Rémi Demersseman-Pradel : « À moyen terme, c'est politiquement dangereux. »
Paul Krugman : « Scandale en France »
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Vos réactions nous intéressent…