La croissance d'un pays ne ralentit pas automatiquement
lorsque sa dette publique dépasse le seuil de 90 % du PIB. C'est la conclusion
à laquelle parviennent Andrea Pescatori, Damiano Sandri et John Simon dans une
étude qu'ils viennent de publier sur
le sujet, et intitulée « Dette et croissance : y a-t-il un seuil magique ? » («
Debt and Growth: Is There a Magic Threshold? »).
Ces trois chercheurs du Fonds monétaire international (FMI) apportent ici une nouvelle pierre à la polémique qui a violemment agité le monde académique – etpolitique –à l'été 2013.
Leur démonstration eut une influence majeure sur la
conception des plans d'ajustement mis en œuvre dans les pays du sud de l'Europe. Olli Rehn, le Commissaire européen
aux Affaires économiques, cita ainsi à de nombreuses reprises l'article afin d'encourager les
pays en difficulté dans la zone euro àprendre des
mesures de rigueur.
Problème : une partie des équations des deux économistes
était fausse ! En 2013, deux étudiants de l'université Amherst du
Massachussetts ont ainsi identifié plusieurs erreurs grossières dans les
formules de calculs Excel qu'ils ont utilisées.
De plus, les données de certains pays, la Nouvelle-Zélande, le Canada et l'Australie, ont été exclues
sans motif justifiable du champ de leur enquête.
Face au tollé, M. Reinhart et M. Rogoff ont reconnu leurs
erreurs, tout en maintenant que leur constat était toujours valable.
LA TRAJECTOIRE AUSSI DÉTERMINANTE QUE LE NIVEAU
La nouvelle étude publiée par les experts du FMI sonne donc
comme un nouveau coup de semonce pour les deux stars de Harvard. Les auteurs y
passent en revue près d'un siècle d'indicateurs économiques provenant de
trente-quatre pays.
« Nous n'avons trouvé aucune preuve d'un seuil particulier
d'endettement au-dessus duquel les perspectives de croissance à moyen terme
seraient significativement compromises », attestent-ils. Selon eux, la
trajectoire suivie par l'endettement public est aussi déterminante que son
niveau absolu.
« Les pays ayant une dette publique élevée mais en voie de
diminution affichent en effet des taux de croissance similaires à ceux de pays
beaucoup moins endettés », commentent-ils.
Une conclusion plutôt encourageante pour la zone euro, qui a
vu son endettement se réduire de
93,4 % à 92,7 % du PIB au troisième trimestre 2013, soit la première baisse
enregistrée depuis 2007.
Les auteurs soulignent néanmoins qu'un niveau élevé de dette
publique rend le PIB plus volatil, notamment à cause de la pression des marchés
et des mesures d'austérité mises en place pour tenter de redresser les finances publiques.
Cette étude illustre une nouvelle fois les débats régnant au
sein même du FMI sur la question de la dette et de l'austérité. En janvier
2013, son économiste en chef Olivier Blanchard avait ainsi admis que
l'institution a sous-estimé l'impact récessif des mesures d'austérité mis en
œuvre pendant la crise.
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