Pas sûr que la grande réunion de famille se termine par un banquet
fraternel. Le Parti
socialiste organise lundi 10 février un séminaire « ouvert
aux parlementaires » pour discuter du
pacte de responsabilité annoncé par François Hollande en
janvier. Intitulée « Réussir le
pacte de responsabilité pour la France », cette
réunion, prévue à la Maison de la chimie à Paris, sera « un lieu de débat et de
travail entre socialistes », explique le premier secrétaire, Harlem Désir.
Pourtant, le programme peut laisser penser
que la place accordée audit débat sur ce tournant économique majeur du
quinquennat sera maigre.
Dans un courrier adressé jeudi à M. Désir, que Le Monde s'est
procuré, Marie-Noëlle Lienemann et Julien Dray, deux figures de l'aile gauche
du PS, reprochent au premier secrétaire d'« éluder » le
débat en organisant une « opération de communication » en soutien de
la politique gouvernementale. «
A notre grand déplaisir, nous constatons que ce qui devait être logiquement
une réunion de travail du bureau national du Parti socialiste pour construire ensemble
des solutions politiques se transforme en fin de compte en un véritable show »,
écrivent-ils.
« VÉRITABLE MASCARADE »
Mme Lienemann et M. Dray dénoncent une «
grand-messe qui ne permettra pas l'échange approfondi, franc et lucide que la
situation impose entre nous » et se désolent que les dirigeants du PS
soient « réduits au rôle de commentateurs a posteriori des décisions » gouvernementales. «
Ce séminaire est une véritable mascarade, explique Mme Lienemann au Monde. Ils
ont peur d'entendre nos
arguments parce qu'ils savent qu'ils sont en décalage avec notre base. Plus le
temps passe et plus notre électorat et nos militants doutent du pacte, ils
voient bien que ce n'est pas du donnant-donnant et que le Medef est en train d'imposer ses vues.
»
M. Désir rétorque que « toutes les sensibilités du PS
sont associées au séminaire ». Mais le patron de la Rue de Solférino, qui a
reçu l'ensemble des partenaires sociaux, précise que « l'objectif en est
la réussite du pacte, pas sa remise en cause ». « Le parti est très
mobilisé, car le pays a besoin d'une politique de soutien à l'offre », explique
M. Désir.
Parmi les points qui fâchent, figurent les contreparties en
termes d'emplois aux 30 milliards d'euros d'exonération de cotisations
familiales pour les entreprises.
François Hollande a déclaré en janvier qu'il voulait des contreparties «
claires, précises, mesurables et vérifiables », mais sans donner d'objectifs
chiffrés. L'Elysée souhaite désormais que la mise en œuvre du pacte de
responsabilité s'accélère. Dans ce sens, le premier ministre a demandé aux
partenaires sociaux de faire des
propositions avant la fin du mois.
Dans cette perspective, pas question de s'embarquer dans
un débat interne à la majorité sur les engagements patronaux, à l'image de
celui qui avait eu lieu sur la réforme des retraites au printemps 2013. «
Il ne faut pas que le soufflé retombe. Il y aura toujours des mécontents qui
continueront de parler comme
Mélenchon, mais l'aile gauche du parti, on s'en fout, elle n'a pas de rôle à jouer
là-dedans », renvoie en privé un ministre proche du chef de l'Etat.
Loin d'en critiquer telle
ou telle modalité, le flanc gauche du PS, qui plaide pour une relance par la
demande, conteste le bien-fondé même du pacte. « On en rejette les deux
présupposés fondamentaux, explique Emmanuel Maurel, leader de l'aile gauche. On
ne croit pas que l'exonération de cotisations familiales puisse relancer la
compétitivité et on refuse la baisse des dépenses publiques pour financer celle
du coût du travail. »
Selon nos informations, l'aile gauche socialiste réfléchit à
une lettre de mise en garde au gouvernement qu'elle rendrait publique lundi
avant le séminaire. Elle souhaiterait y associer les
élus proches du ministre Benoît Hamon, membres du courant Un monde d'avance.
Plusieurs d'entre eux ne masquent pas leurs critiques contre le tournant de
l'Elysée, comme le député Pouria Amirshahi, qui,dans Le Journal
du dimanche du 1er février, a invité le PS à « prendre un autre
chemin », estimant que le pacte de responsabilité « risque d'entraîner une
baisse du niveau de vie de la majorité des citoyens ».
CONTREPARTIES « MASSIVES »
Si la fronde interne devait prendre de
l'ampleur, elle pourrait aussi rallier les
proches de Martine Aubry, réunis dans le club parlementaire de la Gauche
durable, qui pour l'instant ne remettent pas en cause le pacte, mais réclament,
à l'instar du député de la Nièvre Christian Paul, des contreparties «
massives, évaluables, chiffrables, mesurables en temps réel ».
A l'été 2013, ces différentes sensibilités socialistes, avec
l'autre club de la Gauche populaire, avaient fait bouger les
lignes en lançant un appel commun pour « la mise en œuvre d'une grande
réforme fiscale ». Un tel front peut-il se reformer sur
la base sociale du pacte de responsabilité ? « Le PS n'est pas unanime sur ce
pacte, il faut que toutes les voix critiques se fassent entendre »,
répond M. Maurel.
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