Les groupes du CAC 40 disposent
de plus de 1 500 filiales dans les paradis fiscaux, selon une enquête
publiée jeudi 13 février par la revue Projet. Ses auteurs
assurent que, d'après leurs recherches, « la présence dans les
paradis fiscaux n'a pas diminué depuis [...] 2009 ».
Les fleurons de la place française disposent d'exactement 1
548 sociétés dans des paradis
fiscaux, selon les dernières publications de résultats des entrepriseselles-mêmes
(cotées, elles ont l'obligation d'indiquer à
leurs actionnaires la liste complète de leurs filiales), données croisées avec
celles des études faisant autorité (les travaux de l'association Tax Justice Network notamment)
et la liste la plus récente des paradis fiscaux du Forum mondial
sur la transparence.
« Avec 214 filiales offshore, BNP Paribas se place en tête suivie de LVMH (202),Kering (99), Crédit agricole (86) et Schneider Electric (75) », précise Projet.
LE DEGRÉ DE CIVISME FISCAL DES MULTINATIONALES
Le procédé est simple, rappelle la publication jésuite : « Des
filiales aux Iles Caïmans, au Luxembourg ou
en Irlande présenteront
des résultats fortement excédentaires, alors que les bureaux y seront peu
peuplés, voire inexistants. » En l'occurrence, les terres de prédilection
des entreprises tricolores sont des pays voisins : Pays-Bas, Belgique, Suisse et Luxembourg.
« L'on s'arrangera en revanche pour que la filiale
française ou indienne, plus fortement imposée, évite d'afficher des
bénéfices trop élevés », ajoute l'étude. Des pratiques qui n'amenuisent pas
seulement la contribution fiscale de l'entreprise mais grignotent aussi
l'intéressement des salariés aux bénéfices.
L'étude admet que cet inventaire ne suffit pas à « mesurer
le degré de civisme fiscal des entreprises multinationales ». Avoir une
filiale ou des comptes à l'étranger ne constitue pas en soi une tentative
d'évasion fiscale ; c'est le cas, en revanche, quand le montage est
volontairement complexe, masquant manifestement son véritable bénéficiaire.
La solution pour lever le
doute, insistent depuis plusieurs années les militants en faveur de la
transparence, serait de publier non
seulement le nombre de filiales et leur localisation mais aussi des données
plus complètes sur leur nombre de salariés, leur chiffre d'affaires et leurs
bénéfices.
PARTIE VISIBLE DE L'ICEBERG
Car ces quelque 1 500 filiales « offshore »
pourraient n'être que
la partie visible de l'iceberg. Par exemple, France Télécom
annonce 400 entités, mais n'en liste que 32. Danone publie
les noms de 99 filiales sur 252 annoncées, Capgemini 124
sur 136, Legrand 34
sur 157, Veolia Environnement 106 sur 2 728 et Vivendi 57
sur 690.
« Vingt-trois sociétés du CAC 40 ne publient pas la
liste complète des entités qu'elles consolident dans leurs comptes [y
compris des groupes dans lesquels l'Etat possède une participation, comme EADS, GDF Suez ou
France Télécom] », regrettent les auteurs de l'étude.
Parmi les grands groupes français, seuls ceux ayant une
activité bancaire seront (à partir du
1er juillet 2015) tenus de donner les
détails complets de leur structure, bénéfices compris.
Le Parlement français a certes adopté le principe d'une
transparence pour tous les secteurs au-delà des banques, mais avec une réserve
importante : les autres pays de l'Union européenne doivent adopter une
mesure identique pour qu'elle devienne effective en France. « La
transparence pays par pays figurera-t-elle parmi les contreparties du pacte de
responsabilité ? », s'interroge la revue militante.
L'Organisation de coopération et de développement
économiques (OCDE) étudie également cette possibilité d'étendre le
principe de transparence au-delà du secteur bancaire, « mais des
lobbies font tout pour en amoindrir la
portée », avance Projet. La consultation publique que l'institution a
ouverte sur le sujet se clôt à la fin de ce mois.
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