Le designer Massimo
Menichinelli (@openp2pdesign)
s’est intéressé aux Fab Labs parce qu’il s’intéressait aux processus de
collaboration et à la conception ouverte (voir sa
présentation). Il s’est notamment intéressé à comprendre en quoi les
modèles open source avaient une influence sur la conception. Il a
aussi commis un
intéressant travail d’analyse de la communauté des makersitaliens
pour saisir sa structure et son fonctionnement.
Image : Massimo Menichinelli sur la scène de Lift, photographié
par la Fing.
Les Fab Labs,
ces laboratoires de fabrication, proposent un accès démocratique aux outils de
fabrication, estime celui qui a participé à la conception du Fab Lab du Musée des sciences de
la ville de Trente (galerie photo).
Ils permettent à plusieurs personnes de travailler ensemble, selon un processus
de conception ouvert. Et ce sont ces processus de collaboration ouverts qui
posent des questions aux acteurs publics… Faut-il considérer les Fab Lab comme
de nouvelles formes de services publics ? La question pourrait paraître
incongrue, pourtant, dans de nombreux endroits, les autorités publiques
réfléchissent à l’impact de ces lieux sur la société et préparent des
politiques de soutien à ces nouvelles formes de fabrication. En mars
2012, le président américain a lancé un plan d’investissement d’un milliard de
dollars pour créer un réseau national de fabrication numérique, le National Network of manufacturing
innovation. Le gouvernement britannique a également ouvert des fonds
pour soutenir un réseau de Fab Lab, celui de Singapour un plan pour développer
l’industrie de l’impression 3D… La France a lancé un appel à projet pour
inciter au déploiement de Fab Labs…
Le succès de l’innovation
sociale, du design de services, au Royaume-Uni ou au Danemark qui
s’élargit encore modestement au reste de l’Europe est-il un signe avant-coureur
de la transformation à venir des services publics ? La
co-conception va-t-elle devenir la règle ? Si elle a fait ses
preuves pour résoudre des problèmes isolés, ponctuels, peut-elle être intégrée
dans les institutions voire utilisée au plus haut niveau politique, comme le
recommande le Design Council britannique dans un récent rapport ?
L’ouverture, l’open source, créé un écosystème qui permet de
concevoir un service adaptatif, estime Massimo Menichinelli. A partir de Linux,
on a créé un ensemble d’initiatives logicielles rappel le chercheur en pointant
vers la carte des projets dérivés de Linux.
Certes, toutes ces initiatives n’ont pas réussi. Beaucoup des projets listés se
sont arrêtés en cours de développement ou n’ont pas abouti. Mais le principe
d’ouverture a permis de créer un ensemble d’initiatives, de répondre à de
nouvelles questions… La nouvelle version de la carte des initiatives
logicielles dérivées de Linux est tellement vaste, tellement foisonnante de
projets qu’on ne peut plus la lire sans zoomer dessus. La participation n’est
pas l’objet de cette nouvelle culture du DIY (do it yourself), du
prototype, de la cocréation et de l’ouverture… La participation est un levier.
Un levier pour transformer le monde et ses valeurs.
La journaliste, blogueuse et essayiste Anne-Sophie Novel (@SoAnn), connue pour animer le blog. Même pas mal sur le
Monde.fr, faisait le même constat dans sa synthèse de la journée. Qu’importe le
terme qu’on emploie pour évoquer cette transformation en cours. Michel Serres
parle de la petite
poucette qui tient le monde de demain entre ses mains. Joël de
Rosnay de la société fluide.
L’anthropologue Pascal Picq de coévolution et Anne-Sophie Novel et Stéphane
Riot parlaient dans leur ouvrage éponyme de la co-révolution…
Autant de mots qui désignent, comme l’ont montré biendes présentations de cette 5e édition
de Lift France, la façon dont le citoyen se réapproprie le monde que
ce soit par l’information, par le développement de sa capacité d’agir, par ses
actions sur l’espace public… Le numérique propose toute une gamme d’outils pour
se réapproprier le pouvoir, pour proposer de nouvelles façons de faire
politique, souvent stimulantes, même si parfois imparfaites.
Mais inventer ne suffit pas à changer la société. Les
innovations et les basculements sont de plus en plus rapprochés rappelle Pascal
Picq dans son dernier ouvrage, De Darwin à
Levi Strauss, où il souligne que les grands âges de l’esprit humain
sont liés à notre capacité à agir sur le monde et qu’à mesure que nous
développons notre capacité à agir sur le monde nous développons aussi notre
capacité à le détruire, à le transformer… Les innovations et les basculements
de notre rapport au monde qu’elles impliquent accélèrent leur rythme. Les
nouveaux enjeux auxquels nous sommes confrontés exigent de nous des réponses
toujours plus rapides.
Mais l’histoire nous rappelle que bien souvent nous disposons
déjà de toutes les solutions techniques pour y faire face, rappelle Anne-Sophie
Novel. En fait, ce ne sont pas tant les techniques qui changent le monde que
les connaissances et les représentations du monde qui le change. Pour changer
la société, inventer ne suffit pas, il est nécessaire d’assimiler, d’intégrer
ce qu’on en comprend. Les gens qui ont assimilé l’open source, le partage, ont
intégré dans leur ADN les valeurs de demain.
Image : Anne-Sophie Novel sur la scène de Lift, photographiée par la Fing, se prête au difficile exercice de la synthèse créative et conclusive.
“Je suis bien consciente que la majorité des gens ne
partagent pas ma vision du monde” que tout le monde n’est pas catastrophé
par la perspective du réchauffement climatique, que tout le monde ne deviendra
pas un maker du jour au lendemain… Oui, l’imprimante 3D, ce gadget
appelé à changer le monde, ne sert pour l’instant qu’à créer d’autres gadgets…
Mais l’important est l’esprit qu’il insuffle. « Face à l’urgence à laquelle
nous sommes confrontés, l’accès libre permet d’aller plus vite et plus loin. »
Il faut continuer à le faire savoir, comme nous le fait
savoir le succès des projets qui reposent sur ces valeurs, à l’image du
stimulant Protei de Cesar Harada qui se propose de
nettoyer les océans que nous avons pollués, ou comme le propose Wikispeed, la voiture open source qui ne
consomme que deux litres aux cent…
Il faut continuer à diffuser l’innovation ouverte comme le
font toujours plus de porteurs d’initiatives du quotidien et faire que les
pouvoirs publics s’en emparent et relaient ces valeurs, conclut Anne-Sophie
Novel. Ce sont elles qui changeront le monde, qui nous aideront à le réparer et
à nous le réapproprier.
Hubert Guillaud
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Vos réactions nous intéressent…