mercredi 13 novembre 2013

En Europe, la situation financière apparaît plus alarmante encore qu'à la veille du krach de 2007

Il suffirait d'un petit nombre de lois courageuses pour remettre la finance de marchés au service de l'économie réelle

Gaël Giraud
Le niveau de fonds propres bancaires exigibles a été un peu augmenté mais il reste insuffisant. Avec seulement 3 % à 5 % de leur bilan sous forme de fonds propres, la plupart des banques systémiques européennes, françaises en particulier, ne survivront pas à un choc analogue à celui des subprimes, tout comme elles n'y auraient pas survécu, en 2008, sans le secours de l'Etat.

Or, les cours mondiaux, aujourd'hui repartis à la hausse - sans toutefois refléter l'économie réelle -, connaîtront forcément une nouvelle correction. Et c'est dans ce contexte que le marché de la titrisation - il a joué un rôle crucial dans la crise des subprimes - tente de ressusciter, alors qu'il n'est toujours pas régulé de façon satisfaisante.

Les banques systémiques, elles, sont encore plus grosses qu'autrefois - BNP Paribas pèse davantage que le produit intérieur brut français - ; quant au shadow banking (la finance de l'ombre), échappant à réglementation, il est plus puissant qu'en 2008. Les finances publiques, de leur côté, sont exsangues.

Les "tests" de la Banque centrale européenne (BCE) permettront-ils de garantir la solidité des banques ? En 2010, en Irlande, le secteur les avait passés avec succès. Il avait aussi entièrement fait naufrage trois mois plus tard.

L'union bancaire fournira-t-elle un bon filet de sécurité ? Les nombreuses exceptions d'ores et déjà concédées quant à la supervision européenne, la petite taille du fonds de résolution bancaire, le conflit d'intérêts qui promet par ailleurs de paralyser la BCE sont autant de déchirures dans un filet bien fragile.

Pourtant, l'antienne qui voudrait que les Etats soient impuissants dans un monde globalisé est mensongère. Si rien ne pouvait se faire en deçà de l'échelon européen, quel besoin la France avait-elle de devancer l'arbitrage du commissaire au marché intérieur et aux services, Michel Barnier, sur la séparation bancaire ? Et de passer en hâte une loi - adoptée et promulguée en juillet - qui non seulement ne sépare pas les banques mais encore permet d'utiliser l'argent destiné à protéger les dépôts des Français pour renflouer un fonds spéculatif ?

Il suffirait d'un petit nombre de lois courageuses pour remettre la finance de marchés au service de l'économie réelle, parmi lesquelles la séparation bancaire et une véritable taxe sur les transactions financières qui mette un frein, notamment, au trading à haute fréquence (ou high frequency trading, ou flash trading...).

Ce dernier point est d'ailleurs fondamental, car ces transactions financières à grande vitesse permettent aujourd'hui à certains établissements bancaires de se dispenser de capital prudentiel pour lancer des opérations massives (front running) qu'elles annuleront aussitôt, rendant le débat sur le ratio de fonds propres presque obsolète.

Ces lois, courageuses donc, nuiraient-elles à l'attractivité de la place financière ? Réfléchissons : abandonne-t-on les règles de sécurité d'une centrale au motif que cela nuirait à la compétitivité de l'industrie nucléaire française ?

En outre, la stabilité et la résilience du secteur bancaire le rendent au moins aussi attractif que son aptitude à jouer au casino.

Quant à la place boursière de Paris, depuis quand sa contribution à la spéculation est-elle un impératif politique ?

Gaël Giraud

Directeur de recherche
au CNRS, Centre d'économie
de la Sorbonne, Labex-Refi


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Vos réactions nous intéressent…