La point de vue de Gérard Filoche, membre du BN du PS, le 28 novembre 2013
« Remise à plat » fiscale qu’est-ce que ça
veut dire ?
Reconsidération complète ? Révision de fond en
comble ? Ou action de remettre au même endroit ? Les premiers
éléments entendus sont : fusion CSG/IR, prélèvement à la source.
Où ira l’argent du nouvel impôt mixé s’il y a fusion
IR/CSG ? Au budget de la protection sociale ou au budget de l’Etat ?
Dans ce dernier cas, ce ne serait pas une « remise à plat » mais une
contre révolution fiscale, pas une simplification mais une confiscation !
Car s’il y a DEUX budgets séparés, l’un de l’état et l’autre
de la protection sociale, c’est grâce au génie de la Sécurité sociale, à la mise
en oeuvre du programme du Conseil national de la résistance (CNR) si joliment
intitulé « Les jours heureux ».
En dépit de la confusion qu’entretiennent systématiquement
les libéraux sur les « prélèvements obligatoires » nos cotisations ne
sont pas une « charge » : ce sont des prélèvements volontaires, une
collecte légalisée, c’est une part de nos salaires. Ca figure sur nos
bulletins de paie, pas sur un avis d’imposition.
Nos ainés avaient le souci que le salaire mutualisé, mis
dans un pot commun ne soit pas utilisé, détourné à d’autres fins que ce
pourquoi il avait été collecté.
La différence fondamentale entre impôt et cotisations, c’est
que l’impôt n’est pas « pré affecté » alors que les cotisations le
sont. Regardez sur vos feuilles de paie, il y a des lignes distinctes pour
chaque cotisation, avec des caisses distinctes pour ce qui va à la famille, au
logement, au chômage, aux accidents du travail, à la maladie, à la retraite.
Nos ainés ne voulaient pas que ce qui était collecté pour
notre maladie ou notre retraite puisse servir à autre chose, par exemple à la
guerre, sur un simple vote en opportunité du Parlement. Cela devait rester
affecté aux caisses ad hoc de protection sociale.
Cotisations pré affectées, impôt généraliste
Soulignons que la Sécurité sociale est de droit privée et
que son fonctionnement est remarquablement économe et efficace : à
l’origine, c’étaient logiquement les syndicats qui géraient cette part de nos
salaires et non pas le Parlement
Mais les libéraux qui réclament toujours moins d’état,
paradoxalement, n’ont eu de cesse… d’étatiser la Sécurité
sociale ! C’est à dire de reprendre la main sur les sommes énormes issues
de nos salaires pour les utiliser à leur guise à d’autres fins. Ils l’ont fait
depuis les ordonnances de Pompidou-De Gaulle en 1966-67 qui ont de facto donné
la gestion des caisses au patronat, jusqu’à Rocard qui a supprimé les élections
aux Caisses de sécurité sociale en 1989, en même temps qu’il instituait la CSG,
et enfin Juppé qui a confisqué la gestion pour la redonner au Parlement – même
si cela restait une loi distincte du budget, la LFSS.
Derrière, cela nourrit la revendication principale du Medef
qui est de ne plus payer tous ces éléments du « brut » qui permettent
au salarié de produire : ne plus payer que le « net », l’acte
productif !
L’enjeu est le plus gigantesque qui soit dans ce pays :
aujourd’hui le budget de la protection sociale est une fois et demie plus
important que le budget de l’état. Il est de 450 milliards d’euros contre 300
milliards au budget de l’état. Il s’agit de baisse du « coût du
travail » : le plus énorme "hold up" jamais réalisée :
transvaser 450 milliards des salaires à l’impôt !
Fusion des caisses, fusion des dettes ?
Il est fondamental, à ce stade, de savoir que 90 % du total
de la « dette » présumée de la France ne vient pas du budget de notre
protection sociale.
Celle-ci, en dépit de 5 millions de chômeurs, en dépit de 10
millions de pauvres, en dépit du blocage des salaires et des cotisations, ne
génère que 10 % de déficit et 10 % de la part globale de la dette. C’est une
prouesse, c’est une démonstration de la supériorité de notre système.
Le budget de l’état, lui, génère 78,5 % de la
« dette ». Et les collectivités territoriales en génèrent, elles,
11,5 %.
Alors si l’impôt IR et la CSG sont fusionnés que va t il
arriver ? Tout cela sera transféré vers le budget de l’état au
lieu d’approvisionner le budget des caisses sociales ? De la
confusion des recettes, il sera très facile d’aller à la confusion des
dettes !
Transferts ou siphonage à la source ?
L’idée du prélèvement à la source, c’est-à-dire sur le
bulletin de paie, confortera cette confusion des budgets vers un impôt
généraliste que les majorités parlementaires pourront chaque année, affecter à
leur gré à d’autres postes…
Il est étonnant qu’il y ait tant de réticence des libéraux à
la taxation à la source de chacune de leurs opérations financières par une
« taxe Tobin », et tant d’engouement des mêmes pour prélever l’impôt
à la source sur le bulletin de nos salaires
De surcroit, le prélèvement à la source, livrera tous les
aspects de la vie personnelle du salarié à la connaissance de l’employeur.
Simplification ou nouvelle usine à gaz ?
En plus d’être inquiétante, cette opération de siphonage des
cotisations vers l’impôt est techniquement très difficile à effectuer, en ce
qu’elle impose un passage du foyer fiscal à l’impôt individualisé.
Le quotient familial s’en trouvera affecté. Mais aussi les
seuils et tous les barèmes. Cela ressemble aux douze travaux d’Hercule. Quel
est l’intérêt à prélèvement constant de se lancer dans une opération
de cette envergure, aujourd’hui ?
La tache la plus urgente ne serait-elle pas d’embaucher 2000
inspecteurs des impôts entièrement dédiés à faire rentrer les 60 à 80 milliards
de fraude fiscale qui manquent cruellement dans nos caisses ?
La priorité ne serait elle pas de rétablir l’impôt direct et
progressif sur les revenus et les sociétés, en l’expliquant ! Plutôt que
de multiplier les taxes injustes et proportionnelles comme la TVA, bâtissons 20
tranches d’impôt fines et progressives, en défendant l’idée qu’au dessus de 20
fois le smic, il faut un salaire maxima et une tranche d’impôt à 90 % ?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Vos réactions nous intéressent…