Les Echos | 17/12/2013 | par Jean-Marc Jancovici né en 1962, ingénieur
français diplômé de l'École polytechnique et de École nationale supérieure des
télécommunications de Paris. Il est associé de Carbone 4 et président de The
Shift Project.
Depuis qu'il existe des négociations sur le
climat, il est courant de dire que, si nous ne « faisons rien », les
émissions continueront à augmenter indéfiniment, jusqu'au moment où… où quoi,
exactement ? Le repère généralement proposé est connu : avec
des émissions croissant fortement, nous risquons de 4 à 6° C
en plus en 2100. C'est beaucoup : à la sortie de la dernière
ère glaciaire, la moyenne planétaire n'a gagné que 5° C en dix mille ans.
Une même hausse en un siècle signifierait une claque que peu imaginent. Mais,
en annonçant des émissions croissant sans limites en cas d'inaction, les
partisans de l'action accréditent, paradoxalement, une idée très
sympathique : « ne rien faire » signifierait une économie
encore en croissance sur quatre-vingt-sept ans, quoi que puisse faire le
climat ! Evidemment, c'est une illusion. A raison de 3 % à 5 %
de croissance du PIB par an, les prélèvements et
rejets de toute nature augmenteraient presque à la même vitesse. D'ici à 2100,
nous aurions multiplié tout ce qui est flux physique - énergie,
extraction de minerais, poissons pêchés et artificialisation des sols - par 5 à
10. Est-ce seulement possible ? C'est peu probable, quand on voit que
plusieurs régions du monde sont déjà sous stress d'approvisionnement physique,
avec un PIB qui patine depuis un certain temps, comme le Japon depuis vingt ans
ou l'Europe depuis 2006. Dans les deux cas, c'est l'impossibilité de consommer plus de pétrole - depuis
2005, l'offre mondiale de brut n'augmente presque plus - qui est en cause. Le
pétrole alimentant tout ce qui roule, vogue ou navigue, donc tout ce qui permet
les échanges, s'il n'y a pas assez de pétrole, il n'y aura pas assez de PIB.
En clair, nous avons déjà sous les yeux deux
blocs où, faute d'avoir organisé une baisse ordonnée de la consommation
d'énergie fossile, c'est désormais une limite physique qui nous y conduit de
manière bien moins agréable : l'absence d'action n'a pas du tout amené la
croissance perpétuelle… Au niveau mondial, le « business as usual »
généralisera cette situation bien avant 2100. Faute d'action, nous cumulerons
alors des ennuis climatiques croissants avec une baisse continue des moyens d'y
faire face. Alors, l'inaction, bonne affaire ?
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