Les banlieues dévissent alors que le reste du
pays s'en sort.
La crise s'installe durement et durablement en
banlieue. Les données statistiques relevées par l'Observatoire national des
zones urbaines sensibles (Onzus) dans son rapport 2013, et rendues publiques
mercredi 18 décembre par le ministre délégué à la ville, François Lamy, le
confirment crûment. Comme une piqûre de rappel à l'heure où la loi sur la ville
est discutée au Parlement.
L'écart de revenus entre les quartiers classés en ZUS et les autres territoires urbains « continue à se creuser », remarque ainsi l'Observatoire. Plus inquiétant : cette dégradation s'opère alors que le revenu moyen est reparti à la hausse dans les villes voisines comme dans l'ensemble du territoire. La courbe du chômage montre les mêmes inflexions.
Le décrochage dû à la crise depuis 2009 est
bien réel. On savait qu'une plus grande précarité sociale sévissait dans
les ZUS : la proportion des personnes y vivant sous le seuil de pauvreté (977
euros mensuels) y est trois fois plus importante que dans le reste du territoire
: 36,5 % des habitants contre 12,7 % hors ZUS. Avec 50 % des moins de 18 ans
qui vivent au-dessous du seuil de pauvreté, les jeunes sont les premières
victimes de ce dénuement. C'est aussi dans ces banlieues qu'on
retrouve le plus grand nombre d'allocataires du RSA (31,7 %) et de la
couverture maladie universelle (un assuré sur cinq).
Mais ce que montrent pour la première fois les
statistiques de l'Observatoire, c'est que l'écart entre ces ZUS et les autres
quartiers des mêmes agglomérations se creuse toujours plus. Le revenu moyen par
unité de consommation (qui
tient compte de la taille des ménages) avait augmenté de 6,2 % entre 2004 et
2008, soit 2 points de moins que le reste du territoire. Mais il grimpait. En
2008, le revenu moyen a cessé d'y progresser tandis
que, dans le même temps, il est reparti à la hausse tant dans les unités
urbaines voisines que pour l'ensemble de la France métropolitaine.
DÉCROCHAGE RAVAGEUR
En clair, contrairement à l'assertion courante
qui prétend que, depuis le déclenchement de la crise de 2008, la situation
s'est dégradée partout, cela va encore plus mal dans les quartiers populaires
alors que cela ne va pas si mal ailleurs. Et même s'il existe des disparités
entre les quartiers prioritaires, les banlieues dévissent alors que le reste du
pays s'en sort.
Deuxième enseignement de ce rapport, les
effets de la crise, notamment le chômage, sont concentrés sur les quartiers
populaires. Après une progression forte entre 2009 et 2010, qui s'est ralentie
entre 2010 et 2011, le taux de chômage en ZUS a brusquement grimpé après 2011,
pour s'établir à
24,2 % en 2012, soit près de 6 points supplémentaires en trois ans ! Dans les
autres quartiers, si la situation de l'emploi se
dégrade, elle le fait dans une proportion bien moindre (+ 0,5 %).
Ainsi, là encore, l'écart se creuse avec le
reste du pays. Alors que de 2006 à 2009 le différentiel se situait à 9 points,
il atteint dorénavant 14,5 points. Malgré les exonérations pour les entreprises qui
s'implantent dans les quartiers et les dispositifs d'emplois aidés, on y est
deux fois et demi plus au chômage. Ce décrochage cumulatif est ravageur sur les
populations, soulignent les élus de banlieue.
Au moment où le ministre de la ville réforme
la géographie prioritaire et met sur le même plan des territoires ruraux et des
banlieues populaires – au nom de « l'égalité des territoires » –, le
rapport de l'Onzus met en lumière le caractère exceptionnel de la situation
sociale en banlieue. Et vient opportunément rappeler
cette spécificité de relégation territoriale et de stigmatisation qui plombe
ces quartiers dits sensibles.
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