jeudi 19 décembre 2013

"Nos concurrents étaient très riches, ils le sont un tout petit peu moins. J'ai beaucoup de peine pour eux, je vais pleurer." Xavier Niel

"Les trois opérateurs historiques ont payé 3,9 milliards d'euros de dividendes en 2013. On dit que Bouygues Telecom va mal mais Bouygues a versé 500 millions d'euros de dividendes. Chez Free, c'était 21 millions."

INTERVIEW - Le fondateur de Free Xavier Niel, qui vient de lancer ses offres 4G sans hausse de prix, s'est attiré les foudres des autres opérateurs et d'Arnaud Montebourg. Il répond dans le JDD du 15 décembre 2013.

Deux ans après son arrivée sur le marché de la téléphonie mobile, le quatrième opérateur a encore cassé les prix. La semaine passée, Free a lancé ses offres 4G haut débit sans aucun surcoût, créant un nouveau séisme dans les télécoms. Le ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg a mis en cause l'opérateur pour avoir détruit des milliers d'emplois en France. En exclusivité pour le JDD, Xavier Niel répond aux attaques du gouvernement et de ses concurrents. "Personne n'est malheureux dans les télécoms", assure le fondateur de Free, toujours actionnaire majoritaire.


Arnaud Montebourg critique votre offre 4G, il estime que Free détruit des emplois. Que répondez-vous ?
Merci d'abord à lui d'avoir dit il y a deux ans que Free fait beaucoup pour le pouvoir d'achat des Français. Arnaud Montebourg est un ministre "visionnaire" puisqu'on a rendu 1 % de pouvoir d'achat aux consommateurs. Pour le reste, il se fait abuser par les trois autres acteurs du marché. Les trois opérateurs historiques ont payé 3,9 milliards d'euros de dividendes en 2013. On dit que Bouygues Telecom va mal mais Bouygues a versé 500 millions d'euros de dividendes. Chez Free, c'était 21 millions.

Comment jugez-vous le bilan d'Arnaud Montebourg ? Il a une vraie volonté de changer les choses, ce qui est rare ces temps-ci. Mais si nos concurrents suppriment des emplois et continuent de verser des dividendes colossaux, la bonne question qu'il devrait poser n'est-elle pas celle de la logique de leurs dirigeants ? Ces dividendes sont majoritairement versés à des actionnaires étrangers. C'est un choix de récompenser les fonds de pension des retraités de Floride. Chez Free, les faibles dividendes restent majoritairement en France, où nous utilisons aussi tout notre cash pour investir.

Cela vous gêne d'avoir des relations tendues avec le gouvernement ? Nous avions le même type de relations sous la majorité précédente. Ce n'est pas très agréable mais nous ne cherchons pas les honneurs. Nous ne faisons pas partie de l'establishment parisien bien-pensant qui goûte peu la concurrence. Les gens qui nous critiquent n'ont pas de problème à payer ou se faire offrir par leur entreprise un forfait à 100 euros par mois. Free s'adresse à 99% des Français qui gagnent moins de 3.000 euros et pour qui chaque euro compte.

Orange, SFR et Bouygues Telecom ne souffrent pas depuis votre arrivée ? Nos concurrents versaient de gros dividendes, ils les ont un peu diminués. Ils étaient très riches, ils le sont un tout petit peu moins. J'ai beaucoup de peine pour eux, je vais pleurer. Personne n'est malheureux dans les télécoms. Les opérateurs dégagent entre 20% et 40% de marge! Le secteur a investi 9 milliards d'euros en 2012, du jamais-vu. Croyez-vous qu'on aurait la 4G aujourd'hui sans Free ? Sûrement pas. La concurrence pousse à investir et à innover pour se différencier.

Les emplois dans le secteur n'ont-ils pas baissé ? Au total, les emplois directs n'ont pas baissé. Sur les six derniers mois, Orange, Bouygues Telecom et Free ont recruté. Les opérateurs ont embauché à partir de 2009 quand nous avons décroché notre licence mobile. Les 9 milliards d'euros investis dans les réseaux l'ont été chez les sous-traitants dans le BTP, qui en profitent le plus. Dans les centres d'appels, la délocalisation a commencé il y a dix ans et de plus en plus d'abonnés se dépannent seuls, en ligne. Free a très fortement augmenté le nombre d'emplois dans nos centres d'appels en France.

Votre 4G est-elle du "vent" comme le dit le PDG d'Orange ? Stéphane Richard est encore jeune dans le métier. La 4G, c'est du haut débit sur le mobile. Pour avoir cette vitesse de téléchargement au-dessus de 80 mégabits, Free a 700 antennes, contre 530 pour Bouygues Telecom. Pour SFR, c'est 724. Seul Orange en a encore plus. Les autres antennes ne font pas de haut débit, elles ne servent qu'à afficher 4G sur votre téléphone.

Pourquoi avez-vous lancé la 4G aussi rapidement ? Pour vous surprendre ! Ça fait quinze ans que nous arrivons quand on ne nous attend pas. Notre réseau était prêt, pourquoi se priver ? Noël n'est pas une période si importante pour nous. Nous gagnons des abonnés tout au long de l'année car c'est le bouche-à-oreille qui fonctionne. Nous avions programmé une conférence de presse pour une grande annonce et nous l'avons annulée par charité chrétienne en cette période de Noël pour ne pas blesser nos concurrents. Et malgré cela, on nous critique. Nous sommes une cible idéale. Nous sommes Calimero !

Pourquoi proposez-vous la 4G gratuite, sans hausse de prix ? Les fréquences 4G ont coûté 3,6 milliards d'euros. Ramené sur vingt ans, c'est environ 30 centimes par mois et par abonné. C'est bien loin des 10 euros facturés par les trois opérateurs. Il est naïf de penser que tout le monde va augmenter les prix de 10 € sur le dos des consommateurs. Ils évoquent les investissements, mais des prix plus élevés donnent plus de dividendes, pas plus d'emplois.

Peut-on encore baisser le prix des forfaits ? Je n'ose pas dire ça, j'aurais peur qu'on me pende haut et court! Nos deux forfaits mobiles ont été améliorés. Ils ont gardé les mêmes prix mais avec des nouveaux services illimités, ce qui revient à baisser le prix. Nous avons inclus les communications gratuites pour ceux qui vont au Portugal. Ce genre de service marche très bien mais on n'est pas suivi et pourtant c'est grâce à cela qu'on recrute beaucoup.

Votre offre 4G vise-t-elle à fragiliser l'alliance en cours entre SFR et Bouygues Telecom ? Non, cet accord de partage des réseaux ne nous dérange pas. S'il ne concerne que 25% du territoire, cela nous va. S'il va plus loin, il y a des risques concurrentiels. Nous sommes partis pour déployer notre réseau seuls. Mais nous sommes favorables à partager le nôtre avec qui le souhaite.

Fleur Pellerin milite pour cet accord. Est-ce une bonne idée ? Oui, car cela permet de réaliser des économies et d'améliorer la couverture. Mais mutualiser les réseaux aura un impact fort sur l'emploi. Il faut être cohérent, si on divise le nombre d'antennes par deux, on divise aussi par deux les équipes chargées de leur maintenance. Sauf avec Free, car on a peu d'antennes dans les zones rurales. S'allier avec nous ne réduira pas les effectifs. La mutualisation détruira des milliers d'emplois, beaucoup plus que la concurrence.

Ce soutien de l'État vise-t-il à protéger Bouygues Telecom ? J'admire rarement les héritiers, mais Martin Bouygues a souvent un vrai bon sens paysan et c'est un très bon dirigeant. Mais il fait un travail de lobbying exceptionnel, n'hésitant pas à utiliser le 20 Heures sur TF1 comme un outil. Sur ce point, j'ai bien évidemment une conception différente de la liberté de la presse…


1 commentaire:

  1. super ! merci pour l'article. Free c'est super, Xavier est tip-top, et les 3 autres ce sont des gros porcs engraissés. 16€ pour du forfait tout illimité, avec appels gratuits vers l'étranger, et à présent la 4G... même pas en rêve avant que Free ne déboule.

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