Les nouvelles technologies vont bientôt
bousculer nos modes de production et de communication. Mais de là à doper la
croissance...
Innovations :
ils n'ont plus que ce mot à la bouche. Le ministre du Redressement productif,
Arnaud Montebourg, les a placées au cœur de sa stratégie de reconquête
industrielle ; Anne Lauvergeon, l'ex-patronne d'Areva, plaide
pour les ériger en principe constitutionnel, et Fleur Pellerin, la ministre de
l'Economie numérique, en est déjà à son deuxième plan pour les défendre. Les
innovations sont devenues la pierre philosophale de la sortie de crise, le seul
espoir de voir la France rester debout sur le ring de l'économie mondialisée.
L'ampleur des créations d'emplois fait débat
Les cabinets d'études surfent allègrement sur
ces perspectives. Récemment, les chercheurs de McKinsey ont estimé entre 10 000
et 25 000 milliards de dollars le gain annuel d'ici à 2015 apporté par les
douze innovations les plus prometteuses du moment. Un chiffre aussi gigantesque
qu'aléatoire - il est compliqué de mesurer cet impact dès lors que tout est
étroitement lié -, mais qui ne manque pas de susciter des interrogations :
quelle sera la réalité, derrière le fantasme ? Toutes ces innovations
pourront-elles relancer la croissance et la compétitivité de nos "
vieilles " économies occidentales ? Et si oui, à quel horizon ?
L'opposition entre techno sceptiques,
persuadés que la révolution numérique a été plus destructrice que créatrice de
richesses, et technophiles, religieux de la troisième révolution industrielle,
ne doit pas forcément prendre des allures de querelle des Anciens et des
Modernes. On peut plus modestement s'accorder à dire que ces innovations auront
des trajectoires diverses et ne pèseront pas le même poids dans le basculement
du monde.
Mais, plus prosaïquement, on peut aussi se
demander si, à court ou à moyen terme, cette numérisation de l'économie, constituant
un pas supplémentaire vers l'automatisation des moyens de production, générera
des emplois. Même le très optimiste cabinet McKinsey l'admet : "La nature
du travail va changer et des millions de personnes auront besoin de nouvelles
compétences."
Au risque de creuser les inégalités entre les
travailleurs expérimentés et inexpérimentés. Quant à la France, toujours si
bien placée dans les classements de publications scientifiques et de R&D,
sera-t-elle en mesure de capter la valeur créée par ces technologies ? Revue de
détail.
L'imprimante 3D: une usine de poche à la
portée des PME
Le marché de l'imprimante 3D, encore
embryonnaire, va exploser.
Elles surplombent la pyramide des fantasmes,
capables, selon certains, de relocaliser la production, de mettre fin à
l'obsolescence programmée, ou encore de transformer tous les foyers en usines
personnalisées... Si les imprimantes 3D, qui regroupent les techniques de
fabrication par empilement de tranches de matière, semblent si révolutionnaires,
c'est parce que, contrairement à l'usinage traditionnel, elles permettent
flexibilité de la production, customisation de masse et ce, sans limite de
forme.
Elles sont surtout utilisées pour le
prototypage industriel, et dans les secteurs de la bijouterie, de la santé
(prothèses médicales) ou de l'aéronautique. "Pour fabriquer des pièces à
150 000 exemplaires, c'est plus coûteux et plus long", estime Mathilde
Berchon, auteure d'un ouvrage sur le sujet. En revanche, "l'impression 3D
permettra la personnalisation d'objets à la demande, la fabrication et la
réparation de pièces proches du lieu d'utilisation", ajoute Geneviève
Meyer, à Capgemini.
Des produits uniques et sur mesure à profusion
Pour l'artisanat, le potentiel est gigantesque
: une usine de poche dans chaque échoppe permettrait de produire en quantité
réduite des pièces identiques. Dans les Alpes, l'impression 3D a permis au
fabricant de chaussures Salomon de renouveler ses concepts rapidement et de
développer des produits sur mesure, en créant 50 emplois.
Pour l'heure, ceux qui anticipent le boom se
focalisent sur les imprimantes grand public, un marché embryonnaire (2,2
milliards de dollars en 2012) qui se démocratise, avec des machines à moins de
1 000 dollars. "A l'avenir, les smartphones pourront scanner un objet et
le reproduire grâce aux imprimantes 3D", prédit Fréderic Vacher, à
Dassault Systèmes, le leader mondial des logiciels 3D. Aussi excitant
qu'effrayant.
Relocalisation: + +
Coûts de production: -
Place de la France: +
Coûts de production: -
Place de la France: +
Les nanotechnologies: le pari fou des nanos
Dans les années 2000, l'infiniment petit était
vu comme le moteur des révolutions technologiques à venir, capables de
bouleverser la santé, l'énergie et l'électronique grand public. Dix ans après,
les nanotechnologies (qui permettent de manipuler de la matière à l'échelle de
100 nanomètres) n'ont pas été l'eldorado annoncé. La faute aux lourds
investissements en R&D et en développement.
Aux Etats-Unis, Intel, Samsung et IBM ont même
créé un consortium pour mutualiser leurs efforts de recherche. Sans parler des
questions sanitaires et environnementales, capables de doucher les industriels
adeptes du risque zéro. Malgré ces freins, nombreux sont ceux qui prédisent un
XXIe siècle nano. La France a investi plus de 1 milliard d'euros, notamment
dans le pôle de compétitivité grenoblois Minalogic, et se situe au cinquième
rang mondial des publications scientifiques sur le sujet.
Création de valeur pour les industriels: +
Couts de production: - -
Place de la France: + +
Couts de production: - -
Place de la France: + +
Le "cloud computing": ciel dégagé
pour les gains de productivité
C'est la nouvelle lubie des entreprises pour
augmenter leur productivité. En français, on appelle ça l'informatique en
nuage, qui permet de stocker ses données et ses applications non plus sur les
PC des salariés mais sur des serveurs. Pour l'heure, seuls des géants du
secteur ont fourni des chiffres, souvent exorbitants, sur le potentiel de cette
technologie.
Le cloud computing serait par exemple en
mesure de faire économiser 163 milliards d'euros aux entreprises françaises et
de créer quelque 189 000 emplois, selon EMC, l'un des leaders du secteur. Si
les gains de productivité semblent bien réels - jusqu'à 30 % dans certains
secteurs, comme l'e-commerce -, l'impact de cette technologie en termes
d'emploi pourrait être moins favorable. Récemment, le cabinet de conseil
américain Hackett Group estimait que quelque 770 000 emplois risquaient d'être
supprimés en Europe entre 2002 et 2017 dans les directions informatiques en
raison de la mutualisation et de l'externalisation.
Gains de productivité: + +
Emplois: -
Place de la France: -
Emplois: -
Place de la France: -
La robotique: les robots se portent à la
rescousse de l'industrie
La robotique ne détruit pas forcément des
emplois. Ici, Nao, Aldebaran Robotics.
Il s'appelle Baxter, il a de gros yeux animés,
des bras anormalement longs, il peut travailler six mille cinq cents heures,
pour 2,50 euros l'heure... Pour le moment, ce robot de la société américaine
Rethink Robotics est plus gauche et moins rapide qu'un humain mais, à terme, il
est à peu près certain que son successeur sera capable d'exécuter les tâches
les plus complexes. Le chômage atteint des niveaux stratosphériques et,
pourtant, le gouvernement a fait de la robotique l'une de ses 34 priorités
industrielles. Paradoxal ? Pas si évident.
L'automatisation, puissant levier de
compétitivité
En réalité, de nombreux experts l'assurent :
dans une France déjà désindustrialisée, la robotisation peut être un puissant
levier de compétitivité. "L'économie développée qui ne prend pas le
tournant de l'automatisation est condamnée", assure Robin Rivaton, membre
du conseil scientifique de la fondation Fondapol. Et puis, comme le soutient ce
spécialiste, robot ne rime pas toujours avec destruction d'emplois dans les
économies développées.
Six fois plus robotisée que la France,
l'industrieuse Allemagne et son abondante main-d'oeuvre peuvent en témoigner.
Comme d'ailleurs la PME Georges Pernoud, spécialisée dans la fabrication de
moules de pièces en plastique, qui a conservé tous ses salariés, malgré
l'automatisation de sa chaîne de production. Celle-ci a permis 30 % de gains de
productivité, dans un marché qui a vu la moitié de ses acteurs disparaître ces
dernières années.
"La cobotique, l'assistance de l'humain
par le robot pour le rendre plus productif, est en plein développement",
explique Olivier Fallou, du cabinet Erdyn, spécialisé dans l'innovation. Une
façon de rendre le robot plus acceptable aux yeux des humains ? En 2012, Erdyn
avait estimé que la France avait le potentiel de créer quelques milliers
d'emplois dans la robotique de services (assistants médicaux, etc.) dans les
cinq à dix prochaines années.
Le "big data": la ruée vers la mise
en valeur des données
Rendre les comportements humains et le monde
en général plus prévisibles, et donc plus efficients. Voilà la grande idée du
big data, l'or noir du XXIe siècle : en 2012, l'humanité a produit 2,8
zettaoctets de données numériques, soit l'équivalent de 700 milliards de DVD,
qu'il est désormais possible de traiter massivement par l'informatique.
De nombreux secteurs pourraient en être
bouleversés, et pas seulement le marketing : l'énergie (gaspillage), la
distribution (gestion des stocks), l'assurance (détection des fraudes), les
banques ou encore la santé... Les prévisionnistes anticipent même un manque de
compétences en la matière.
Voilà du pain sur la planche pour les maîtres
en logarithmes. D'autres s'affolent de leur remplacement par des scanners intelligents
capables de synthétiser des milliers de documents à la seconde. "D'ici à
2015, les entreprises qui sauront utiliser ces technologies verront leurs
résultats financiers dépasser de 20 % ceux de leur secteur. Mais cela ne
concernera que 15 % des grands groupes", affirme Roxane Edjali, du cabinet
Gartner.
Reste que, pour le moment, vu les
investissements humains et informatiques requis, les entreprises y regardent à
deux fois avant de se lancer dans l'aventure numérique du big data. Pour
certains économistes, ce concept technologique serait d'ailleurs extrêmement
surévalué.
"D'une certaine manière, on pourrait
comparer le big data aux marchés financiers d'il y a vingt ans : le traitement
de l'information ne l'a pas rendu plus efficient ni plus utile
socialement", décrypte Olivier Passet, directeur de la recherche à Xerfi.
Sans compter que, un jour, certaines barrières juridiques pourraient limiter la
monétisation de ces données acquises gratuitement auprès du consommateur.
Nouveaux marchés: +
Retours sur investissements: -
Place de la France: -
Retours sur investissements: -
Place de la France: -
Les énergies renouvelables: dans le vert, mais
à long terme
Si l'on s'en tient aux plus récentes
estimations de la Cour des comptes, le développement des énergies renouvelables
en France pourrait coûter jusqu'à 84 milliards d'euros entre 2012 et 2020 (sans
bouleversement fiscal ou réglementaire). Soit une hausse de 2 270 euros de la
facture des 37 millions de foyers français alimentés en électricité. Ce coût
astronomique continue de faire débat entre les pro et les anti, qui dénoncent
l'intermittence et le faible rendement des énergies vertes.
Pourtant, de plus en plus d'économistes
admettent que celles-ci, dont les coûts de production ne cessent de baisser,
sont un bon moyen de lutter contre la volatilité des prix, de relocaliser
l'enjeu énergétique et même, pourquoi pas, d'inverser les rapports de force en
diminuant la dépendance de certains pays aux grands énergéticiens mondiaux.
Coûteux à moyen terme, économique à long terme.
Investissments publics: +
Pouvoir d'achat du consommateur: - -
Place de la France: -
Pouvoir d'achat du consommateur: - -
Place de la France: -
Le véhicule automatisé: en route pour la
voiture autopilotée
Et si l'avenir de l'usine PSA d'Aulnay et de
ses 3 000 employés menacés était dans le stockage de données numériques pour
l'automobile ? Ce scénario d'anticipation a été récemment imaginé par Eric de
Riedmatten dans son ouvrage Les 50 innovations qui vont bouleverser notre vie
d'ici 2050. Il y décrit une usine futuriste totalement autonome, chargée de
gérer toutes les applications indispensables pour faire tourner la voiture de
demain. Celle qui saura se conduire, se garer toute seule, et même se réparer à
distance. Aujourd'hui, tous les constructeurs automobiles ont dans leurs
cartons un véhicule automatisé. Toyota prévoit de sortir le sien dès 2015 et
Daimler, d'ici à 2020.
Mais ceux qui capteront cette nouvelle valeur
sont-ils ceux que l'on croit ? Google, avec sa Google Car à 150 000 dollars, a
pris de l'avance sur les acteurs traditionnels. Depuis 2012, ses voitures
autopilotées circulent sur les routes du Nevada. Au point que l'on peut se
demander si l'avenir de l'automobile ne se jouera pas plus dans la Silicon
Valley qu'à Détroit ou... Aulnay.
Nouveaux marchés: +
Captation de la valeur par les TIC: -
Place de la France: -
Captation de la valeur par les TIC: -
Place de la France: -
Les "smart grids": des réseaux
économes, dopés à la matière grise
En dopant les réseaux de capteurs communicants
et de superviseurs, les smart grids cherchent à maîtriser la consommation et à
favoriser la diversification énergétique. "Ce sera la vraie révolution de
l'énergie : la consommation raisonnée grâce aux réseaux électriques
intelligents. Sur la base de ces nouvelles infrastructures pourront ensuite se
développer de nouveaux usages et services. D'où l'intérêt d'investir davantage
dans les infrastructures que dans le solaire ou le photovoltaïque", estime
Jean-Christophe Saunière, associé à PricewaterhouseCoopers.
De nombreux acteurs (opérateurs de réseaux,
équipementiers, ingénierie logicielle ou encore producteurs de composants)
s'intéressent au potentiel de ce marché. Et, une fois n'est pas coutume, la
France est plutôt bien positionnée, avec de grands acteurs de l'efficacité
énergétique, comme Schneider Electric, ou des spécialistes innovants, comme
Voltalis... " Aujourd'hui, certains acteurs sont en mesure d'assurer une
prestation non subventionnée, attestant de réelles réductions de consommation
", démontre Hervé Rannou, le fondateur d'Items International.
Des doutes sur la viabilité économique du
projet Linky
Mais les différentes expérimentations Linky -
compteur intelligent déployé en France d'ici à 2020 - laissent planer des
doutes sur la viabilité économique de ce nouvel écosystème. Les gains de
productivité réalisés par le gestionnaire du réseau, en l'occurrence ERDF, et
les économies d'énergie réalisées seront-ils à même de compenser les 5
milliards d'investissements annoncés par le gouvernement ? Certaines
collectivités et associations de consommateurs sont dubitatives et craignent
une hausse des prix.
Économies d'énergies: + +
Pouvoir d'achat: -
Place de la France: + +
Pouvoir d'achat: -
Place de la France: + +
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