Présenté fin septembre, le projet de loi pour la République numérique d’Axelle Lemaire a fait l’objet d’une consultation publique durant trois semaines. La procédure est inédite et elle a connu un franc succès en terme de participation : 8 500 commentaires et contributions ont été déposés sur le site par quelque 21 000 personnes. L’ambition affichée de cette consultation était d’améliorer la loi grâce aux propositions des internautes. Mais la promesse de « co-rédaction » de la loi lancée par Axelle Lemaire a vite trouvé ses limites. Sur les dix propositions de nouveaux articles les plus plébiscitées, bien peu ont finalement été intégrées dans le texte dévoilé le 6 novembre.
Exit l’idée suggérée par la Quadrature du Net d’autoriser les actions de groupe pour des préjudices autres que directement matériels, comme l’atteinte au droit sur les données personnelles et à la neutralité du Net. Exit l’inscription dans la loi du droit pour tout acheteur d’ordinateur de choisir son système d’exploitation et donc de ne pas être tenu d’acquérir sa machine avec un système Windows pré-installé. Pas d’inscription dans la loi non plus de la notion de « communs volontaires », c’est à dire du droit pour les créateurs de partager leurs oeuvres - logiciels, images, musique, textes ou objets - par le biais de licences libres ou de libre diffusion.
Il aurait été logique que dans une loi sur la République numérique figure non pas une « obligation », mais un principe général de « priorité » ou d’ « utilisation au maximum » de ces logiciels dans les administrations et organismes publics.
Le gouvernement n’a pas non plus souhaité retenir les propositions 2, 3 et 7 et 9 concernant les logiciels libres. La première suggère d’« utiliser les logiciels libres et GNU/Linux dans les écoles et les universités », la seconde de « donner la priorité aux logiciels libres et aux formats ouverts dans le service public national et local », la troisième de considérer que « le code source des logiciels » est un document administratif communicable au même titre que les dossiers, rapports, études, comptes rendus, statistiques, circulaires, correspondances ou avis et décisions. Et la quatrième préconise l’« utilisation de GNU/Linux dans l’administration ».
Tout juste a-t-on inséré un paragraphe dans le dossier de presse pour expliciter ce choix. « Malgré un très large plébiscite de ces propositions (95 à 99,7% de votes positifs), un débat nourri a eu lieu, mettant en évidence les avantages du logiciel libre (coût modéré, liberté de réutilisation et de modification) ainsi que des interrogations sur le meilleur outil, juridique ou non, pour porter ces propositions » peut-on lire. Les arguments qui viennent ensuite sont quelque peu contradictoires. Le gouvernement évoque divers textes de loi déjà existants préconisant de donner la priorité aux logiciels libres dans l’enseignement supérieur, de prendre en compte l’offre de logiciels libres et de documents au format ouvert dans le choix des ressources de l’école, ou encore une circulaire de 2012 définissant une doctrine générale d’utilisation au maximum du logiciel libre dans l’administration. Il aurait été logique que dans une loi sur la République numérique figure non pas une « obligation », mais un principe général de « priorité » ou d’ « utilisation au maximum » de ces logiciels dans les administrations et organismes publics. D’autant que, c’est écrit dans le même dossier de presse « l’Etat souscrit pleinement au développement du logiciel libre et de son utilisation, notamment dans l’administration » mais.... il préfère pour ce faire « des mesures non législatives, par accompagnement sur le terrain et promotion des initiatives des administrations et des agents ».
La firme de Redmond est arrivée avec un gros cadeau : 70 millions d’euros de crédits à l’innovation
Pour l’April cette reculade a des effets très dommageables. « Face à la puissance économique des entreprises qui diffusent des logiciels privateurs, l’inaction n’est pas la bonne solution, car les forces en jeu sont par trop dissymétriques » souligne l’association. « Il faut des politiques beaucoup plus volontaristes en matière de logiciels libres. Au niveau politique, se contenter d’actions de promotion, verbiage sans aucune contrainte, relève de l’inaction. Le gouvernement ne peut pas se défausser sur des agents publics, qui sans réel soutien, œuvrent chaque jour en faveur du logiciel libre. » L’association rappelle également que le Parlement européen vient juste de voter une résolution appelant, pour ses raisons de sécurité entre autre, l’administration de l’Union européenne à remplacer systématiquement les logiciels propriétaires par des logiciels libres et à ajouter le logiciel libre comme critère de sélection obligatoire au moment de la passation de marchés publics dans le domaine des TIC.
Comme pour donner corps aux inquiétudes d’April, on a appris cette semaine que le big boss de Microsoft a rencontré le Président de la république. La firme de Redmond est arrivée avec un gros cadeau : 70 millions d’euros de crédits à l’innovation destinés aux start-ups de la French Tech (initiative chère à Emmanuel Macron), et 13 millions pour un partenariat avec l’éducation nationale pour le déploiement du numérique à l’école. De son côté Emmanuel Macron vient tout juste d’annoncer les orientations de sa loi, très axée sur les start-ups et l’innovation numérique. Hasard vous avez dit hasard ?
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