ENTRETIEN de Jean-Marie Delarue | par Antoine Izambard | 27-11-2015 | Pour l'ancien contrôleur général des lieux de privation de liberté et ex-président de la Commission de contrôle des écoutes, Jean-Marie Delarue, la gauche a fait sienne le discours sécuritaire de la droite,"comme sous Charles Pasqua".
Il est l'une des consciences de la gauche s'agissant des libertés publiques. Successivement, délégué interministériel à la ville, directeur des libertés publiques au ministère de l'Intérieur, contrôleur général des lieux de privation de liberté et enfin président de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS), Jean-Marie Delarue connait son sujet. En ce jour d'hommage de la France aux victimes des attentats de Paris, ce grand commis de l'Etat revient pour Challenges, sur l'action du gouvernement depuis le 13 novembre et dresse un bilan sans concession de "la politique sécuritaire" française des trente dernières années.
Comment accueillez-vous "le pacte de sécurité" présenté par François Hollande devant le Congrès lundi 16 novembre ?
Les attentats exigeaient des réponses. On ne pouvait pas rester les bras ballants. François Hollande a frappé fort. A-t-il frappé juste? Je n’en suis pas sûr. Quand j’étais contrôleur général des lieux de privation de liberté, j’avais mis en exergue une histoire que j’avais appelé la fable du soutien-gorge. C’est le fait d’enlever systématiquement son soutien-gorge à une femme lorsqu’on la place en garde à vue, au motif que c’est dangereux. J’avais demandé à la police de m’expliquer pourquoi c’était dangereux et combien d’attaques et de suicides par soutien-gorge avaient été comptabilisés. Elle était incapable de donner le moindre chiffre évidemment. Je veux dire par là qu’en matière de sécurité, on est souvent dans l’irrationnel. L’exécutif prend régulièrement des mesures destinées uniquement à prouver sa force.
Ce pacte sécuritaire est-il adapté à la crise que nous traversons ? Le changement de Constitution va-t-il régler les mitraillages dans les cafés? Bien sûr que non. On peut réviser la Constitution, mais que fera-t-on lorsqu’un troisième attentat d’ampleur se produira ? On sortira de l’Europe ? On passera à la Sixième République ?
La prolongation pour trois mois de l’état d’urgence était-elle nécessaire ?
J’observe en tout cas que le Parlement a donné massivement un avis favorable. Dans l’histoire de l’état d’urgence, qui date de 1955, on a voté à quatre reprises sa prolongation. Et à trois reprises, il y a eu des votes favorables mais avec une assez forte minorité, de l’ordre de 150 voix. Le 19 novembre, lors du vote à l’Assemblée, seulement six députés se sont prononcés contre. Cela interpelle. Pour ma part, je suis réservé. Il y a deux champs nouveaux que couvre l’état d’urgence: les perquisitions administratives et les assignations à résidence. Les premières distendent surtout les liens entre le pouvoir de police et l’autorité judiciaire. Et je ne crois pas qu’elles soient très efficaces. Quant aux secondes, elles peuvent dans certains cas être utiles, mais depuis les attentats, on constate chaque jour que les personnes assignées sont surtout celles qui sont excessives dans la manifestation de leurs opinions religieuses. Elles ne sont pas d’une dangerosité extrême. Là non plus, je ne suis pas sûr que cela soit très efficace.
Quelles mesures préconisez-vous face à ce que Manuel Valls nomme "le nouveau visage du terrorisme" ?
Je voudrais qu’on équipe la police dans chaque département de modalités de réaction extrêmement rapides. J’aurais rêvé que le soir du 13 novembre, il y ait une équipe de six motards lourdement armés qui soit d’astreinte à la préfecture de police et qui prenne en chasse les assaillants. Il faudrait aussi créer un compte Twitter de la police accessible à tout moment. Ce compte serait certes saturé de fausses alertes mais quand une attaque d’ampleur se produirait dans un lieu donné, la police serait très vite alertée. Le 13 novembre, le 17 était inaccessible par téléphone, les pompiers sont arrivés sur les lieux beaucoup plus vite que la police. Ce n’est pas normal. Je pense qu’avec des moyens techniques adéquats on doit améliorer le contact entre les citoyens et la police. On doit s’adapter pour être pris le moins souvent possible au dépourvu. Je voudrais aussi qu’on forme les citoyens sur l’attitude à avoir dans ces cas-là. En août, il y a trois personnes qui se sont levées dans le Thalys pour empêcher Ayoub El-Khazzani de faire un massacre. Nous nous retrouverons à l’avenir dans des situations comparables. Il serait bon que l’on sache comment réagir.
Les attentats de Paris ont de nouveau illustré les failles de nos services de renseignement…
Parler de failles est assez sévère. Nos services sont parmi les meilleurs d’Europe, même si des lacunes ont été mises en évidence. La création de la DGSI en 2012 a été une bonne chose. Elle échappe à la Police nationale et a des compétences très larges. Quant au problème majeur du renseignement à savoir le manque d’échanges d’informations, de coordination, entre les différents services, il a été en partie résolu depuis certaines décisions deBernard Cazeneuve.
Mais ce qui est sûr est que la suppression des Renseignements généraux (RG) décidée par Nicolas Sarkozy en 2008 a été une erreur profonde. Cela nous a privé du renseignement basique. La DCRI s’est coupée en quelque sorte du terrain. On a remédié en partie à cela avec la création du Service central du renseignement territorial (SCRT) en 2012. Autre reproche que l’on peut faire au renseignement: être trop technologique. La nouvelle loi sur le renseignement ne doit pas nous donner une illusion technologique. Il y a une tentation technique qui est l’idée que l’on va tout écouter, tout suivre. C’est d’abord le terrain qui prime.
Le virage sécuritaire pris par le gouvernement, appuyé par un discours très martial, vous a-t-il troublé ?
La gauche a fait sienne un discours de la droite que je n’aime pas trop et qui est : "la sécurité est la première de nos libertés". Cette phrase a été reprise par le Premier ministre devant le Parlement. C’est une phrase prononcée depuis longtemps par la droite, non seulement sous la présidence précédente mais bien avant du temps de Charles Pasqua. Je suis absolument opposé à ce discours. Je n’ai pas à choisir dans les libertés qui me sont offertes, entre la liberté d’aller et de venir, la liberté de me marier ou celle de ne pas subir la torture. Notre démocratie est précisément l’alliance de toutes les libertés de façon indistincte. Depuis longtemps, la République est fondée sur cette alliance de libertés indistinctes. Dire que l’une émerge des autres ne me plaît pas du tout. Je ne reconnais pas ma République. Je dirais même que je ne reconnais plus la gauche dans ce pays. Je regrette beaucoup les glissements qui se sont opérés sur ce point.
Certains élus, à droite comme à gauche, reprochent au gouvernement d’avoir une réponse uniquement sécuritaire aux attentats. Partagez-vous cet avis ?
Le tout sécuritaire me paraît limité. Il y a un terreau de radicalités qui s’exprime en France avec des jeunes désireux d’en découdre avec notre système. Il est évident qu’il y a un effort social à faire pour dissuader de façon positive ces jeunes de prendre les armes contre la France. J’aimerais des mesures d’exception à l’endroit de certains quartiers mais je ne les vois pas venir. Que le gouvernement décide d’un redéploiement budgétaire pour juguler un peu le problème du chômage dans ces quartiers-là ne me paraîtrait pas indigne.
Depuis le début des années 1990, la France est confrontée la montée en puissance de l'islamisme dans plusieurs quartiers. L’État a-t-il failli ?
Comme l’a dit Olivier Roy, on assiste à la radicalisation d’une certaine fraction générationnelle qui a l’islam pour vêtement. Je n’aime pas dire : "à qui la faute?", parce que la faute c’est moi d’une certaine manière. Comme bon nombre de personnes, j’ai exercé des responsabilités, donc si nous en sommes là, il faut endosser cette responsabilité collectivement. Mais ce qui est sûr, c'est que la politique de la ville, active à partir des années 80, décidée sous la gauche, sous l’impulsion de plusieurs personnes comme Gilbert Bonnemaison, n’a pas été assez poussée. Elle a été mise en sommeil à plusieurs reprises et notamment en 2002. Cela a produit les émeutes de 2005 qui étaient un sacré avertissement. En a-t-on tiré les leçons? Non.
Ensuite, on a eu une grave crise économique en 2008 qui a atteint évidemment les personnes les plus fragiles et notamment ces quartiers qui sont aujourd’hui fortement ethnicisés. Il faut montrer à ces personnes, qui sont toutes massivement françaises ne l’oublions pas, qu’elles font partie intégrante de la communauté nationale. Mais c’est un combat. En tout cas, cela crée un terreau propice au développement de ces radicalités. Et pour contester cela, il faut prendre des mesures sociales, scolaires, en faveur de la santé, de l’intégration urbaine. On n’assoit pas une légitimité républicaine sur le respect de la loi, il faut des convictions profondes et cela passe par ces mesures. On doit alimenter ces convictions et montrer à ces populations qu’elles ont quelque chose à gagner dans notre société. Au lieu de cela, arrive à leurs oreilles, un discours culpabilisant, accusatoire, tenu par le Front national, une grande partie de la droite et même, et c’est nouveau, par une partie de la gauche. C’est ravageur.
Vous avez été contrôleur général des lieux de privation de liberté de 2008 à 2014, comment avez-vous perçu cette radicalisation également à l’œuvre en prison ?
Déjà je tiens à dire que le radicalisme existe partout, dans les mosquées, sur internet, dans la rue ou en prison. Pour un jeune qui a l’esprit vindicatif, le choix existe… Mais s’agissant de la prison, je ne crois par exemple pas du tout à ce qui a été expérimenté notamment à Fresnes l’année dernière, où l’on a regroupé des islamistes radicaux pour les couper des autres. Il est d’abord difficile de définir qui est radical et qui ne l’est pas. On peut le dissimuler, cela peut s’accentuer. Mais surtout cela a conduit à ériger une sorte de principauté autonome dans la prison. J’ai su dans une prison donnée que ces islamistes regroupés n’acceptaient plus de femmes dans le personnel pénitentiaire. Et qu’ils avaient eu gain de cause. Ce dispositif risque de conforter ces personnes dans leur attitude au lieu de les en dissuader. Il faut les disséminer autant que possible en prison.
Il est l'une des consciences de la gauche s'agissant des libertés publiques. Successivement, délégué interministériel à la ville, directeur des libertés publiques au ministère de l'Intérieur, contrôleur général des lieux de privation de liberté et enfin président de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS), Jean-Marie Delarue connait son sujet. En ce jour d'hommage de la France aux victimes des attentats de Paris, ce grand commis de l'Etat revient pour Challenges, sur l'action du gouvernement depuis le 13 novembre et dresse un bilan sans concession de "la politique sécuritaire" française des trente dernières années.
Comment accueillez-vous "le pacte de sécurité" présenté par François Hollande devant le Congrès lundi 16 novembre ?
Les attentats exigeaient des réponses. On ne pouvait pas rester les bras ballants. François Hollande a frappé fort. A-t-il frappé juste? Je n’en suis pas sûr. Quand j’étais contrôleur général des lieux de privation de liberté, j’avais mis en exergue une histoire que j’avais appelé la fable du soutien-gorge. C’est le fait d’enlever systématiquement son soutien-gorge à une femme lorsqu’on la place en garde à vue, au motif que c’est dangereux. J’avais demandé à la police de m’expliquer pourquoi c’était dangereux et combien d’attaques et de suicides par soutien-gorge avaient été comptabilisés. Elle était incapable de donner le moindre chiffre évidemment. Je veux dire par là qu’en matière de sécurité, on est souvent dans l’irrationnel. L’exécutif prend régulièrement des mesures destinées uniquement à prouver sa force.
Ce pacte sécuritaire est-il adapté à la crise que nous traversons ? Le changement de Constitution va-t-il régler les mitraillages dans les cafés? Bien sûr que non. On peut réviser la Constitution, mais que fera-t-on lorsqu’un troisième attentat d’ampleur se produira ? On sortira de l’Europe ? On passera à la Sixième République ?
La prolongation pour trois mois de l’état d’urgence était-elle nécessaire ?
J’observe en tout cas que le Parlement a donné massivement un avis favorable. Dans l’histoire de l’état d’urgence, qui date de 1955, on a voté à quatre reprises sa prolongation. Et à trois reprises, il y a eu des votes favorables mais avec une assez forte minorité, de l’ordre de 150 voix. Le 19 novembre, lors du vote à l’Assemblée, seulement six députés se sont prononcés contre. Cela interpelle. Pour ma part, je suis réservé. Il y a deux champs nouveaux que couvre l’état d’urgence: les perquisitions administratives et les assignations à résidence. Les premières distendent surtout les liens entre le pouvoir de police et l’autorité judiciaire. Et je ne crois pas qu’elles soient très efficaces. Quant aux secondes, elles peuvent dans certains cas être utiles, mais depuis les attentats, on constate chaque jour que les personnes assignées sont surtout celles qui sont excessives dans la manifestation de leurs opinions religieuses. Elles ne sont pas d’une dangerosité extrême. Là non plus, je ne suis pas sûr que cela soit très efficace.
Quelles mesures préconisez-vous face à ce que Manuel Valls nomme "le nouveau visage du terrorisme" ?
Je voudrais qu’on équipe la police dans chaque département de modalités de réaction extrêmement rapides. J’aurais rêvé que le soir du 13 novembre, il y ait une équipe de six motards lourdement armés qui soit d’astreinte à la préfecture de police et qui prenne en chasse les assaillants. Il faudrait aussi créer un compte Twitter de la police accessible à tout moment. Ce compte serait certes saturé de fausses alertes mais quand une attaque d’ampleur se produirait dans un lieu donné, la police serait très vite alertée. Le 13 novembre, le 17 était inaccessible par téléphone, les pompiers sont arrivés sur les lieux beaucoup plus vite que la police. Ce n’est pas normal. Je pense qu’avec des moyens techniques adéquats on doit améliorer le contact entre les citoyens et la police. On doit s’adapter pour être pris le moins souvent possible au dépourvu. Je voudrais aussi qu’on forme les citoyens sur l’attitude à avoir dans ces cas-là. En août, il y a trois personnes qui se sont levées dans le Thalys pour empêcher Ayoub El-Khazzani de faire un massacre. Nous nous retrouverons à l’avenir dans des situations comparables. Il serait bon que l’on sache comment réagir.
Les attentats de Paris ont de nouveau illustré les failles de nos services de renseignement…
Parler de failles est assez sévère. Nos services sont parmi les meilleurs d’Europe, même si des lacunes ont été mises en évidence. La création de la DGSI en 2012 a été une bonne chose. Elle échappe à la Police nationale et a des compétences très larges. Quant au problème majeur du renseignement à savoir le manque d’échanges d’informations, de coordination, entre les différents services, il a été en partie résolu depuis certaines décisions deBernard Cazeneuve.
Mais ce qui est sûr est que la suppression des Renseignements généraux (RG) décidée par Nicolas Sarkozy en 2008 a été une erreur profonde. Cela nous a privé du renseignement basique. La DCRI s’est coupée en quelque sorte du terrain. On a remédié en partie à cela avec la création du Service central du renseignement territorial (SCRT) en 2012. Autre reproche que l’on peut faire au renseignement: être trop technologique. La nouvelle loi sur le renseignement ne doit pas nous donner une illusion technologique. Il y a une tentation technique qui est l’idée que l’on va tout écouter, tout suivre. C’est d’abord le terrain qui prime.
Le virage sécuritaire pris par le gouvernement, appuyé par un discours très martial, vous a-t-il troublé ?
La gauche a fait sienne un discours de la droite que je n’aime pas trop et qui est : "la sécurité est la première de nos libertés". Cette phrase a été reprise par le Premier ministre devant le Parlement. C’est une phrase prononcée depuis longtemps par la droite, non seulement sous la présidence précédente mais bien avant du temps de Charles Pasqua. Je suis absolument opposé à ce discours. Je n’ai pas à choisir dans les libertés qui me sont offertes, entre la liberté d’aller et de venir, la liberté de me marier ou celle de ne pas subir la torture. Notre démocratie est précisément l’alliance de toutes les libertés de façon indistincte. Depuis longtemps, la République est fondée sur cette alliance de libertés indistinctes. Dire que l’une émerge des autres ne me plaît pas du tout. Je ne reconnais pas ma République. Je dirais même que je ne reconnais plus la gauche dans ce pays. Je regrette beaucoup les glissements qui se sont opérés sur ce point.
Certains élus, à droite comme à gauche, reprochent au gouvernement d’avoir une réponse uniquement sécuritaire aux attentats. Partagez-vous cet avis ?
Le tout sécuritaire me paraît limité. Il y a un terreau de radicalités qui s’exprime en France avec des jeunes désireux d’en découdre avec notre système. Il est évident qu’il y a un effort social à faire pour dissuader de façon positive ces jeunes de prendre les armes contre la France. J’aimerais des mesures d’exception à l’endroit de certains quartiers mais je ne les vois pas venir. Que le gouvernement décide d’un redéploiement budgétaire pour juguler un peu le problème du chômage dans ces quartiers-là ne me paraîtrait pas indigne.
Depuis le début des années 1990, la France est confrontée la montée en puissance de l'islamisme dans plusieurs quartiers. L’État a-t-il failli ?
Comme l’a dit Olivier Roy, on assiste à la radicalisation d’une certaine fraction générationnelle qui a l’islam pour vêtement. Je n’aime pas dire : "à qui la faute?", parce que la faute c’est moi d’une certaine manière. Comme bon nombre de personnes, j’ai exercé des responsabilités, donc si nous en sommes là, il faut endosser cette responsabilité collectivement. Mais ce qui est sûr, c'est que la politique de la ville, active à partir des années 80, décidée sous la gauche, sous l’impulsion de plusieurs personnes comme Gilbert Bonnemaison, n’a pas été assez poussée. Elle a été mise en sommeil à plusieurs reprises et notamment en 2002. Cela a produit les émeutes de 2005 qui étaient un sacré avertissement. En a-t-on tiré les leçons? Non.
Ensuite, on a eu une grave crise économique en 2008 qui a atteint évidemment les personnes les plus fragiles et notamment ces quartiers qui sont aujourd’hui fortement ethnicisés. Il faut montrer à ces personnes, qui sont toutes massivement françaises ne l’oublions pas, qu’elles font partie intégrante de la communauté nationale. Mais c’est un combat. En tout cas, cela crée un terreau propice au développement de ces radicalités. Et pour contester cela, il faut prendre des mesures sociales, scolaires, en faveur de la santé, de l’intégration urbaine. On n’assoit pas une légitimité républicaine sur le respect de la loi, il faut des convictions profondes et cela passe par ces mesures. On doit alimenter ces convictions et montrer à ces populations qu’elles ont quelque chose à gagner dans notre société. Au lieu de cela, arrive à leurs oreilles, un discours culpabilisant, accusatoire, tenu par le Front national, une grande partie de la droite et même, et c’est nouveau, par une partie de la gauche. C’est ravageur.
Vous avez été contrôleur général des lieux de privation de liberté de 2008 à 2014, comment avez-vous perçu cette radicalisation également à l’œuvre en prison ?
Déjà je tiens à dire que le radicalisme existe partout, dans les mosquées, sur internet, dans la rue ou en prison. Pour un jeune qui a l’esprit vindicatif, le choix existe… Mais s’agissant de la prison, je ne crois par exemple pas du tout à ce qui a été expérimenté notamment à Fresnes l’année dernière, où l’on a regroupé des islamistes radicaux pour les couper des autres. Il est d’abord difficile de définir qui est radical et qui ne l’est pas. On peut le dissimuler, cela peut s’accentuer. Mais surtout cela a conduit à ériger une sorte de principauté autonome dans la prison. J’ai su dans une prison donnée que ces islamistes regroupés n’acceptaient plus de femmes dans le personnel pénitentiaire. Et qu’ils avaient eu gain de cause. Ce dispositif risque de conforter ces personnes dans leur attitude au lieu de les en dissuader. Il faut les disséminer autant que possible en prison.
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