dimanche 26 janvier 2014

Transition énergétique : le gouvernement patauge


Rédaction retardée, prise en compte lacunaire du débat national de 2013, rapports reportés, flou sur les scénarios d’évolution de la demande : les critiques pleuvent sur le projet de loi sur la transition énergétique.

La future loi de programmation sur la transition énergétique possède déjà son acronyme technocratique : « LPTE. » Mais a-t-elle seulement un contenu ? La dernière réunion du Conseil national de la transition écologique (CNTE), mi-janvier, a saisi d’inquiétude les représentants des ONG. Le brouillon du projet de loi n’est toujours pas prêt et la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC), le service ministériel chargé de rédiger le document, dit manquer de ressources pour s’y atteler. Il n'y a pas non plus de tableau de suivi comparant la synthèse du débat national de l’année dernière (voir ici)au contenu de la future loi.
Pire, lorsque les associations ont fait leur propre inventaire, elles sont tombées de haut : pas même la moitié des conclusions du débat acceptées en juillet dernier par l’ensemble des acteurs (associations, syndicats, collectivités, État) sont aujourd’hui reprises par l’administration. Selon Anne Bringault, porte-parole de la coordination des ONG, la perte en ligne avoisine les 70 %...

Associations, syndicats et élus doivent se retrouver lundi 27 janvier à Paris, au siège de la CFDT, pour une grande conférence de presse sur la transition énergétique. Devrait s’y exprimer une certaine impatience. « Beaucoup de propositions ne relèvent ni du dispositif législatif, ni réglementaire », explique à Mediapart le ministère de l’écologie, qui assume : « Il n’a jamais été dit que la loi serait un copié-collé in extenso du débat. »

Mais au moins deux propositions importantes sont rejetées par la DGEC, selon le décompte des associations : l’obligation de rénovation des logements et la création d’un fond de la transition énergétique.« Rien n’a été écarté pour l’instant, ces arbitrages n’ont pas été faits », dément le ministère. Certaines dispositions pourraient se retrouver dans le projet de loi de finances 2015 ou faire l’objet de décrets.

Le rapport qui doit évaluer la faisabilité de tenir l’objectif de 50 % d'énergie nucléaire en 2025 n’a toujours pas été commandé. Celui sur une étude approfondie des scénarios d’évolution de la demande énergétique vient tout juste de l’être. La prochaine réunion du Conseil, le 6 février, sera la dernière avant le dépôt du projet de loi devant le Conseil économique, social et environnemental, le 1er avril, et se tiendra avant celle du groupe de travail multipartite qui doit plancher sur les deux premiers titres de la loi. Autant dire qu’il promet de ne pas servir à grand chose. « Le débat n’est pas fini, il continue dans la commission spécialisée et continuera avec les parlementaires », répond le ministère.

« Vieilles logiques »

« Il n’y a pas eu d’appropriation du débat par l’administration », regrette Anne Bringault pour les ONG. « C’est en tension, les vieilles logiques de la DGEC et du pouvoir central prennent le pas sur la dynamique du débat », observe Denis Baupin, député EELV et membre du CNTE. Du temps de Delphine Batho ministre, le secrétariat général du débat n’était rattaché ni au cabinet de la ministre, ni aux services administratifs. Une fois dissous, il n’a pas été remplacé. Ainsi, début janvier, la DGEC a invité les associations à lui envoyer leurs propositions pour la loi… dans les deux semaines. « Comme si on n’avait pas passé six mois à ça l’année dernière! », s’étrangle un expert. « On a perdu beaucoup de temps depuis six mois, je ne suis pas aux anges face à la manière dont la loi se prépare, mais il est trop tôt pour être pessimiste », analyse Denis Baupin.

D’après le projet de plan de la loi (voir ici), le dernier document en date publié par le ministère, l’objectif de 50 % de nucléaire en 2025 doit figurer dans le texte. Mais selon quelle trajectoire et quelles étapes intermédiaires ? Sans mode opératoire, cet horizon temporel risque de n’être qu’incantatoire. Selon l’état actuel du projet de loi, ces décisions sont reportées à plus tard et déterminées par une programmation pluriannuelle énergétique (PPE) établie pour cinq ans. Elle doit être élaborée par le gouvernement, après avis d’un comité d’orientation de la transition énergétique et climatique (COTEC), créé pour l’occasion. Une nouvelle gouvernance vue dans l’entourage de Philippe Martin comme l’un des points forts de la loi. Mais avec quel contrôle parlementaire ? Elle pourrait faire l’objet d’un rapport présenté devant le parlement. Lors du dernier CNTE, Francis Rol-Tanguy, directeur de cabinet du ministre de l’écologie, a souhaité que la première PPE soit adoptée en 2015, avant la conférence internationale sur le climat que Paris doit accueillir en novembre.

Remise en question du tarif d’achat des énergies renouvelables, silence gouvernemental après la requalification par la commission européenne du tarif d’achat éolien comme aide d’État déguisée : la frilosité de l’exécutif vis-à-vis du soutien aux énergies renouvelables suscite un scepticisme grandissant sur le sérieux de la promesse de ramener à 50 % la part du nucléaire. Car pour y parvenir, il faudrait au moins 40 % de renouvelables.

Or à Bruxelles, la France a œuvré en coulisse pour que les objectifs européens sur les énergies renouvelables en 2030 ne s’imposent pas aux pays (voir ici). Par ailleurs, l’exécutif ne souhaite pas que l’objectif de 27 % de renouvelables en 2030 (contenu dans le paquet énergie-climat 2030) figure dans la loi sur la transition. Pour Célia Gautier du Réseau action climat (Rac), c’est le signe que le gouvernement« manque de sérieux sur sa transition énergétique ».



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