Rédaction retardée, prise en compte lacunaire du débat
national de 2013, rapports reportés, flou sur les scénarios d’évolution de la
demande : les critiques pleuvent sur le projet de loi sur la transition
énergétique.
La future loi de programmation sur la transition énergétique
possède déjà son acronyme technocratique : « LPTE. » Mais
a-t-elle seulement un contenu ? La dernière réunion du Conseil
national de la transition écologique (CNTE), mi-janvier, a
saisi d’inquiétude les représentants des ONG. Le brouillon du projet de loi
n’est toujours pas prêt et la direction générale de l’énergie et du climat
(DGEC), le service ministériel chargé de rédiger le document, dit manquer de
ressources pour s’y atteler. Il n'y a pas non plus de tableau de suivi
comparant la synthèse du débat national de l’année dernière (voir
ici)au contenu de la future loi.
Pire, lorsque les associations ont fait leur propre
inventaire, elles sont tombées de haut : pas même la moitié des
conclusions du débat acceptées en juillet dernier par l’ensemble des acteurs
(associations, syndicats, collectivités, État) sont aujourd’hui reprises par
l’administration. Selon Anne Bringault, porte-parole de la coordination des
ONG, la perte en ligne avoisine les 70 %...
Mais au moins deux propositions importantes sont rejetées
par la DGEC, selon le décompte des associations : l’obligation de
rénovation des logements et la création d’un fond de la transition énergétique.« Rien
n’a été écarté pour l’instant, ces arbitrages n’ont pas été faits »,
dément le ministère. Certaines dispositions pourraient se retrouver dans le
projet de loi de finances 2015 ou faire l’objet de décrets.
Le rapport qui doit évaluer la faisabilité de tenir
l’objectif de 50 % d'énergie nucléaire en 2025 n’a toujours pas été
commandé. Celui sur une étude approfondie des scénarios d’évolution de la
demande énergétique vient tout juste de l’être. La prochaine réunion du
Conseil, le 6 février, sera la dernière avant le dépôt du projet de loi devant
le Conseil économique, social et environnemental, le 1er avril, et se
tiendra avant celle du groupe de travail multipartite qui doit plancher sur les
deux premiers titres de la loi. Autant dire qu’il promet de ne pas servir à
grand chose. « Le débat n’est pas fini, il continue dans la
commission spécialisée et continuera avec les parlementaires », répond le
ministère.
« Vieilles logiques »
« Il n’y a pas eu d’appropriation du débat par
l’administration », regrette Anne Bringault pour les ONG. « C’est
en tension, les vieilles logiques de la DGEC et du pouvoir central prennent le
pas sur la dynamique du débat », observe Denis Baupin, député EELV et
membre du CNTE. Du temps de Delphine Batho ministre, le secrétariat général du
débat n’était rattaché ni au cabinet de la ministre, ni aux services
administratifs. Une fois dissous, il n’a pas été remplacé. Ainsi, début
janvier, la DGEC a invité les associations à lui envoyer leurs propositions
pour la loi… dans les deux semaines. « Comme si on n’avait pas passé
six mois à ça l’année dernière! », s’étrangle un expert. « On a
perdu beaucoup de temps depuis six mois, je ne suis pas aux anges face à la
manière dont la loi se prépare, mais il est trop tôt pour être pessimiste »,
analyse Denis Baupin.
D’après le projet de
plan de la loi (voir ici), le dernier document en date
publié par le ministère, l’objectif de 50 % de nucléaire en 2025 doit
figurer dans le texte. Mais selon quelle trajectoire et quelles étapes
intermédiaires ? Sans mode opératoire, cet horizon temporel risque de
n’être qu’incantatoire. Selon l’état actuel du projet de loi, ces décisions sont
reportées à plus tard et déterminées par une programmation pluriannuelle
énergétique (PPE) établie pour cinq ans. Elle doit être élaborée par le
gouvernement, après avis d’un comité d’orientation de la transition énergétique
et climatique (COTEC), créé pour l’occasion. Une nouvelle gouvernance vue dans
l’entourage de Philippe Martin comme l’un des points forts de la loi. Mais avec
quel contrôle parlementaire ? Elle pourrait faire l’objet d’un rapport
présenté devant le parlement. Lors du dernier CNTE, Francis Rol-Tanguy,
directeur de cabinet du ministre de l’écologie, a souhaité que la première PPE
soit adoptée en 2015, avant la conférence internationale sur le climat que
Paris doit accueillir en novembre.
Remise en question du tarif d’achat des énergies
renouvelables, silence gouvernemental après la requalification par la
commission européenne du tarif d’achat éolien comme aide d’État déguisée :
la frilosité de l’exécutif vis-à-vis du soutien aux énergies renouvelables
suscite un scepticisme grandissant sur le sérieux de la promesse de ramener à
50 % la part du nucléaire. Car pour y parvenir, il faudrait au moins
40 % de renouvelables.
Or à Bruxelles, la France a œuvré en coulisse pour que les
objectifs européens sur les énergies renouvelables en 2030 ne s’imposent
pas aux pays (voir ici). Par ailleurs, l’exécutif ne
souhaite pas que l’objectif de 27 % de renouvelables en 2030 (contenu dans
le paquet énergie-climat 2030) figure dans la loi sur la transition. Pour Célia
Gautier du Réseau action climat (Rac), c’est le signe que le gouvernement« manque
de sérieux sur sa transition énergétique ».
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Vos réactions nous intéressent…