mercredi 22 janvier 2014

Le revenu maximal : une nécessité

Pierre Concialdi, chercheur à l'Institut de recherches économiques et socialesAlternatives Economiques n° 331 - janvier 2014

"En fixant, par exemple, le niveau de revenu "nécessaire" au niveau des seuils usuels de pauvreté, on définit alors la capacité contributive comme la partie du revenu qui excède ces seuils". 

L'idée d'un revenu maximal fait son chemin, à juste titre. Sur le principe, refuser cette idée revient en effet à admettre qu'un petit groupe d'individus - à la limite un seul - pourrait accaparer l'ensemble de la richesse produite. Ce qui aboutit à nier la possibilité pour les autres membres de la société de disposer des ressources les plus élémentaires d'existence. On ne peut donc guère récuser le principe d'un revenu maximal. Sauf à accepter, voire à encourager, la croissance indéfinie des inégalités et de la pauvreté.

La limitation des écarts de salaire et la fiscalité sont les deux principaux outils permettant de concrétiser cette idée. Les opposants à des mesures fiscales agitent l'idée d'un prélèvement qui serait "confiscatoire". En mobilisant ce vocabulaire, ces opposants ne font en réalité que marteler une tautologie. Par définition, tout prélèvement ampute en effet les revenus et en "confisque" une partie au profit de la collectivité. Toute la question est de savoir à partir de quel niveau de revenu s'effectue ce prélèvement et si cet effort est également réparti.

Pour apporter des éléments concrets de réponse à cette question, on peut partir d'un principe simple qui fonde la progressivité de l'impôt, à savoir que celui-ci devrait frapper le superflu et non le nécessaire. En fixant, par exemple, le niveau de revenu "nécessaire" au niveau des seuils usuels de pauvreté, on définit alors la capacité contributive comme la partie du revenu qui excède ces seuils. Le rapport entre le total des impôts et la capacité contributive donne une mesure de l'effort contributif des différents contribuables, effort dont on peut mesurer la variation en fonction du revenu. Une récente étude a mobilisé les rares données disponibles dans ce but [1].

Résultats ? Avec le système d'imposition actuel, l'effort contributif diminue tout au long de l'échelle des revenus. Pour les 5 % de ménages aux plus hauts revenus, il est inférieur d'environ 20 % au taux d'effort médian (celui au-dessus duquel se situe la moitié des contribuables). Ce résultat se confirme même pour le millième le plus riche des contribuables. Qu'aurait apporté la surtaxe temporaire de 75 % sur les très hauts revenus envisagée par le gouvernement, puis censurée par le Conseil constitutionnel ? Elle aurait simplement porté l'effort contributif de ces très hauts revenus à peu près au niveau de la médiane, rétablissant ainsi temporairement un minimum d'égalité.

Quant aux inégalités de salaire, il n'existe aucun fondement économique aux écarts énormes observés aujourd'hui ni encore moins à leur croissance depuis trente ans. L'argument de la fuite des "talents" n'est pas justifié. A supposer même qu'il ait une vague réalité, on peut fortement douter de la pertinence de ces "talents" pour bâtir l'économie qui permettra d'affronter les défis écologiques et sociaux de notre siècle.

 NOTES
(1) "Les "très hauts" revenus : un effort contributif bien plus faible que la moyenne", La revue de l'Ires n° 77, pp. 79-105.






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