Pervenche Berès, eurodéputée socialiste, estime que la
directive sur les travailleurs low-cost doit être revue. Et que l'accord
commercial actuellement en négociation avec les Etats-Unis risque de détruire
les normes sociales européennes.
La question des travailleurs low-cost renvoie à une
réalité qui sape le modèle social européen. Le fait que des européens soient
exploités à bas prix dans un autre pays que le leur pollue tout le débat sur la
mobilité des travailleurs. On est dans une situation renversée : en 1996
c’était une directive pour favoriser la mobilité et protéger les travailleurs.
Aujourd'hui on a des travailleurs qui ne sont plus protégés à cause du
contournement du texte.
Pourquoi ?
La directive sur les travailleurs détachés a conduit à
des dérives. D’une part elle date de 1996, depuis il y a eu des élargissements.
D’autre part il y a eu la crise qui a incité les gens à aller chercher du
travail ailleurs. Et enfin les arrêts de la Cour de Justice ont rendu caduc le
dispositif de la directive : normalement le régime le plus favorable
devait s’appliquer. Le travailleur devait donc bénéficier de la règlementation
sociale du pays d’accueil. Mais la jurisprudence a exclu beaucoup de chose du
champ d'application de la directive, comme les accords collectifs de branche.
Il y a donc beaucoup de façons de contourner la directive qui s'avère est
insuffisante.
Quels sont les moyens
de contournement utilisés ?
Il y a les faux travailleurs détachés : normalement il
y a une limitation dans le temps. On peut détacher un travailleur pour une
mission courte, et certaines entreprises en abusent. Il y a aussi les
entreprises "boites à lettres" qui favorisent une limitation complète
du droit social en détournant leur fonction d’agence d’interim. Enfin il y a
des entreprises qui recrutent ailleurs en Europe et font venir les travailleurs
en France.
Quels secteurs
sont-ils touchés ?
Tous les secteurs, transports, agriculture, bâtiment,
services de nettoyage…il n’y a plus de limite. Mais la masse critique ça reste
le bâtiment.
Pourquoi la France
tient à renforcer la directive d'application ?
C'est un enjeu politique. Il faut uniformiser les conditions
sociales des travailleurs, pour les protéger. Aujourd'hui la position de la
France consiste à rétablir un minimum d'équité, même si c'est une position
moins ambitieuse que celle du Parlement européen. Par exemple le parlement
avait voté une responsabilité totale des employeurs dans tous les secteurs. Le
gouvernement demande une responsabilité conjointe et solidaire dans le secteur
de la construction.C’est un début.
Sera-ce suffisant
pour empêcher les dérives ?
Cela n’empêchera pas d’envisager une révision de la
directive elle-même. Nous allons faire campagne pour cela pour que la directive
soit révisée durant la prochaine mandature. Nous sommes en train de préparer
une feuille de route en 10 points sur l'Europe sociale, qui est un enjeu
majeur.
L’introduction d’un
salaire minimum en Allemagne va-t-elle faire changer les choses ?
L'Allemagne qui impose un salaire minimum, ce serait comme
les congés pays en 1936...un événement ! Bien sûr cela pourrait limiter le
dumping social. D'ailleurs si on révise la directive on pourra aussi y
introduire la notion de salaire minimum. Il faut changer beaucoup de
choses dans le droit social européen, notamment dans le contrôle des
inspections du travail, il faut des équipes volantes. Il faut aussi définir les
chaînes de responsabilité : les sous-traitants ne sont pas tous
responsables. Bouygues ne peut pas contrôler 150 indépendants en cas de grands
chantiers, il faut donc s'interroger sur la taille des sous-traitants.
Que pensez-vous de la
négociation du Partenariat transatlantique ?
Ce traité est une machine de guerre contre le modèle social
européen. Il ne résout pas du tout les problèmes auxquels l'Europe est
confrontée, au contraire !
On a des problèmes de divergence, de polarisation, de
déséquilibres au sein de l’UE. Ce sont des problèmes que le traité va aggraver
! Et le Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement ne va pas
inventer de l’industrie là ou il n’y en a pas ! Il faut être réaliste.
Cela fait 15 ans qu’on nous dit qu’il faut harmoniser les règles entre l’UE et
les Etats-Unis, et en pratique la seule harmonistation qui se produire c'est
que les Etats-Unis nous impose leurs règles. Comme les normes comptables, par
exemple. Le rapport de force n'est pas à notre avantage, c'est évident. Donc
celà ne sert à rien de dépenser de l'énergie à négocier ce traité, c'est une
erreur.
Quels vont être les
thèmes principaux de la campagne socialiste ?
Tous les enjeux de démocratie vont aussi être
importants : la zone euro, comment associer les parlements, comment
définir la politique économique. Nous voulons aller vers des ressources propres
pour le prochain budget. Un budget de la zone euro sera un des thèmes de
campagne.
Nous avons un socle avec les travaux de la convention, que
l’on va mettre en harmonie avec le PSE.
Propos recueillis par Aline Robert
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