A travers le monde, nombreux sont les cas d'explosion de la
dette publique. Comment en sortir ?
Par François Leclerc @fdleclerc
Une surprenante découverte vient d'être effectuée au Japon :
« il n'y a pas de plancher au rendement de la dette ! », se sont effarés les
analystes, après avoir enregistré que la Banque du Japon venait d'acheter des
titres au rendement négatif, acceptant en conséquence de perdre de l'argent...
Car c'est à ce prix que la banque centrale poursuit sa politique de création
monétaire destinée à sortir vaille que vaille le pays de la déflation.
Les banques japonaises ne s'en plaignent pas, qui en
profitent pour acheter sur le marché des titres à rendements positifs pour les
revendre assortis de rendements négatifs à la Banque du Japon. L'État non plus,
qui finance grâce à cette dernière son énorme déficit budgétaire, son budget
atteignant le double de ses recettes fiscales. La banque centrale japonaise
roule une dette publique en rapide progression, l'État devenant de plus en plus
vulnérable à une éventuelle hausse des taux. Celle-ci risque d'intervenir
lorsqu'il faudra se rendre sur le marché international, dès que la Banque du
Japon, les banques privées et les fonds de pension ne la financeront plus dans
son intégralité.
L'incidence de l'évolution des taux de la Fed, promis à être
relevés à une date faisant l'objet de toutes les interrogations, en donnera le
signal. A moins que la Fed ne s'y résolve pas, condamnée alors à poursuivre sa
mission d'assistance, qui deviendrait une composante structurelle du
fonctionnement du capitalisme, l'expression achevée de sa fuite en avant...
L'OCDE prône un assainissement fiscal
Entre deux maux, l'OCDE choisi celui qu'il considère le
moindre pour le Japon. Plutôt que d'accroître le déficit budgétaire pour
financer la relance, elle prône de continuer d'augmenter la TVA et de prévoir
une augmentation des impôts directs pour assainir la situation fiscale, en
dépit de la contraction du PIB enregistrée au second trimestre : la hausse des
taux obligataires est le principal danger.
Les Européens se sont déjà habitués à ce que certains titres de la dette souveraine entrent en territoire négatif (expression soulignant qu'à partir de là, c'est l'inconnu), pas seulement pour l'Allemagne mais aussi dans le cas de la France, dont un éminent membre de la Fed, Richard Fischer, a récemment pourtant déclaré qu'elle est « extrêmement faible ». Il a été abondamment relevé que le paradoxe n'est qu'apparent, la BCE veillant au grain en cas de dérapage, en application d'une politique d'achat de titres de même nature que ses consœurs, à ceci près qu'elle n'a pas eu besoin de mettre sa menace à exécution.
Les Européens se sont déjà habitués à ce que certains titres de la dette souveraine entrent en territoire négatif (expression soulignant qu'à partir de là, c'est l'inconnu), pas seulement pour l'Allemagne mais aussi dans le cas de la France, dont un éminent membre de la Fed, Richard Fischer, a récemment pourtant déclaré qu'elle est « extrêmement faible ». Il a été abondamment relevé que le paradoxe n'est qu'apparent, la BCE veillant au grain en cas de dérapage, en application d'une politique d'achat de titres de même nature que ses consœurs, à ceci près qu'elle n'a pas eu besoin de mettre sa menace à exécution.
La dette publique, siège de phénomènes déconcertants
Un quotidien pro-business a même annoncé à tort une
dégradation de la note de la France par Moody's, mais les marchés,
imperturbables, n'en ont eu cure. Que se passe-t-il donc du côté de la dette
publique, qui nous vaut de tels comportements ? Décidément, elle est le siège
de phénomènes déconcertants qui suscitent des préconisations hors normes.
Pourvues de pouvoirs magiques auxquels il est fait appel en dernier ressort,
les banques centrales sont appelées à la rescousse.
Non seulement pour acheter à perte la dette publique, comme
c'est le cas au Japon, mais aussi pour l'escamoter purement et simplement, à
suivre les préconisation d'Adair Turner, installé dans son rôle d'iconoclaste,
qui envisage que la banque du Japon en vienne faute de mieux à annuler une
partie de la dette en sa possession, c'est à dire à la restructurer à ses
dépens. Il est aussi proposé à ces institutions d'en garder indéfiniment les
titres dans leurs livres, en s'accommodant de l'accroissement de la taille de
leur bilan qui en résulte. Cette méthode est cousine de la dette perpétuelle,
qui n'est jamais remboursée et que le Royaume-Uni a émise pour financer son
effort de la seconde guerre mondiale... A situation extrême, solution nouvelle,
n'y arrivons-nous pas ?
La dette publique doit rester un point d'appui du système
financier
Les péripéties de l'affaire de la dette argentine sont
toutes aussi étranges. Les autorités les plus responsables cherchent à écarter
par de nouvelles mesures réglementaires les fonds vautours, ces empêcheurs de
tourner en rond dont l'action pourrait faire obstacle à des restructurations
ordonnées de la dette publique, quand faire la part du feu devient l'expression
de la sagesse, et surtout de l'intérêt bien compris des investisseurs. En moins
charitable, ces mesures visent aussi à couper court aux velléités
d'instauration d'un tribunal international de la dette dont la mission serait
de prononcer des remises de peine. Il est indispensable, a-t-on compris, que la
dette publique continue de rendre un service décisif : à tout prendre, on lui
demande moins d'être profitable que de rester solide comme un roc, tel un actif
de référence et point d'appui du système financier, et pour cela de faire
confiance au marché - un quarteron de mégabanques et les banques centrales -
pour en déterminer le prix par tous temps.
Lier la dette et la croissance ?
A ce propos, les conseillers d'Aléxis Tsipras, président du
parti grec Syriza, ont élaboré une proposition qualifiée d'ingénieuse par le
journal. Au lieu de continuer à appeler dans le vide à une conférence
européenne sur la dette, leur idée serait de lier l'intérêt de la dette et le
taux de croissance de l'économie du pays, partant de la constatation que 80% de
la dette grecque est détenue par des institutions publiques, et que son taux
est de 175% du PIB, ce qui rend de toute façon inévitable une restructuration.
Une incitation à stimuler la croissance
Il est proposé de procéder à un échange des titres émis en
faveur de nouveaux titres indexés sur le PIB, afin de donner à leurs détenteurs
publics une incitation à stimuler la croissance du pays, ce qui donnera les
moyens de les rembourser : tout se tient. Assorti d'une réduction de moitié des
intérêts de la dette (10 milliards d'euros annuels actuellement), permettant
selon les inventeurs de cette formule de consacrer des ressources à
l'amélioration des conditions de vie des Grecs, qui en ont bien besoin, et à la
relance de la croissance. Ainsi que d'intéresser la partie pour les
investisseurs en accroissant le rendement de la dette, si la croissance repart
comme prévu.
Quant l'Italie prend le chemin du Japon
Sans doute faut-il faire la part des intentions politiques
pour critiquer ce nouveau mécanisme. Par convenance, il est destiné à éluder
une réalité qui ne se borne pas aux frontières de la Grèce, de l'Italie, ou
même de l'Europe toute entière, ainsi qu'à tirer des plans sur une relance de
la croissance peu documentée et fort conventionnelle. La dette japonaise, pour
y revenir, à atteint le taux de 230% du PIB, si l'on s'en tient à ce critère
par ailleurs absurde mais dont l'usage prévaut à tort !
Qui dit mieux ? L'Italie prend le chemin du Japon, son ratio
de dette continuant à croître inexorablement et allant atteindre cette année
137,5% (il était de 103,3% en 2007), faute d'une toujours aussi problématique
croissance. Mais la BCE ne pratiquant pas la politique de la Banque du Japon,
cette tendance va vite devenir insoutenable. Devant cette réalité, il ne sert à
rien de se voiler la face. Il n'y a que deux options, effacer la dette par le
biais d'achats de la BCE ou la restructurer. Car les réformes structurelles qui
sont avancées ne seront jamais en mesure de produire un effet équivalent par la
vertu de la croissance qu'elles sont supposées générer, qui n'interviendra au
mieux que quand il sera trop tard !
Une dette trop volumineuse
Jens Weidmann, le président de la Bundesbank, a mis en garde Mario Draghi dans Der Spiegel. Les dernières mesures de la BCE favoriseraient les banques aux dépens des contribuables, analyse-t-il. Ce qui, on en conviendra volontiers, n'est pas mal pensé ! Mais c'est pour proposer de limiter les achats de la BCE d'Asset-backed securities (ABS) à des titres assortis d'un faible risque, ce qui revient à réduire son programme comme peau de chagrin et ses effets espérés sur le crédit aux entreprises d'autant. Le membre minoritaire du Conseil des gouverneurs de la BCE fait front et donne à son attitude sa raison profonde dans la même intervention : rien ne doit soulager la pression exercée sur les gouvernements pour qu'ils réalisent les réformes structurelles. Il tourne en rond !
A l'image du système financier, la dette est devenue trop volumineuse : elle ne remplit plus ses fonctions de vache à lait en raison de ses faibles taux, et elle est de moins en moins un point d'appui à la stabilité financière, à cause du risque grandissant de défaut, aucun substitut ne lui ayant été trouvé. Alors, que fait-on ?
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