Par Sophie Fay | 03-10-2013 |
Banquier pendant 37 ans, Jean-Michel Naulot tire la sonnette
d’alarme : la dictature des marchés, plus dangereuse que jamais, règne toujours
!
Attention, danger ! C’est l’avertissement que lance un
ancien banquier, Jean-Michel Naulot, dans un essai virulent qui paraît ce jeudi
: "Crise financière : pourquoi les gouvernements ne font rien"
(Seuil). L’homme sait de quoi il parle. Il a derrière lui trente sept ans de
carrière bancaire et dix ans de régulation financière. Depuis 2003, il siège au
Collège de l’Autorité des marchés financiers (AMF), le gendarme de la Bourse.
Il vient de démissionner de la Commission des marchés de cet organisme qu’il
quittera définitivement en décembre. Objectif : retrouver sa liberté de parole
pour dénoncer haut et fort ce qu’il appelle "la centrale nucléaire
financière" et une "dictature des marchés, que les gouvernements font
semblants de combattre, mais qu’en réalité, ils acceptent".
Pour lui, le constat est clair : depuis la faillite de la Banque
Lehman, il y a cinq ans, les mesures qui ont été prises par les gouvernements
pour encadrer la finance sont tellement insuffisantes (voir l'interview vidéo) que la machine est toujours aussi incontrôlable.
Résultat, une crise financière encore plus violente peut terrasser les Etats,
qui cette fois n’auront plus les moyens de se relever. Ils ont englouti toutes
leurs marges de manœuvres à sortir les banques de la précédente crise et à
tenter de relancer l’activité.
Deux bombes plus menaçantes encore
La "centrale nucléaire de la finance" est
aujourd’hui d’autant plus dangereuse, explique le banquier repenti, qu’elle
fonctionne à proximité de deux bombes bien plus menaçantes encore que ce
qu’étaient les crédits subprimes aux Etats-Unis il y a cinq ans.
La première, c’est l’énorme bulle financière que représente
la dette américaine : cette dette n’a jamais été aussi importante, aussi
risquée, et pourtant les taux d’intérêt sont bas. La politique accommodante de
la banque centrale
américaine au lieu de doper l’économie réelle file dans les "souterrains
de la spéculation". Une situation dangereuse et difficile à gérer sur le
plan politique comme le montre le
"shutdown", la fermeture des services de l’Etat fédéral,
qui vient de s’imposer au gouvernement de Barack Obama, faute d’argent.
La deuxième bombe, c’est l’euro. Même si le plus gros de la
crise est derrière nous, les problèmes ne sont pas résolus. Et à la moindre
crise politique, la défiance vis-à-vis de la monnaie unique peut revenir. La
crise politique italienne ne fait-elle pas resurgir les craintes de panique ? Qui
peut assurer qu’une étincelle ne pourrait pas remettre le feu aux poudres ?
Les gouvernements ont capitulé devant les lobbys
bancaires
Il est donc indispensable, dit et répète Jean-Michel
Naulot, de prendre les mesures nécessaires pour enfin encadrer et
limiter les capacités de la finance à spéculer et à transformer l’étincelle en
catastrophe. "On peut, en deux ans, avec des mesures très simples, réduire
la spéculation", assure l’ancien banquier, qui ne cache ni son amertume ni
son inquiétude face à la lâcheté des gouvernements, qui ont capitulé dans leur
volonté de réforme face aux lobbys bancaires. Lui qui est proche du commissaire
européen Michel Barnier les a vu à l’œuvre et a mesuré toute leur influence
auprès de leurs gouvernements nationaux, qui se font ensuite leur porte-parole
à Bruxelles.
Il n’est d’ailleurs pas le seul ancien banquier à tirer la
sonnette d’alarme. Son discours rejoint celui entonné par plusieurs
"repentis de la finance". Ils sont d’autant plus virulents dans leur
plaidoyer pour de vraies réformes qu’ils ont connu le système de l’intérieur et
ne peuvent pas être trompés sur la réalité de son fonctionnement et de ses
dangers.
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