Ce jeudi 6 novembre, les organisations citoyennes
internationales ont présenté leurs exigences et leurs propositions concrètes en
matière de lutte contre les dérèglements climatiques à une quarantaine de
gouvernements réunis à l'occasion de la PreCOP sociale organisée au Venezuela,
quelques semaines avant la Conférence des Nations unies sur le climat (COP20)
de Lima.
Une initiative à saluer
Faisant suite à une première réunion internationale
organisée en juillet dont était issu un premier document de positionnement (à
lire ici en
anglais - ici en
espagnol - ici en
français), l'initiative est à saluer. En effet, depuis quelques
années, dans les négociations internationales sur le réchauffement climatique,
les ONG, les mouvements sociaux et écologistes, les syndicats sont souvent
cantonnés au rôle de spectateurs et de commentateurs. Leurs propositions sont
marginalisées par la place grandissante que donnent les gouvernements aux
intérêts économiques et financiers, aux exigences des multinationales. Ce jeudi
6 novembre, lors de cette PreCOP sociale, des organisations sociales et
écologistes du monde entier ont donc eu une rare opportunité de présenter et
argumenter leurs exigences fondamentales auprès d'une quarantaine de
gouvernements.
Les (faibles)
objectifs dont vient de se doter l'Union européenne ont ainsi été
jugés largement insuffisants au regard des exigences rappelées par le rapport de
synthèse publié par le GIEC tout début novembre. Les Etats-Unis
ont été interpellés sur la nécessité de débloquer des fonds conséquents pour
financer l'atténuation, l'adaptation et la réparation des conséquences des
dérèglements climatiques. Quant à l'ensemble des gouvernements présents, ils
ont été invités à s'engager à ne pas émettre plus de gaz à effet de serre que
ne le permet un budget carbone global visant à ne pas dépasser 1,5°C
d'augmentation de la température mondiale d'ici la fin du siècle.
Rejeter les fausses solutions
Si ce budget carbone doit être réparti entre les pays de la
planète en tenant compte de leurs responsabilités différenciées et de leur
inégale capacité à agir, les organisations de la société civile internationale
ont appelé les gouvernements du monde entier à « transformer les modes de
production et de consommation et la matrice énergétique ». Comme l'affirme
le slogan officiel de la PreCOP sociale, il s'agit de « changer le
système, pas le climat ». Il a été rappelé avec force que les négociations
sur le réchauffement climatique ne doivent pas « conduire à la mise en
œuvre de structures, institutions et méthodes qui favorisent les fausses
solutions et la financiarisation de la nature, tels que les marchés de carbone,
la géo-ingénierie, les dispositifs de REDD et d'agriculture intelligente face
au climat ».
Sur la base de ces trois principes (un budget carbone
maximal, une transformation profonde des systèmes économiques, le rejet des
fausses solutions), quelques propositions concrètes ont pu être mises en
exergue : la souveraineté alimentaire et l'agroécologie paysanne contre
l'extension de l'agrobusiness ; les énergies renouvelables accessibles et
contrôlées par toutes et tous plutôt que l'énergie nucléaire et les
hydrocarbures non conventionnels ; la reconnaissance de l'importance de
l'implication des jeunes, des femmes, des populations autochtones, et la
mobilisation de leurs connaissances et de leurs savoir-faire dans la lutte
contre les dérèglements climatiques plutôt que de confier notre avenir aux
multinationales et aux technosciences.
Des gouvernements récalcitrants
Face à des gouvernements prompts à répéter qu'il est urgent
d'agir mais récalcitrants à entreprendre une transformation profonde des
modèles économiques en vigueur, les ONG et mouvements sociaux veulent mettre
leurs propositions sur la table des négociations internationales, afin que
celles-ci aboutissent à un accord international contraignant, juste et à la
hauteur des enjeux. Ils ne sont pas naïfs pour autant. Les ONG et les
mouvements savent que ce qu'ils exigent est extrêmement éloigné de ce qui est actuellement
négocié. Une situation qui les avait conduit à quitter les
négociations à Varsovie en décembre 2013 et qui a amené des
centaines de milliers de personnes dans les rues le 21
septembre dernier.
La majorité des ONG et des mouvements sociaux présents à la
PreCOP sociale sont également conscients des difficultés inhérentes à tout
processus de dialogue avec un ou plusieurs gouvernements. Ainsi, le document (ici en
anglais et ici en
espagnol) résumant les propositions qui ont été présentées aux
gouvernements le 6 novembre n'a pas encore pu être finalisé, en raison
notamment du manque de temps et de l'immixtion du gouvernement vénézuélien dans
le processus de rédaction du texte. Pour être cohérents avec les exigences
climatiques, ONG et mouvements internationaux ont ainsi proposé de mentionner
dans le texte la nécessité de laisser 80% des réserves d'énergie fossile dans
le sol, ce qui n'a finalement pas été possible.
Donner plus de poids aux exigences des ONG
et des mouvements
sociaux et écologistes
Il est à noter toutefois que c'est la première fois que les
ONG et les mouvements de la société civile tenaient un rôle de premier plan
dans l'agenda et l'organisation de la PreCOP, cette rencontre organisée chaque
année en amont de la conférence de l'ONU sur le changement climatique. Même si
cela reste à confirmer, il est vraisemblable que certains gouvernements, y
compris celui du Venezuela et d'autres pays du Sud, s'appuient sur ce document
pour réinjecter dans les négociations internationales, et ce dès la conférence
de Lima (Pérou) début décembre, quelques éléments et propositions portées par
les ONG et les mouvements.
Par ailleurs, en permettant à des ONG et des mouvements des
quatre coins de la planète de se rencontrer, une telle initiative contribue à
renforcer leurs expertises réciproques et leurs capacités à prendre des
initiatives communes. Provenant d'horizons divers et baignant dans des cultures
politiques extrêmement variées, ces ONG et ces mouvements ont pu, pendant
plusieurs jours, partager leurs analyses et leurs priorités des mois à venir.
Il en ressort une certaine convergence de vue sur la nécessité d'utiliser les
échéances à venir – que ce soit les conférences internationales de l'ONU ou les
mobilisations thématiques déjà prévues au calendrier – comme des moments visant
à renforcer et développer les mouvements pour la justice climatique, afin
d'irriguer en profondeur les sociétés et les populations.
Exigences vis-à-vis du gouvernement français
De son côté, le gouvernement français a salué l'initiative
de « dialogue » entre les organisations de la société civile et les
représentants de gouvernements présents, tout en se déclarant prêt à prendre
des initiatives pour le maintenir en 2015. Annick Girardin a déclaré que le
gouvernement ferait une proposition en ce sens à Lima et qu'il était ouvert aux
propositions des organisations et mouvements quant au type de processus à
mettre en place. Reste à savoir si le gouvernement entend réellement ouvrir des
espaces de dialogue avec les ONG et les mouvements internationaux, ou s'il
s'agira, comme cela est devenu une habitude, de privilégier le dialogue avec
avec les entreprises privées.
Compte-tenu des insuffisances criantes des propositions qui
sont actuellement sur la table des négociations sur le climat, ONG et mouvements
internationaux présents à la PreCOP sociale considèrent que cette expérience
mériterait d'être renouvelée, dans le respect de leur indépendance et de leurs
prérogatives. Cela, afin de nourrir le processus qui doit aboutir à un accord
contraignant, juste et à la hauteur des enjeux en 2015 à Paris. Mais c'est
surtout une mobilisation internationale d'ampleur qui sera indispensable
pour que l'on n'en reste pas au business as usual prôné par les
gouvernements (voir ici pour
le cas français par exemple) et le secteur privé. Et, au-delà des
propositions présentées aux gouvernements, c'est bien cette mobilisation qui
était au coeur des discussions entre mouvements et ONG pendant la Precop
sociale au Venezuela !
Maxime Combes, Christophe Aguiton, Jeanne Planche,
présent-e-s à la PreCOP sociale pour Attac France
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