Par Thomas Petit, membre du Conseil national et délégué Europe de la motion 4
La communication faite sur les travailleurs détachés,
relayée par les medias, est largement populiste et mensongère. Que l'on ne soit pas d'accord est une chose, que l'on mente
pour s'en justifier en est une autre. D'ailleurs, le vote de Marine LePen, farouchement opposée
sur les plateaux de télé mais s'abstenant au Parlement Européen, montre qu'elle
n'est pas claire avec ce sujet.
Qu'est-ce qu'un travailleur détaché ?
Déjà, ce n'est pas le « plombier polonais » !
Le fameux plombier polonais est l'image d'un travailleur
étranger isolé, installé en France, et travaillant aux conditions sociales de
son pays (c'est à dire au noir puisque la directive Bolkenstein n'est pas
passée1).
Le travailleur détaché est forcément employé par une
entreprise, puisqu'il s'agit d'un travailleur envoyé en mission ponctuelle
(moins de 2 ans) à l'étranger par son employeur.
Un avocat étasunien envoyé par Goldman Sachs pour étudier un
contrat en France serait un travailleur détaché s'il était dans l'Union
Européenne. Mais comme il n'est pas couvert par la directive travailleur
détaché, il travaille à ses conditions habituelles, celles de son pays
d'origine.
Par contre, un plombier polonais employé par une entreprise
du bâtiment polonaise sur un contrat obtenu en France sera protégé par la
directive travailleurs détachés.
Il ne s'agit donc, en théorie, ni d'un immigré qui va
s'installer de manière permanente, et ni d'un travailleur au noir.
Pourquoi une directive des travailleurs détachés ?
La première directive de protection des travailleurs
détachés (1996), créant le statut de travailleur détaché, formalisait
l'obligation de suivre les règles
minimales du pays d'accueil ou des règles plus avantageuses du pays d'origine.
Seules les cotisations sociales sont payées au niveau du
pays d'accueil2.
Les règles concernant le temps de travail, les conditions de
sécurité au travail, de rémunération, … sont donc les mêmes que celles d'un
travailleur du pays d'accueil.
Mais les employeurs ont trouvé des moyens de contourner la
loi sans être atteints par les contrôles et la fraude a augmenté fortement.
Ainsi, le nombre de travailleurs soi-disant détachés est passé d'environ 10000
en 2000 à près de 300000 aujourd'hui.
Entre fausses entreprises étrangères employées fictivement
comme sous-traitantes, ou travailleurs permanents employés comme détachés, les
méthode sont diverses et ont provoqué des situations anormales et donc du
dumping social.
La nouvelle directive (2014) n'a donc pas changé les règles
vis-à-vis des travailleurs détachés mais a augmenté le niveau de responsabilité
des employeurs, notamment dans le bâtiment où le donneur d'ordre peut être
condamné pour la pratiques de ses filiales.
De plus, la coopération entre les inspections du travail a
été renforcée et sollicitée. Les amendes décidées dans un Etat seront
exécutoires dans toute l'Union. Une amende décidée en France devra être payée par
une entreprise domiciliée dans un autre pays de l'Union.
Enfin, la définition de ce qu'est un travailleur détaché a
été précisée pour ne plus laisser de doute et permettre des contrôles
efficaces. Des documents spécifiques devront être produits par l'entreprise ET
le travailleurs détaché sur demande d'un inspecteur du travail.
La nouvelle directive détachement des travailleurs ne crée
donc pas une nouvelle situation de dumping social mais est au contraire une
tentative de régulation du marché du travail.
La volonté de combattre le dumping social est d'ailleurs
déjà l'objectif de la directive de 96.
Quelles conséquences politiques ?
Il y a un avant et un après à toute loi.
S'opposer à la directive, c'est préférer la situation actuelle
à la situation prévue par la loi.
Les populistes qui s'opposent à cette directive sont donc de
fait favorables aux patrons fraudeurs.
Bien sur, ils s'en défendent en disant vouloir totalement
fermer les frontières à tout travailleur étranger voulant faire croire que ça
protégerait notre économie et nos travailleurs alors que ça créerait une
inflation terrible, une forte pénurie des biens de consommation, et un chômage
plus grand encore (il y a des centaines de milliers de travailleurs frontaliers
français).
En-dehors de cette situation utopique et catastrophique, ils
soutiennent donc un statu quo alors que la situation actuelle est justement
celle d'un dumping social facilité par les trous dans les règles actuelles.
Comme d'habitude, au lieu de chercher des solutions
favorisant les citoyens, les populistes divisent et cherchent des
boucs-émissaires.
A l'inverse, les socialistes et notamment Pervenche Beres,
tête de liste en Ile-de-France, ont permis de pousser cette directive vers des
règles contre les patrons fraudeurs et une amélioration des contrôles par la
coopération des inspections du travail européennes. Mais ces règles ne sont ni
discriminantes, ni un empêchement à une activité utile.
Les socialistes européens vont plus loin contre le dumping
social en voulant instituer un SMIC partout en Europe, un corps européen
d'inspection du travail, imposer une responsabilité sociale des entreprises,
une politique migratoire équitable.
Il y a donc 2 choix proposés lors de ces élections sur la
question des travailleurs détachés : le statu quo laissant faire les
patrons voyous, ou le combat contre les pratiques déloyales pour protéger les
travailleurs.
Le problème n'est pas l'Europe mais l'orientation politique
de l'Europe.
Le 25 mai, faites le choix de propositions réellement utiles
pour les citoyens.
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