Par Frédéric Lutaud, membre du Bureau national pour la motion4
Cher Jean-Christophe,
Je souhaiterai revenir quelques instants sur tes
interventions de cette semaine dans les médias. D’abord le débat avec Marine
Lepen où tu as fait preuve d’une combativité qui n’a pas démérité en défendant
nos valeurs, notamment sur l’immigration. Cela n’inversera pas le cours des
élections européennes mais l’exercice n’est jamais facile face la Présidente du
Front National et cela méritait d’être souligné.
Ensuite, à Mediapart, tu as déclaré souhaiter la
reconstruction d’un « tronc commun » de toute la gauche. Nous nous en
félicitons, car c’est ce que nous demandions déjà, sans succès, sous la
mandature de ton prédécesseur.
Maintenant, il nous paraît compliqué de construire un tronc
commun avec nos partenaires de gauche si nous n’arrivons pas à dégager un tronc
commun dans notre propre parti. Aujourd’hui la politique du gouvernement nous
divise et de nombreuses orientations politiques nécessitent d’être clarifiées au
sein du Parti socialiste.
Par exemple, j’ai sous les yeux le slogan de notre campagne
européenne « Imposons une nouvelle croissance ! » (il est affiché en
grand dans la salle du Bureau national). Celui-ci est en complet décalage avec
notre époque. J’y vois une des raisons qui font que notre campagne européenne rencontre
si peu d’enthousiasme auprès de nos électeurs, des intellectuelles, des
scientifiques comme des couches populaires. Tu as déclaré « on ne peut pas
redistribuer ce que l'on n'a pas encore produit ! ». La formule a fait recette, surtout à droite,
mais depuis 50 ans nous avons eu 1000% de croissance et une augmentation de « seulement »
23% de la population. Notre pays n’a jamais été aussi riche de toute son
histoire. Nous ne ferons plus croire aux Français que la crise que nous
traversons relève d’un problème de croissance. Il s'agit moins d'un problème de croissance que de redistribution à destination des besoins sociaux. Mais surtout, n’avons nous pas un autre projet de société à
leur proposer ? Une ambition un peu plus noble et audacieuse que la
croissance en pleine crise écologique ?
Nous attendons de toi un débat de fond responsable sur les grands
enjeux économiques et sociaux. La place de la croissance dans nos sociétés,
l’analyse des gains de productivité qui économise le travail, le traitement de la
question monétaire… doivent faire l’objet d’une réflexion sans tabou. Ce qui
implique aussi que tu acceptes d’aborder des sujets auxquels tu es réfractaire
comme « le partage du travail ». Nous ne pourrons faire l’économie
d’une refondation de notre pensée politique si nous voulons remobiliser notre
parti.