PAR FRÉDÉRIC LUTAUD
La gueule de bois est sévère aux lendemains de cette élection pleine de rebondissements et d'incertitudes relatives, car pour celui qui fait appel à la raison en politique, le résultat était couru d’avance.
Sans unité, la gauche ne pouvait l’emporter. Il faut maintenant réparer les dégâts. Faire barrage à l’extrême droite, à moins de laisser faire le boulot par la droite. Un vote Macron n’est en rien un vote d’adhésion. Tony Blair, ce n'est pas Hitler. Face au danger fasciste, on pare au plus pressé. Le piège de la Ve République s’est refermé sur nous. Ce scénario désolant était pourtant tellement prévisible.
Depuis le départ, la stratégie de Mélenchon est vouée à l’échec et son score de 20 %, un miroir aux alouettes. Rappelons qu’il était déjà crédité de 17% en 2012. À l’époque, le vote utile en faveur de Hollande lui a valu de finir à 11 %. Cette année, le vote utile a joué en sa faveur. Il a donc retrouvé ses intentions de vote de 2012 et bénéficié d’une partie des voix du PS, qui a vu la candidature de Hamon s’effondrer, incapable lui aussi d'appeler à l’unité dans la dernière ligne droite. Le candidat socialiste aurait dû proposer un accord de désistement, au lieu de cela, il a préféré le suicide de son camp. Mais en face, la responsabilité est énorme. Aucune main tendue pour accueillir les camarades de la gauche socialiste, les écologistes et leurs électeurs, dans un rassemblement respectueux et équitable. La ligne politique adoptée par le candidat de la France Insoumise prétendait rassembler « le peuple » et non la gauche. Nous savons ce qu’il en est de l’effacement des clivages politiques : la gauche est éliminée dès le premier tour et Mélenchon arrive bon quatrième. Celui-ci a touché son plafond de verre, et encore dans un contexte des plus favorables, avec un PS divisé et une droite plombée par les affaires. Ne pas avoir réalisé l’unité de la gauche est d’autant plus coupable qu’une telle occasion ne se présentera pas de sitôt et que nous avons loupé le second tour à 600 000 voix. Une candidature unique Mélenchon Hamon aurait placé la gauche en tête des sondages créant une dynamique électorale victorieuse. La bulle Macron se dégonflait car le vote utile pour faire barrage à l’extrême droite devenait Mélenchon, et face à MLP, la candidature de gauche s’imposait.
Alors bien sûr, il est facile aujourd’hui, de rendre responsables de la défaite les 6 % d’électeurs socialistes qui n’ont pas eu le bon goût de voter pour Mélenchon, quand aucune proposition de rassemblement n’a été faite. Les insoumis réalisent aujourd’hui que prôner le ralliement sans condition n'incite pas pour autant les électeurs à voter pour eux. L’électeur de gauche n’apprécie pas qu’on lui mette le couteau sous la gorge, même si beaucoup ont pris leurs responsabilités en votant massivement Mélenchon. Les sectaires, incapables de la moindre conciliation ne le reconnaîtront jamais, pourtant ce sont eux les grands responsables de la défaite de la gauche, dans les deux camps. Sans autocritique l'avenir de la gauche est promis.
La recomposition de la gauche
La faillite de la candidature Hamon signe la fin d’un PS hégémonique conduit par son aile droite. Les sociaux libéraux ont rejoint Macron ou lui apportent leur soutien. Le prochain congrès du PS est dans deux ans, Cambadélis et Borgel vont s’appliquer à finir d’enterrer Hamon, en cas de victoire c’était l’inverse. La pasokisation du PS est en marche (sans mauvais jeu de mots) et débouchera probablement sur un arc républicain allant de Valls à Juppé. Bref, la droite au pouvoir.
La France insoumise va entrer dans sa phase de maturité. La campagne s’achève et avec elle la discipline électorale liée à ligne politique du candidat. L’homme providentiel de la Ve République doit faire place à la démocratie interne et la vie politique reprend ses droits. Si la FI continue sur sa ligne sectaire, autrement dit en refusant d’écouter la grande majorité des électeurs de gauche (78 % veulent l’unité dont 71 % chez Mélenchon), il y a de grandes chances que celle-ci subisse le même revers que le PG : une désertion massive de ses militants.
Le PCF, traversé par ses contradictions, est quasiment sous assistance respiratoire, la bérézina qui s’annonce aux législatives finira de l’achever si celui-ci ne converge pas vers des candidatures communes. Pour les Écologistes, la perspective n’est guère plus réjouissante.
La recomposition de la gauche devra se faire dans la continuité du mouvement unitaire initié par l’Appel des 100, une coalition Rouge Rose Verte pourrait voir le jour pour les législatives. La création d’un grand parti de gauche, démocratique, respectueux des courants qui le constituent, serait l'idéal. Aucune gauche n’a raison toute seule, c’est la grande leçon de ces élections. Mais, il est probable que la Bataille entre Mélenchon, Hamon et les autres appareils n’est pas dite son dernier mot et nous réserve bien des désillusions. À moins que le peuple de gauche, lassé des rivalités intestines, n'en décide autrement en soutenant des candidatures unitaires aux législatives, afin d’avoir un groupe parlementaire pour s’opposer à la politique de Macron. Militants insoumis, socialistes, communistes et écologistes, l’unité demeurent plus que jamais à l’ordre du jour.
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