Par Guillaume Duval - décembre 2014
Un rapport conjoint des économistes Henrik Enderlein et Jean
Pisani-Ferry, des propositions communes des ministres de l'Economie…, le
"couple franco-allemand" est de retour. Au cœur de cette relance, un "deal" où
l'Allemagne ferait quelques efforts supplémentaires pour soutenir sa demande
intérieure, notamment en investissant dans des infrastructures dégradées, et se
montrerait indulgente vis-à-vis du retard de la France à maîtriser ses déficits
publics. En échange de quoi, Paris s'engagerait sur la voie des "réformes
structurelles", le mot-valise utilisé en Europe pour signifier un recul de
la protection sociale, la facilitation des licenciements et la baisse des
salaires réels. A la base de ce deal, figure l'idée, partagée à Paris et à
Berlin, que ce sont les réformes de ce type menées par le chancelier Gerhard
Schröder au début des années 2000 qui ont permis à l'économie allemande de se
redresser. Et que donc, si elle veut s'en sortir, la France doit à son tour
suivre ce chemin. Il s'agit pourtant d'une croyance erronée et dangereuse.
Il y a cependant de bonnes raisons de penser que ce
redressement s'est produit malgré Schröder plutôt que grâce à lui. L'Allemagne
a bénéficié tout d'abord des avantages de court terme de son déclin
démographique : moins de dépenses pour les jeunes et d'emplois à trouver
pour eux et, surtout, pas de bulle immobilière. Elle a profité également de la
réunification de l'Europe, en intégrant dans son système productif les pays à
bas coût d'Europe centrale. Et de sa spécialisation - ancienne - dans les
machines et les grosses berlines quand la demande des pays émergents - en
particulier de la Chine - a explosé. Pas grand-chose à voir avec les réformes
Schröder.
De plus, si ces réformes n'ont pas eu à l'époque un impact
plus négatif encore pour l'Allemagne et pour l'Europe, c'est uniquement parce
que notre voisin était heureusement le seul à mener une telle politique. Si la
France s'engage dans une démarche analogue aujourd'hui, ce ne sera pas le
cas : suivre maintenant les pas de Gerhard Schröder, c'est, pour la France
et l'Europe, la certitude de s'enfoncer dans une stagnation prolongée. Et donc
faire courir un risque inconsidéré à la démocratie dans un pays où l'extrême
droite constitue d'ores et déjà une menace sérieuse.
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