Par Frédéric Lutaud, membre du Bureau national pour la motion 4
Je souhaiterai porter à l’ordre du jour le document de
Valérie Rabaud, la rapporteuse du Budget qui indique que les 190.000 créations
d'emplois du Pacte de responsabilité prévus d'ici 2017 seront accompagnés d’une
suppression de 250.000 postes. Le pacte se soldera donc pas une destruction
d’emplois.
Il est quand même curieux qu’à chaque fois qu’il est
question d’emploi ou de chômage, l’actualité des chiffres soit passée sous
silence dans le point politique du Bureau national.
La semaine dernière, déjà mon camarade Patrick Ardoin avait
signalé son inquiétude relative un Pacte de responsabilité qui se propose de
créer 190 000 emplois — ce qui reste encore à prouver — alors que l’on compte 250
000 salariés en sur effectifs dans les entreprises.
Depuis le début, la motion 4 a mis en garde sur l’erreur de
diagnostic du « Pacte de responsabilité ». En baissant le « coût
du travail » afin que les entreprises reconstituent leurs marges, nous
encourageons l’investissement dans un appareil productif plus compétitif. Plus
compétitif, implique gains de productivité. Gains de productivité implique
produire plus avec moins de travail humain.
A cela on ajoute les 33 millions
d'euros pour la robotisation des PME prévus par le gouvernement,
nous imaginons facilement les conséquences sur l’emploi. Si les usines
d'aujourd'hui nécessitent encore des travailleurs humains, d'énormes portions
de lignes d'assemblage sont à 100% automatisée. Si nous sommes tous d’accord
sur l’amélioration du système productif, cela ne résout pas la question de l’emploi.
Je rappelle souvent cette étude du Bureau américain des
statistiques du travail (BLS) qui prévoit une baisse de l’emploi dans la
production de véhicule automobile et dans l'industrie de la fabrication de ses
pièces détachées de 16 % jusqu’en 2018, contre 11 % de croissance. 11% de
croissance pour 16% d’emplois détruits. Qui peut encore dire que la croissance
créée l’emploi ?
Alors bien sûr, on peut toujours dire que les idées de la
motion 4 sont avant-gardistes mais je suis au regret de vous décevoir.
Permettez moi de vous lire une citation d’une vénérable figure de
l’économie qui date déjà d'un certain temps :
Keynes : « Nous souffrons d’une nouvelle maladie dont
certains lecteurs ignorent peut-être encore le nom, mais dont ils entendront
abondamment parler dans les années à venir, le ”chômage technologique”. Il
s’agit du chômage dû à notre découverte de moyens d’économiser le recours au
travail à un rythme qui surpasse celui auquel nous sommes capables de trouver
de nouveaux usages pour celui-ci ». Il imaginait une semaine de 15 heures au
début du XXIe siècle.
Peut-être que cela vous semble une analyse périmée ? Que les keynésiens m’excusent dans cette salle, je me fais
l’avocat du diable. Voici une citation plus récente :
« Le rôle des humains comme principal facteur de la
production est condamné à diminuer, de la même manière que celui des chevaux
dans la production agricole fut d’abord réduit, puis finalement éliminé par
l’introduction des tracteurs. »
Wassily Leontief Prix noble d’économie 1983
« La vielle logique qui consiste à dire que les
avancées technologiques et les gains de productivité détruisent d’anciens
emplois mais créent autant de nouveaux n’est plus vraie aujourd’hui ».
Jeremy Rifkin, président de la Foundation on Economic Trend à Washington, La
fin du travail, 1995.
« Le principe est tellement simple que même un
économiste peut le comprendre. Au lieu de payer les gens à ne rien faire
– sous la forme d’indemnités de chômage –, on leur permet de
conserver leur poste en travaillant moins ». Ce n’est pas un sulfureux
gauchiste qui s’exprime en 2010, mais Dean Baker, codirecteur du Centre de
Recherche d’Economie Politique de Washington.
En Mai 2012, il cosigne avec Kevin Hassett, directeur
d'études de politique économique à l'American Enterprise Institute, un article
paru dans le New York Time où ils déclarent : « la première ligne de
défense durant une récession devrait consister à accroître le partage du
travail plutôt qu'à simplement prolonger les prestations de
chômage ».
Cette expérience concrète a été appliquée en Allemagne
: la réduction du temps de travail pour contrer la récession. Les
économistes allemands expliquent que l’Allemagne a connu une récession d’une
ampleur sans précédent depuis la réunification de 1990. Pourtant, ils estiment
que moins de personnes ont perdu cette fois leur travail. La raison tient en un
mot “Kurzarbeit”, c’est-à-dire la réduction du temps de travail.
« La principale cause de réduction d’emplois est
l’amélioration de la productivité qui représente 65% des pertes d’emploi depuis
2000. Les délocalisations ne représentent que moins de 20% de la réduction des
emplois industriels. » nous dit Jean-Pierre Corniou, directeur général
adjoint du cabinet de conseil Sia Partners.
Et encore plus proche de nous : « Comme dit Bill Gates,
l’emploi c’est fini. Les robots remplacent les gens. Dans un tel contexte,
François Hollande ne peut évidemment pas “inverser la courbe du chômage” »
Bernard Stiegler Fondateur et président du groupe de réflexion
philosophique Ars industrialis créé en 2005, il dirige
également depuis avril 2006 l'Institut de recherche et d'innovation (IRI).
La motion 4 demande que nous passions à la semaine de 4
jours. Proposition irréaliste ? Je vous lis une dernière citation :
« Pour lutter contre le chômage, il faut réduire
significativement la durée du travail. Car, si vous la réduisez de quelques
heures, la productivité absorbera la diminution des horaires. Il faut avoir la
volonté de descendre à 32 heures, soit quatre jours par semaines. Cela
nécessitera toute une nouvelle organisation du travail, et obligera toutes les
industries et services à embaucher fortement. »
Qui à dit cela à votre avis ? Un économiste ? Un
politique ? Un dangereux anarchiste ?
Non ! un chef d’entreprise : Antoine Riboud, P.D.G. de
B.S.N.-Danone.
Au lieu d’évacuer systématiquement le débat, il serait temps
que nous ayons enfin une discussion sérieuse sur les solutions à apporter au
chômage de masse, première préoccupation des Français. Il serait temps que le
Parti socialiste se mette au travail.
oui il faut baisser le temps de travail mais à condition de le faire en même temps dans la zone euro sinon comment assumer la concurrence entre pays européens où le coût de production n'a pas les règles de rétribution horaire identiques?
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