mardi 11 juin 2013

22 ans de décrochage scandaleux du RMI/RSA en trois graphiques

Le premier graphique représente l’évolution comparée du RMI/RSA (montant pour une personne seule) et du « revenu disponible brut des ménages par habitant » (RDB, définition en annexes), tous les deux en euros courants, base 100 en 1990. On peut cliquer sur les graphiques pour les agrandir.

 Le résultat est clair : le RMI devenu RSA (courbe du bas) se traîne derrière le RDB par personne, et l’écart se creuse encore plus nettement à partir de 2000. Le premier a progressé de 50 % en euros courants depuis 1990, le second de 80 %. Quant à la hausse des prix à la consommation (voir annexe 4), elle a été de 43,5 % au cours de ces 22 ans. Le pouvoir d’achat du RMI/RSA a progressé de moins de 5 % en 22 ans (voir graphique 3), pendant que celui du RDB par personne augmentait de 24,6 %.


Le second graphique représente l’évolution du RMI/RSA (montant pour une personne seule) en pourcentage du RDB par habitant. On est passé de 33,4 % en 1990 à 27,9 % en 2012. On constate à nouveau que la plongée la plus forte se produit à partir de 2000. Si les choses se stabilisent voire s’améliorent un peu au cours des dernières années, c’est « grâce » à la crise : le RSA n’a bénéficié d’aucun « coup de pouce » (il a progressé à peu près comme l’inflation), mais entre 2007 et 2012 le RDB par tête a progressé moins vite que l’inflation (6,7 % en cinq ans contre 8,7 % pour l’inflation).


Le troisième graphique représente l’évolution, depuis 1990, 1) du pouvoir d’achat du RMI pour une personne seule, 2) du salaire net annuel moyen en euros constants (sources en annexe 3), et 3) du PIB par habitant, lui aussi à prix constants. J’aurais pu remplacer la courbe du PIB/h par celle du RDB/h en euros constants, j’aurais obtenu presque la même chose. De 1990 à 2012, la richesse économique produite par habitant a progressé de 23 % en volume, le pouvoir d’achat des salaires de seulement 10,4 % (de 1990 à 2010, dernière année disponible pour cette source), et le pouvoir d’achat du RMI, qui avait gagné 5 % au cours des années Jospin, stagne ou régresse un peu depuis. L’envol des revenus des riches est pour beaucoup dans le grand écart entre la courbe du haut et celles du bas. La richesse accrue est bien allée quelque part. On constate d’ailleurs que, même si les pauvres sont les plus mal lotis, les salariés ne le sont guère mieux, sauf, quand même, entre 2004 et 2010.

Sources. PIB/h et salaire net annuel moyen (DADS) : INSEE. RMI : montant au 1er janvier pour une personne seule, déflaté par l’indice des prix à la consommation.

ANNEXES TECHNIQUES (BONUS POUR PERSONNES RÉSISTANTES)

ANNEXE 1
Le revenu disponible brut (RDB) des ménages figure dans les comptes nationaux. On dispose de séries longues également pour le RDB par habitant. C’est l’ensemble des revenus (d’activité, du patrimoine) du ménage, des revenus de transfert en provenance d’autres ménages, plus les prestations sociales y compris pensions et indemnités de chômage, avant impôts directs (IR, taxe d’habitation, CSG et CRDS).

ANNEXE 2
Pour les deux premiers graphiques, j’aurais pu utiliser, au lieu du RDB national par habitant, le RDB par « unités de consommation » (UC). Ces UC sont définies ainsi par l’Insee (par convention appuyée sur certains constats) : Pour comparer les niveaux de vie de ménages de taille ou de composition différente, on utilise une mesure du revenu corrigé par unité de consommation à l’aide d’une échelle d’équivalence. L’échelle actuellement la plus utilisée (dite de l’OCDE) retient la pondération suivante :
- 1 UC pour le premier adulte du ménage ;
- 0,5 UC pour les autres personnes de 14 ans ou plus ;
- 0,3 UC pour les enfants de moins de 14 ans.

Mais d’une part, il n’y a pas de série longue (à ma connaissance) de RDB par UC, et d’autre part, sur cette période, l’augmentation du nombre d’UC est à peine supérieure à celle de la population. Les tendances du graphique 1 auraient été pratiquement les mêmes. En revanche, pour le graphique 2, la tendance aurait été semblable, mais le niveau du rapport entre RSA mensuel et « RDB mensuel par UC » aurait été très inférieur. Le nombre moyen d’UC par ménage étant de l’ordre de 1,6, le RSA d’une personne seule en 2012 ne représentait que 17,7 % du RDB par UC.

ANNEXE 3, relative à la courbe « salaires annuels » du graphique 3, qui s’arrête en 2010 pour cause de disponibilité actuelle de ces données complexes mais importantes que sont les DADS (déclarations annuelles de données sociales des organisations).

L’ensemble des employeurs et de leurs salariés rentrent dans le champ des DADS, à l’exception des agents des organismes de l’État, titulaires ou non, des services domestiques et des activités extraterritoriales. En revanche, sont comprises les collectivités territoriales et la fonction publique hospitalière, introduites de manière exhaustive depuis 1992. Sont inclus également les établissements publics à caractère industriel et commercial. En diffusion, des données issues d’autres sources sont ajoutées aux données issues des DADS pour couvrir l’ensemble du champ de l’emploi salarié. Le fichier ainsi constitué est appelé « DADS grand format ».

ANNEXE 4
La hausse des prix à la consommation retenue pour « déflater » les variations nominales du RMI/RSA dans le graphique 3 est celle de l’indice Insee pour les ménages urbains d’ouvriers et d’employés, hors tabac. Mais les autres indices de prix de la consommation ne changeraient presque pas les résultats.

Jean Gadrey  31/05/2013

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