29 juillet par Olivier Bonfond
Sommaire
1. Introduction : les banques ne sont plus ce qu’elles
étaient
2. Quelques constats sur la capacité de nuisance des grandes banques
3. De quel type de secteur bancaire avons-nous besoin ?
4. Neuf mesures urgentes pour remettre les banques à leur place
2. Quelques constats sur la capacité de nuisance des grandes banques
3. De quel type de secteur bancaire avons-nous besoin ?
4. Neuf mesures urgentes pour remettre les banques à leur place
1. INTRODUCTION : LES BANQUES NE SONT PLUS CE QU’ELLES
ÉTAIENT
Bien que ces théories soient encore enseignées dans la
plupart des universités européennes, les grandes banques ne constituent plus
aujourd’hui des intermédiaires entre les épargnants et les investisseurs afin
de financer l’économie réelle. Au fur et à mesure des dérégulations des années
1980 et 1990, les banques sont devenues des institutions surpuissantes qui
utilisent toutes les ressources à leur portée (dont l’épargne des particuliers)
pour mener des activités financières hautement spéculatives, afin de générer un
maximum de profits à court terme pour les actionnaires.
Plutôt que de recapitaliser aveuglément les banques (les
sauvetages bancaires ont déjà coûté plus de 35 milliards d’euros aux pouvoirs
publics belges, soit environ 8% de son PIB) en les laissant continuer à
spéculer à leur guise, il est urgent de réguler de manière très stricte le
secteur bancaire et remettre la finance au service de l’économie réelle et d’un
développement d’économie durable.
2. QUELQUES CONSTATS SUR LA CAPACITÉ DE NUISANCE DES GRANDES
BANQUES
La crise bancaire est loin d’être terminée
Malgré les discours régulièrement prononcés sur le fait que
la crise financière est derrière nous, le secteur bancaire est tout sauf
assaini. Les comportements spéculatifs restent la règle et les produits
toxiques continuent de se développer au sein des institutions financières. Avec
des actifs de 60.000 milliards de dollars fin 2011 à l’échelle mondiale, le
« Shadow Banking System », mécanisme qui permet aux banques de gérer
des opérations bancaires très risquées hors bilan et en dehors de toute
régulation publique, montre à quel point une nouvelle crise financière, de
grande ampleur, est parfaitement possible.
Comme le mettait en évidence le journal l’Echo, au sein de
l’Union Européenne, « plus de 1.000 milliards d’euros d’actifs illiquides
ou douteux dormiraient encore dans des structures de défaisance (bad bank). En
outre, ce chiffre oublie de mentionner les centaines de milliards d’euros de
créances douteuses et de fonds communs de créances toujours inscrits aux bilans
des banques. » |1|
Si on prend le seul cas de Dexia, la conclusion est
identique. Dexia SA dispose d’un bilan de 400 milliards d’euros et d’un hors
bilan de minimum 900 milliards d’euros, hors bilan dont on ne connaît pas
exactement la nature, sauf le fait que la grande majorité des actifs qui le
compose sont hautement toxiques. Lorsqu’on compare ces montants avec l’argent
public qui a été injecté dans la banque jusqu’à présent, à savoir 8,9 milliards
d’euros, on comprend à quel point le « cas Dexia » n’est pas du tout
réglé.
Les banques continuent de spéculer et de créer des produits
toxiques
Les nombreux discours sur la nécessité de réguler le
capitalisme financier ne se sont en réalité jamais concrétisés. Rien d’étonnant
alors que les comportements spéculatifs soient restés la règle au sein des
grandes banques, assurances et autres fonds de pension. On assiste même à un
retour en force de certains produits toxiques à l’origine de la crise tels que
les CDO |2|.
Pourtant des initiatives sont possibles et certaines ont
même été prises temporairement. En effet, l’Union européenne a approuvé, en
février 2012, une réglementation pour encadrer et limiter les risques liés aux
ventes à découvert, une pratique interdite dans plusieurs pays et jugée en
partie responsable des mouvements spéculatifs sur les marchés. Elle donnait
"temporairement" le pouvoir aux autorités de marché nationales
"d’imposer des restrictions à la vente à découvert en cas de situation
exceptionnelle menaçant la stabilité financière ou la confiance des marchés
dans un Etat ou dans l’Union". Elle obligeait, en outre, les opérateurs
qui recourent aux ventes à découvert "à nu" sur les actions et
obligations d’Etat à fournir des garanties qu’ils pourront livrer les titres
qu’ils promettent.
La vente à découvert consiste à emprunter un actif dont on
pense que le prix va baisser et à le vendre, avec l’espoir d’empocher une
différence au moment où il faudra le racheter pour le rendre au prêteur. Elles
peuvent prendre une forme plus poussée, dites "ventes à nu" quand
l’investisseur vend un titre qu’il ne possède pas. Cette pratique financière a
été mise en cause pendant la crise financière de 2008 et aux débuts de la crise
de la dette souveraine. La Belgique et 3 autres pays européens - la France,
l’Italie et l’Espagne - ont décidé d’interdire cette pratique sur certaines
valeurs financières. L’Allemagne a, pour sa part, interdit les ventes à nu sur
toutes les valeurs cotées depuis mai 2010.
Les banques ne financent pas l’économie réelle
Malgré les plans d’aides massifs que les banques ont reçu,
les banques privées continuent de refuser de financer l’économie réelle. La
raison pour laquelle les banques rechignent à financer l’économie réelle est
double :
1) Les profits sont beaucoup plus importants en réalisant
des achats et ventes de produits financiers hautement spéculatifs qu’en
accordant des prêts aux entreprises et aux particuliers. Comme on n’a pas
régulé le secteur, rien d’étonnant à ce que les banques continuent de
privilégier cette voie.
2) Afin de respecter les critères de Bâle II, les grandes
banques doivent diminuer leur ratio « fonds propres/total actif ».
Les actifs étant pondérés par le « risque » dans le calcul du ratio,
et les crédits aux entreprises et particuliers étant considérés comme risqués
(contrairement à d’autres actifs considérées comme ayant un risque nul et donc
non pris en compte dans le calcul du ratio), les banques ont logiquement
tendance à favoriser les opérations de marchés (trading), au détriment des
opérations de crédits classiques. |3|
Les banques ont mis les finances publiques en grand danger
Après des années de spéculation financière insensée, en 2008
puis en 2010, les pouvoirs publics ont massivement injecté des capitaux dans
les banques belges pour les sauver de la faillite. Ces sauvetages bancaires,
dont le coût total s’élève déjà à plus de 35 milliards d’euros, soit environ 8%
du PIB belge, ont provoqué une explosion de la dette publique. En effet, ces
sauvetages ont été intégralement financés via l’émission de titres de la dette
publique sur les marchés financiers. Tandis que les banques continuent de
spéculer à leur guise, de nouvelles crises et donc de nouvelles injections de
capitaux sont à prévoir.
La crise financière a provoqué un ralentissement de
l’activité économique, ce qui a fortement aggravé les déficits publics, via une
diminution des recettes fiscales et une augmentation des dépenses sociales. Si
la récession devait perdurer, les finances publiques vont beaucoup souffrir.
Une croissance économique durable dans la zone euro doit être relancée car sans
croissance, le contrecoup social de l’austérité sera dévastateur.
Les garanties accordées aux banques en difficultés
constituent également un risque de grande ampleur pour les finances publiques
belges. La seule garantie accordée à Dexia SA représente un montant de 43,7
milliards d’euros (sans compter les intérêts et les accessoires). Cela
correspond à 11% du Produit intérieur brut (PIB) de la Belgique, et à près de
25% du budget de l’État. Concrètement, si Dexia ne parvient pas à rembourser
ses dettes, alors les pouvoirs publics devront les rembourser immédiatement.
L’augmentation de la dette publique qui en résulterait serait, à coup sûr,
utilisée comme arme de chantage pour justifier une dose supplémentaire
d’austérité contre la population.
Les banques sont devenues « too big to fail »
Au fil des privatisations, dérégulation, fusions et
acquisitions, les institutions financières ont atteint des tailles démesurées.
Sur les 6.000 banques présentes en Europe, les 15 plus grandes représentent
plus de 40% du total du secteur bancaire et 150% du PIB européen.
Cela implique concrètement que la faillite d’une seule de
ces institutions géantes peut déstabiliser tout le système financier mondial.
C’est en ce sens qu’on dit qu’elles sont « too big to fail »,
c’est-à-dire « trop grosse pour tomber »
Les banques privées disposent d’un monopole sur les dépôts,
les crédits et les systèmes de paiement
La privatisation quasi totale du secteur bancaire donne, de
fait, un monopole aux banques privées sur des outils fondamentaux pour le bon
fonctionnement de l’économie : les dépôts et les prêts, mais aussi tous
les systèmes de paiement. Si les banques devaient aujourd’hui s’effondrer,
c’est toute l’économie qui s’effondrerait. Ces éléments permettent aux banques
de réaliser une véritable prise d’otage de la société et mettent les Etats dans
une situation telle qu’ils sont dans l’obligation d’intervenir pour refinancer
les banques à coup de milliards d’euros.
Les banques privées ont le contrôle de la politique
monétaire
En signant le Traité de Maastricht en 1992, les Etats ont
décidé de remettre dans les mains des banques privées la politique
monétaire : en s’interdisant d’emprunter directement à leurs banques
centrales ou à la banque centrale européenne et en s’obligeant à se financer
auprès des marchés financiers. Cela a évidemment donné un grand pouvoir aux
banques privées, qui sont capables à tout moment de déstabiliser les finances
publiques d’un Etat en leur coupant leur source de financement ou en augmentant
fortement et brusquement les taux auxquels ils peuvent se financer.
Le secteur bancaire est dérégulé
Les principales règles mises en place en réaction à la crise
financière de 1929 pour protéger la société d’une nouvelle crise ont été peu à
peu abrogées, laissant libre cours à toute sorte de montages financiers
aventureux et irresponsables. Par exemple, le Président Roosevelt en 1933 avait
fait passer une loi imposant la séparation des banques de dépôts et des banques
d’investissement, garantissant par là que l’argent des épargnants ne serait pas
investi en bourse. Dans les années 1970, les banques se sont mises à contourner
cette loi qui a fini par être abrogée dans les années 1990 et les banques de
dépôt ont à nouveau été autorisées à faire des investissements et à vendre des
assurances. Cela leur a donné un énorme pouvoir sur l’Etat. Quand la bourse
s’est effondrée, l’Etat a alors été mis sous pression maximum pour offrir des
garanties et recapitaliser les banques afin d’éviter qu’elles tombent en
faillite et que les dépôts des épargnants ne partent en fumée.
3. DE QUEL TYPE DE SECTEUR BANCAIRE AVONS-NOUS BESOIN ?
L’enjeu est clair : il s’agit de disposer d’un secteur
bancaire assaini, stable, régulé strictement afin qu’il joue véritablement son
rôle : financer la relance d’un développement économique socialement juste
et écologiquement viable. Le secteur financier doit être régulé efficacement et
retrouver sa fonction première : être un outil au service de l’économie et
de l’intérêt général.
Jusqu’à aujourd’hui, au nom du réalisme, le courage
politique est absent et les mesures prises sont plus qu’insuffisantes. La
supervision centralisée des banques de la zone euro (union bancaire), la
création d’un fonds européen de garantie des dépôts, l’interdiction de
certaines opérations (ne touchant que 2% de l’activité bancaire globale), le
plafonnement des bonus, la transparence des activités bancaires ou encore les
nouvelles règles de Bâle III ne constituent que des recommandations, des
promesses non tenues voire, au mieux, des décisions tellement diluées qu’elles
en perdent toute efficacité avant même d’avoir été mises en place. Dans tous
les cas, elles ne s’attaquent en rien aux problèmes de fonds, en particulier au
poids exorbitant et à la capacité de nuisance des grandes banques.
Pourtant, la réalité est celle-ci : rassurer les
marchés et se soumettre aux intérêts de la finance ne marche pas. C’est
l’inverse qu’il faut faire, et vite. Faute de quoi, dans un avenir plus ou
moins proche, une très grave crise des finances publiques et de la dette
pourrait à nouveau survenir, avec des conséquences sociales dramatiques. Une réforme
en profondeur de l’organisation et du fonctionnement du système bancaire est
aujourd’hui une urgente et impérieuse nécessité économique, sociale, politique
et démocratique. Il faut aller beaucoup plus loin, plus fort et plus vite.
4. NEUF MESURES URGENTES POUR REMETTRE LES BANQUES À LEUR
PLACE
Des mesures simples, fortes et concrètes peuvent être
prises. Certaines pourraient être mises en œuvre immédiatement, y compris à un
niveau national, d’autres doivent se construire à moyen terme, et être portées
de manière forte au niveau européen.
1. Interdire immédiatement certaines opérations spéculatives
Il n’y a aucune difficulté technique à interdire une série
d’opérations et de produits spéculatifs comme :
La spéculation sur les titres de la dette publique, sur les
monnaies ainsi que sur les aliments.
Les ventes à découvert.
Les CDs (Credit Default swaps).
Les CDO (Collateralized Debt Obligations).
Les marchés de gré à gré.
Le trading à haute fréquence, c’est à dire des opérations spéculatives réalisées automatiquement par des ordinateurs surpuissants capables de profiter à chaque millionième de seconde d’un écart de taux favorable.
…
Les ventes à découvert.
Les CDs (Credit Default swaps).
Les CDO (Collateralized Debt Obligations).
Les marchés de gré à gré.
Le trading à haute fréquence, c’est à dire des opérations spéculatives réalisées automatiquement par des ordinateurs surpuissants capables de profiter à chaque millionième de seconde d’un écart de taux favorable.
…
Cela doit se faire absolument dans un premier temps pour les
banques de dépôt. En l’absence de séparation des banques de dépôts et
d’affaires, cela doit être mis en œuvre pour les banques considérées comme
systémiques.
2. Séparer les banques de dépôt et les banques d’affaires
Il est nécessaire de séparer les banques de dépôt (banques
dont le rôle principal est de collecter l’épargne des particuliers et
d’octroyer des crédits aux ménages et entreprises) et les banques
d’investissement (banques qui s’occupent de l’accès des entreprises aux marchés
des capitaux). Les banques de dépôt pourraient recevoir une garantie de l’État
au bénéfice des épargnants. Les banques d’investissement qui réaliseraient des
investissements hasardeux et éprouveraient des difficultés ne pourraient
demander l’aide des pouvoirs publics. Rappelons que cette séparation des
activités bancaires fut une des premières mesures prises par le gouvernement
des États- Unis après la crise de 1929 (Glass-steagall Act).
Il s’agit aussi dans ce cadre d’imposer des limites à la
taille des banques. Aujourd’hui, du fait de leur taille économique et de leur
dimension internationale, la défaillance d’une seule grande banque peut
déstabiliser le système économique et financier d’une région entière.
3. Permettre à la Banque Centrale Européenne (BCE) de prêter
directement aux Etats
Plutôt que de prêter en deux fois plus de 1.000 milliards
d’euros aux banques à 1% pour que celles-ci les reprêtent éventuellement aux
Etats à 3 ou 4%, la BCE doit pouvoir prêter directement aux Etats. Aujourd’hui,
cela est clairement interdit par les Traités européens, en particulier par
l’article 123 du Traité de Lisbonne. En effet, les banques privées empruntent à
la BCE à du 0,5% pour ensuite prêter cet argent aux Etats à du 2%, 3%, 4%, 5%
ou 6% aux Etats européens. Cette situation est absurde.
Sans prendre les États-Unis ou le Royaume-Uni pour modèle,
loin de là, il faut souligner que la Fed (la Réserve fédérale, à savoir la
banque centrale des Etats-Unis) et la Banque d’Angleterre achètent des titres
de leur Etat respectif |4|.
La revendication de modification du Traité pour permettre à la BCE de prêter
directement aux Etats est parfaitement justifiée.
A priori, tous les Etats devraient pouvoir se financer au
même taux d’intérêt, à savoir celui fixé par la BCE. Si les banques privées ne
veulent pas prêter aux Etats au taux de la BCE, il faut alors que ces derniers
puissent emprunter directement à la BCE. Afin d’empêcher que les Etats
s’endettent de manière inconsidérée et que la BCE ne se transforme en un puits
sans fond, il peut s’avérer nécessaire de déterminer des critères fixant les
conditions dans lesquelles les Etats peuvent emprunter à ce taux
« minimum ». Si ces critères ne sont pas respectés, le taux d’intérêt
pourrait augmenter. Cependant, ils doivent absolument rompre avec la logique
néolibérale. A côté de critères économiques traditionnels tels que le
ratio dette/PIB, le déficit public ou encore l’inflation, d’autres devraient
être également pris en compte, tels que :
le respect des droits sociaux dont le droit du
travail ;
le respect des obligations européennes en matière de développement des énergies renouvelables et de réduction de CO2 ;
la lutte contre les inégalités et la corruption ;
la régulation du secteur financier.
le respect des obligations européennes en matière de développement des énergies renouvelables et de réduction de CO2 ;
la lutte contre les inégalités et la corruption ;
la régulation du secteur financier.
Tous ces critères sont objectivement vérifiables et font
déjà l’objet d’analyses comparatives approfondies au sein des pays de l’UE via
différentes institutions telles que l’OCDE ou l’OIT. Leur intégration ne
poserait donc pas de problème.
Plus fondamentalement, il est nécessaire de réformer
complètement la BCE. Plutôt que d’avoir pour unique objectif de combattre
l’inflation, il faut que cette institution puisse financer directement des
États soucieux d’atteindre des objectifs sociaux et environnementaux qui
intègrent les besoins et les droits fondamentaux des populations.
4. Interdire le Shadow Banking System |5|
Le Shadow Banking System (système bancaire de l’ombre) est
un mécanisme qui permet aux banques de gérer des opérations bancaires très
risquées en dehors de toute régulation publique et sans devoir inscrire ce type
de transactions dans leurs comptes de bilan. Cette absence de régulation a
logiquement provoqué une expansion rapide du secteur, avec un volume d’actifs
représentant 60.000 milliards de dollars fin 2011.
5. Interdire aux banques d’avoir des relations avec les
paradis fiscaux
Les paradis fiscaux constituent de véritables trous noirs de
la finance mondiale. Selon le FMI, environ 50% des flux financiers mondiaux
transitent par des paradis fiscaux. Ces derniers plombent le budget des États.
Selon le réseau Tax Justice Network, ils entraînent une perte de revenus
d’impôts de 255 milliards de dollars par an pour les États de la planète. La
Belgique ne fait pas exception : la fraude fiscale coûte environ 20
milliards d’euros annuels aux finances publiques belges. Jusqu’à aujourd’hui,
les dirigeants du G20, malgré leurs déclarations d’intention, refusent de
lutter contre les paradis judiciaires et fiscaux.
Pourtant, des mesures simples et concrètes peuvent être
mises en place immédiatement, tant au niveau national qu’européen. On pourrait
commencer par interdire aux personnes physiques et aux entreprises privées
(dont les banques) présentes sur le territoire belge de réaliser quelque
transaction que ce soit avec des paradis fiscaux, sous peine d’une amende ou de
poursuites pénales.
6. Lever le secret bancaire
La levée du secret bancaire doit également devenir un
impératif démocratique minimal pour tous les pays. Il faut supprimer le secret
bancaire fiscal et donner des moyens conséquents aux services des ministères
des finances pour lutter efficacement contre la fraude fiscale.
7. Taxer les banques et l’ensemble des transactions
financières
En plus de rapporter des ressources vitales au financement
d’un plan de relance économiquement ambitieux et écologiquement viable, cette
taxe jouerait un rôle positif en matière de stabilité financière en dégonflant
fortement une série de marchés spéculatifs
8. Envisager les sauvetages bancaires d’une toute autre
manière
La manière dont le sauvetage des banques a été effectué en
Belgique et ailleurs est tout à fait inacceptable, car très coûteux pour les
finances publiques et sans aucune poursuite contre les responsables du désastre
de Fortis, de Dexia, de KBC, d’Ethias... ou contre les responsables publics de
tutelle ou de contrôle (Banque nationale, Commission bancaire, ministre des
Finances...). Par ailleurs, les autorités publiques de tutelle n’ont pas imposé
une nouvelle discipline financière aux banquiers qui ont donc continué à
prendre des risques insensés.
Il est possible de laisser des banques faire faillite, à
condition de protéger l’épargne des déposants et l’investissement des petits
porteurs d’actions tout en récupérant le coût de ces faillites sur le
patrimoine global des grands actionnaires privés. Faire porter le poids du
sauvetage sur les dirigeants et les grands actionnaires des institutions
financières, plutôt que sur les citoyens belges, est une mesure réalisable,
légitime et qui inciterait les financiers à se comporter de manière plus
raisonnable à l’avenir, contribuant ainsi à renforcer la stabilité de
l’économie.
Dans la mesure où une future faillite bancaire reste une
potentialité, il faut dès à présent se préparer à donner une réponse mieux
ajustée. Sans faire de « copier-coller », il est possible de se baser
sur l’expérience de la gestion de la crise bancaire des pays scandinaves
(Suède, Norvège, Finlande) début des années 1990. Ces pays ont montré que, sur
la base de 3 principes simples (remplacement du Conseil d’administration et ouverture
des livres de comptes, rachat des banques à leur valeur réelle et coût du
sauvetage porté par les actionnaires plutôt que par les contribuables), il est
possible de gérer une crise bancaire sans « trop » de frais. La Suède
a géré sa crise bancaire en 3 ans et cela lui a coûté à peine 3% de son PIB. La
Belgique en est à 8% sans avoir absolument rien réglé… |6|
9. D’une banque publique à la socialisation du secteur
bancaire
Après des décennies de dérives financières et de
privatisations, il est grand temps de faire passer le secteur du crédit dans le
domaine public avec un véritable contrôle citoyen. Les États doivent retrouver
leur capacité de contrôle et d’orientation de l’activité économique et
financière. Ils doivent également disposer d’instruments pour réaliser des
investissements et financer les dépenses publiques en réduisant au minimum le
recours à l’emprunt auprès d’institutions privées ou/et étrangères.
Plusieurs voies doivent être envisagées avec sérieux :
Créer ou développer une banque publique.
Que ce soit au niveau national ou régional, la Belgique
devrait se doter d’une banque publique qui, tout en garantissant la stabilité
de l’épargne, offre aux clients les services classiques d’une banque et qui
constitue un appui financier pour des investissements productifs socialement
utiles et écologiquement viables.
Créer ou développer un pôle bancaire public.
En compétition avec une finance mondiale globalisée, une
banque publique risque de ne pas « tenir le coup ». Par conséquent,
il serait utile d’aller plus loin en mettant sur pied un pôle bancaire public
capable de concurrencer efficacement le secteur bancaire privé. Nationaliser,
avec ou sans indemnisation, les banques défaillantes et celles qui ont été
sauvées avec les deniers publics pour les transférer au secteur public sous
contrôle citoyen pourrait constituer des étapes importantes vers la création de
ce pôle bancaire privé.
Socialiser l’ensemble du secteur de la banque et de
l’assurance |7|.
Les banques doivent redevenir des outils au service de la
collectivité. La monnaie, le crédit, l’épargne, les systèmes de paiement,
éléments fondamentaux d’une économie, devraient être considérés comme des biens
publics communs. Par conséquent, le système bancaire devrait être socialisé,
c’est-à-dire placé sous contrôle citoyen avec un partage de décision entre les
dirigeants, les élus locaux ainsi que les représentants des salariés, des
clients, des associations et des instances bancaires nationales et régionales.
Le programme du Conseil national de la Résistance de 1944 (CNR)
déclarait : « L’instauration d’une véritable démocratie économique et
sociale, implique l’éviction des grandes féodalités économiques et financières
de la direction de l’économie, … , et le retour à la Nation des grands moyens
de production monopolisés, des sources d’énergie, des richesses du sous-sol,
des compagnies d’assurance et des grandes banques ». De la manière, la
déclaration de principes de la FGTB de 1945 estime que « la socialisation
des grands trusts bancaires et industriels s’impose ». Cette revendication
n’est donc pas nouvelle. Elle reste plus que jamais d’actualité. Les métiers de
la banque et de l’assurance sont bien trop importants que pour les laisser dans
les mains des banquiers privés.
Notes
|1| L’Echo, 19 juin 2013
|2| Le Monde , Le retour de produits à l’origine
de la crise sur les marchés, 11.06.2013
|3| Pour plus d’infos, lire TOUSSAINT Eric, “Les
banques bluffent en toute légalité”,http://cadtm.org/Les-banques-bluffe...
|4| En septembre 2011, la Fed détenait pour un
peu plus de 1.700 milliards de dollars de titres de la dette publique (Treasury
bonds) achetés au Trésor.
|5| Pour plus d’infos, lire MUNEVAR Daniel,
" Les risques du système bancaire de l’ombre »,http://cadtm.org/Les-risques-du-sys...
|6| Pour plus d’infos, lire DUPRET Xavier, “Et
si nous laissions les banques faire faillite ? »,http://www.gresea.be/spip.php?artic...
|7| Pour plus d’infos, lire SAURIN Patrick ,
“Socialiser le secteur bancaire”,http://cadtm.org/Socialiser-le-syst...
Olivier Bonfond est économiste, conseiller au CEPAG et
auteur du livre “Et si on arrêtait de payer ? 10 questions/réponses sur la
dette publique belge et les alternatives à l’austérité. Editions Aden. Juin
2012 (http://cadtm.org/Et-si-on-arretait-...)
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