Aux Rencontres économiques, experts, patrons et gouvernants
n’ont pas masqué leur inquiétude, notamment pour l’Europe. Retour sur trois
bombes financières qui pourraient exploser cet été.
Par Thierry Fabre – Challenges – le 09-07-2013
On sait s’amuser, aux Rencontres économiques d’Aix. Ce Davos provençal, qui a rassemblé experts, grands patrons et gouvernants de la planète du 5 au 7 juillet, s’est conclu en chansons avec l’artiste sénégalais Youssou N’Dour. L’économiste Jean--Hervé Lorenzi, organisateur de l’événement, et l’académicien Erik Orsenna ont également poussé la chansonnette. La veille, les participants étaient aussi très détendus au Théâtre de l’Archevêché, où ils ont apprécié le Rigoletto de Verdi.
Mais, cette année, la fête a été un peu gâchée. Pierre
Moscovici, le ministre de l’Economie, a piqué une colère contre "les
patrons qui doivent respecter les politiques", après avoir été critiqué
par le PDG de Saint-Gobain. Et derrière leur apparente décontraction, les
économistes n’ont pas caché leur pessimisme, notamment à propos de l’Europe.
"La crise de la zone euro n’est pas terminée. Le plus grave n’a pas encore
eu lieu, s’inquiète ainsi Charles Wyplosz, professeur à l’Institut des hautes études
internationales et du développement de Genève. Les dettes publiques ne sont pas
soutenables et les bilans des banques n’ont pas été vraiment nettoyés".
Les récentes turbulences financières ont relancé les inquiétudes. "La zone
euro est la seule région du monde dont la croissance est à l’arrêt", a
rappelé Christine Lagarde, la directrice générale du Fonds monétaire
international (FMI). Décryptage de ces bombes financières qui pourraient tomber
sur le continent.
Cote d'alerte sur les dettes publiques
Ils sont presque tous d’accord. A Aix, les experts en
finances publiques comme Anna Kinberg Batra, qui a présidé la commission des
Finances au Parlement suédois, Jared Bernstein, ancien conseiller du
vice-président américain Joe Biden, ou l’économiste italien Francesco Giavazzi
ont dénoncé les effets dévastateurs des politiques d’austérité en Europe.
"Les Européens ont appliqué ces coupes budgétaires au plus mauvais moment,
alors que leur économie n’était pas sortie de la récession. Le résultat, c’est
plus de récession, plus de chômage et plus de dette", a déploré Charles
Wyplosz. La veille, Peter Bofinger, membre du conseil indépendant des
économistes d’Angela Merkel, la chancelière allemande, avait déjà enfoncé le
clou : "Les dirigeants européens sont en train de prendre conscience que
leurs politiques de restriction budgétaire ont mené à la récession. Prenez le
Portugal : c’est le bon élève de la zone euro, qui a appliqué rigoureusement
les plans d’économies prônés par la Commission. Trois ans plus tard, il va beaucoup
plus mal", déplore ce keynésien, l’un des rares, en Allemagne, à tenir ce
discours. Même les agences de notation, que les Européens ont cherché à
rassurer en lançant ces politiques de -rigueur, sont inquiètes : "Nous
constatons un certain découragement face aux politiques d’austérité, qui ont eu
peu d’effet sur la réduction du déficit et de la dette. Il y a un risque
d’explosion sociale", confie, hors micros, Jean-Michel Six, chef
économiste à Standard & Poor’s.
Alors que faire ? Certains experts ont suggéré la suspension
sine die du pacte de stabilité européen, donc des objectifs de réduction des
déficits, jusqu’au retour réel de la croissance. "Il faut supprimer toute
restriction budgétaire lorsque l’activité économique est déprimée", avance
Jared Bernstein. Interpellé sur cette proposition, Pierre Moscovici a botté en
touche, en réclamant simplement "plus d’attention portée à la croissance
et à l’emploi" dans les politiques européennes.
Conséquence de l’inefficacité du serrage de vis budgétaire :
le fardeau des dettes publiques a continué de s’alourdir, dépassant largement
les 100 % du PIB au Portugal, en Italie et en Grèce (voir graphique). Face à
Christine Lagarde, Patrick Artus, le directeur de la recherche et des études de
Natixis, a mis les pieds dans le plat : "C’est une illusion de penser que
toutes ces dettes seront remboursées. En Europe, un certain nombre de pays ne
sont pas solvables". Gênée par ce sujet explosif, la directrice du FMI a
répondu que "tous les pays avancés ne pouvaient pas se retrouver au Club
de Paris", l’instance représentant les créanciers publics des Etats
surendettés. Mais, elle l’a admis, son institution planche sur ce dossier, avec
la création d’un groupe de travail sur "le traitement des dettes
lourdes". Traduction : comment faire accepter aux bailleurs de fonds
d’abandonner une partie de leurs créances. Un point crucial pour beaucoup
d’économistes : tant que ces "vieilles dettes", pour reprendre
l’expression de Patrick Artus, ne seront pas apurées, la zone euro ne pourra
pas rebondir.
Risque de krach obligataire
Une bombe à plus de 100 milliards d’euros. Selon Natixis,
c’est ce que pourrait coûter une hausse des taux de 100 points de base (1 %)
aux banques européennes, qui détiennent pas moins de 1.700 milliards de titres
publics dans leurs bilans. Depuis le 19 juin, avec l’annonce par le président
de la Réserve fédérale américaine (Fed), Ben Bernanke, qu’il allait réduire ses
achats massifs de bons du Trésor, les financiers sont inquiets. Les taux
américains ont immédiatement grimpé (voir graphique) et entraîné ceux de la
zone euro dans leur sillage. Aux Etats-Unis, où l’économie redémarre (195.000
emplois créés en juin, ce qui a ramené le taux de chômage à 7,6 %), cette
tension sur les prix du crédit n’est pas un drame. En revanche, dans la zone
euro, qui reste déprimée, le coup est rude. Après avoir exporté leur crise des
subprimes, les Américains menacent aujourd’hui de casser la reprise dans le
Vieux Continent en cessant de faire tourner leur planche à billets… Au cœur de
la vieille ville d’Aix, dans les petites salles de l’immeuble historique de
Sciences-Po, où il fait une chaleur étouffante, les experts prennent le risque
très au sérieux. "En 1994, l’Europe avait subi une crise obligataire, car
la Fed avait remonté ses taux brutalement", rappelle Michel Aglietta,
économiste au CEPII et spécialiste de la finance. Mais aujourd’hui, la réaction
épidermique des marchés est irrationnelle. Car la Fed agit de façon beaucoup
plus modérée en annonçant qu’elle va arrêter progressivement d’injecter des
liquidités".
Irrationnelle ou pas, une forte remontée des taux
ébranlerait les banques européennes, à peine remises de la crise financière de
2008. D’autant que certaines d’entre elles se sont fragilisées en se gavant de
titres publics. "Elles ont signé un pacte avec le diable , tempête Charles
Wyplosz. Les Etats les ont incitées à acheter leurs dettes en leur promettant
de les sauver en cas de crise". Un deal qui rend les banques plus
sensibles à une hausse des taux obligataires, qui diminuerait automatiquement
la valeur des emprunts d’Etat dans leurs bilans. "Cela dégraderait leurs
ratios de solvabilité et leurs cours de Bourse", prévoit Michel Aglietta.
Malgré cette épée de Damoclès, beaucoup restent pourtant
optimistes. La raison ? Ils croient en -Super Mario. Depuis sa sortie
tonitruante de l’été dernier – "l’euro est irréversible" –, qui avait
cassé la spéculation, Mario Draghi, le président de la Banque centrale
européenne (BCE), apparaît comme un rempart. "Je crois à l’engagement de
la BCE d’intervenir en cas de nouvelle crise financière", confie Laura
Tyson, professeur à Berkeley et ancienne conseillère de Bill Clinton. " La
BCE a créé un parapluie nucléaire avec son programme OMT, qui permet de
financer un pays en difficulté subissant une -attaque sur les marchés",
relève Carol Sirou, présidente de Standard & Poor’s France. Sauf que ce
parapluie nucléaire est troué : l’OMT ne concerne que les pays sous assistance
européenne, comme le Portugal ou l’Irlande. Si l’Espagne, l’Italie et la France
devaient être attaquées, la BCE n’aurait pas le droit de les secourir. Mais
pour les optimistes, Super Mario ne s’embarrasserait pas de ces règles
contraignantes en cas de krach…
Crainte d'une explosion de la bulle chinoise
A Aix, la Chine inquiète. Dans l’empire du Milieu, le shadow
banking, la distribution de crédits par les grandes entreprises – qui
empruntent aux banques et reprêtent aux PME –, a bondi (voir graphique).
"Cette explosion du crédit est préoccupante. Les autorités vont devoir la
juguler, ce qui va encore ralentir la croissance", s’inquiète Jean-Michel
Six. "Il n’y a pas pour autant de risque de crise financière, tempère
Michel Aglietta. L’Etat central dispose de réserves de change colossales, et il
peut y puiser pour recapitaliser les banques défaillantes".
N’empêche, la Chine, locomotive du commerce mondial, donc de
l’économie très ouverte qu’est l’Europe, est en pleine décélération. Certes,
son taux de croissance fait encore pâlir d’envie les Européens, prévu à 7,7 %
l’année prochaine, selon Natixis. Mais il marque un recul de presque 3 points
par rapport à 2010, l’équivalent d’une récession dans les pays
"matures". Un ralentissement qui concerne aussi d’autres économies
émergentes, comme l’Inde ou le Brésil, et suffisamment marqué pour pousser le
FMI à réviser à la baisse ses prévisions de croissance mondiale à 3,3 % en
2013.
Dans les débats aixois, où défilent beaucoup d’experts des
pays émergents, certains craignent un impact plus violent si les taux d’intérêt
repartaient durablement à la hausse aux Etats-Unis : cela pousserait les
investisseurs à quitter les pays du Sud vers les placements plus sûrs.
"Certains pays émergents, comme le Brésil ou la Turquie, sont très
dépendants des flux de capitaux, analyse l’économiste turc Kemal Dervis, un
ancien de la Banque mondiale. Ils pourraient subir un choc bien plus fort qu’en
Asie".
Ces risques peuvent paraître lointains. Mais quel que soit
le virus qui menace la planète financière, ceux qui sont en récession et mal
guéris seront les plus vulnérables. Et au sein de la zone euro, ils sont
quelques-uns.
(Avec Marie Charrel)
Crise finale du capitalisme ou 3e Guerre Mondiale ? Françaises, Français, réveillez-vous ! : http://bit.ly/10hQCJg
RépondreSupprimerCe que nous vivons, ce n’est pas une crise, c’est la plus grande escroquerie de l’histoire de l’humanité ! Il est plus que temps de nous réveiller et de foutre un bon « coup de pied au cul » aux banksters, aux multinationales et aux psychopathes qui dirigent le monde ! Ces fous veulent nous amener à une confrontation planétaire juste pour ne pas perdre le pouvoir. Nous le savons, les médias nous mentent aujourd’hui sur la guerre en Syrie, ils nous ont menti hier sur la guerre en Libye et non seulement ils nous mentent, mais ils nous manipulent par leur propagande incessante sur la rigueur budgétaire, la crise financière, etc. Réveillons-nous ! cette crise monétaire est virtuelle puisqu’elle est basée sur une monnaie créée ex-nihilo (à partir de rien) par les banksters qui contrôlent la Fed. […]