Le Monde.fr | 16.07.2013 à 11h28 • 16.07.2013 Par Nathalie
Brafman
Début juillet, le président de l'université Versailles
Saint-Quentin (UVSQ), Jean-Luc Vayssière, a reçu deux experts du ministère de
l'enseignement supérieur et de la recherche. L'objet de cette visite ? Sa
situation financière plus que délicate. En 2012, l'établissement a perdu
5,2 millions d'euros à cause d'investissements immobiliers trop lourds et
de l'augmentation de la masse salariale. "Aujourd'hui, nous sommes
incapables de faire un budget équilibré, sauf à mentir...", confie-t-il.
La situation de l'UVSQ n'est pas isolée. Selon des chiffres
que Le Monde s'est procurés, 16 universités sur 76 prévoient d'être
déficitaires en 2013. Elles étaient 15 un an auparavant. Plus grave, 9
établissements ont affiché un double déficit en 2011 et 2012 et trois sont en
perte depuis trois ans : Paris XIII (Villetaneuse), Paris-I (Panthéon-Sorbonne)
et Paris VI (UPMC-Université Pierre et Marie Curie).
Pour boucler leur budget, les universités, du moins celles
qui peuvent se le permettre, puisent dans leurs réserves. Résultat, 36 d'entre
elles ont fini 2012 avec un fonds de roulement inférieur au seuil prudentiel de
30 jours. Pour 2013, elles seront 50. "Nous avons 18 jours de
fonctionnement", confie Pascal Reghem, président de l'université du Havre.
La trésorerie est quasiment nulle à Paris-I.
Dans un contexte budgétaire tendu, les universités sont à la
diète forcée. La panoplie des économies est large : diminution des heures
complémentaires confiées à des vacataires, gels de postes, mutualisation de
cours en master, fermeture de certaines options... Les frais de missions et de
réception sont aussi sous surveillance.
Gel de postes
La masse salariale, premier poste de dépense, est touchée.
Les universités les plus fragilisées ont décidé de ne pas pourvoir un certain
nombre de postes pourtant inscrits dans leurs plafonds d'emplois. La totalité
des 1 000 emplois créés en 2013 par le ministère de l'enseignement
supérieur et de la recherche et destinés au premier cycle ne devrait pas être
pourvue.
Les universités utilisent néanmoins l'argent de ces postes
(57 200 euros chacun) pour faire face à d'autres dépenses. Paris-I a ainsi
rééchelonné 23 postes sur les 50 vacants en attendant des jours meilleurs.
Ce qui représente 1,5 million d'euros d'économie. Selon le Snesup,
principal syndicat de l'enseignement supérieur, plus de 300 postes
seraient déjà gelés.
Baisse des heures supplémentaires
Avec la loi sur l'autonomie, les universités ont eu
massivement recours aux contractuels pour assurer les travaux dirigés ou les
cours en premier cycle de licence. "Au total, cela représente
300 millions d'euros dans les budgets des universités", indique le
ministère de l'enseignement supérieur. Les universités sont donc appelées à
réduire le nombre de contractuels.
Même chose pour les heures supplémentaires. Dans certaines
universités, celles-ci bénéficient quasiment à tous les enseignants alors que
le ministère a fixé la norme à 20 % du corps enseignant d'un
établissement. L'inspection générale de l'administration de l'éducation
nationale avait même dénoncé il y a quelques années le fait que des
universitaires pouvaient dispenser des cours au titre des heures
complémentaires alors que leur service de base n'était pas effectué.
Mutualisation de cours et fermeture d'options
Pour préserver leurs offres de formations, les universités
n'ont souvent pas d'autres choix que de supprimer certaines options ou de mutualiser
des cours de masters. L'université de Bourgogne a ainsi gagné une trentaine
d'heures de cours en deuxième année de master d'informatique. Et une option sur
trois a été supprimée.
A Paris-I, certaines options ne devraient pas être
reconduites comme celle du droit allemand des affaires. Des cours magistraux en
droit et en économie-gestion devraient passer de 39 heures à
36 heures. Au Havre, en master de lettres, de géographie ou encore de
sociologie, il a été décidé de mutualiser les cours à hauteur d'au moins
40 %.
Augmenter le nombre d'étudiants en travaux dirigés Alors que
les étudiants sont censés bénéficier d'un encadrement resserré en TD, certaines
universités ont décidé d'augmenter le volume des groupes. "En
psychologie, les étudiants sont 50 alors qu'ils devraient être 30",
indique par exemple Jean-Paul Saint-André, président de l'université d'Angers.
Réduire l'offre de formations
C'est une hypothèse que souffle parfois le ministère de
l'enseignement supérieur. A l'université Versailles-Saint-Quentin, où
l'objectif est d'atteindre l'équilibre en 2016, un master professionnel en
chimie a été supprimé. "Nous faisons face à un déficit d'étudiants en
sciences. Or, en maths et en physique, nous avons des masters de
900 heures pour 10 étudiants, souligne Jean-Luc Vayssière, son
président. Aujourd'hui, c'est simple. Si un enseignant veut maintenir
coûte que coûte son master, je lui demande comment le financer."
A Angers, l'ouverture prévue en 2012 d'une dizaine de
formations, notamment en psychologie et en droit des affaires, a été repoussée.
Paris-I préfère réduire l'offre qu'elle propose afin de pouvoir recruter. "Certains
de nos masters proposent une quinzaine d'options avec quatre étudiants...",
justifie l'université.
Pas facile de faire passer la pilule pour les présidents. A
l'annonce d'un plan d'économie de 5 millions d'euros à Paris XIII,
personnels administratifs, enseignants et syndicats ont menacé de ne pas faire
la rentrée.
A Paris-I, le conseil d'administration du 9 juillet, qui
devait entériner les mesures d'économies, a été envahi par les étudiants de
l'Unef. Un autre est prévu mercredi 17 juillet.
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