ENTRETIEN avec Seraphim Seferiades, professeur de sociologie politique
à l’université Panteion, à Athènes, et membre à vie de la faculté de Cambridge,
au Royaume-Uni.
Comment analysez-vous le résultat de ces élections ?
Seraphim Seferiade. La chose la plus impressionnante, à mon sens,
c’est la lecture contradictoire qui est faite de ce résultat. Le porte-parole
de la Commission européenne, Margaritis Schinas, en félicitant le soir des
élections Syriza pour sa victoire, a aussi cru bon de déclarer que désormais «
le gouvernement grec a un mandat clair pour appliquer un plan de réformes très
ambitieux ». C’est une des idées principales véhiculées par le système médiatique
européen depuis dimanche soir : cette victoire représente l’acquiescement, la
validation de la part du peuple grec des nouvelles mesures d’austérité, de la
continuation de libéralisation du marché du travail et des privatisations
prévues par l’accord du 13 juillet. En arrière- plan, il y a l’idée du mauvais
élève récalcitrant qui désormais accepte le bon sens des mesures européennes.
C’est une narration très dangereuse.
C’est aussi la narration reprise par les médias grecs...
Seraphim Seferiade. Oui, et c’est très dangereux. Le soir même des
élections, des grands éditorialistes expliquaient sur les chaînes de télévision
que « désormais plus de 80 % des Grecs sont en faveur des mémorandums et de
leur application ». Cela au même moment où Syriza célèbre sa victoire en
présentant les choses de manière tout à fait différente : il proclame haut et
fort qu’il va continuer la lutte en appliquant tout ce qui est prévu par
ce plan d’une manière qui va protéger la société. C’est ainsi d’ailleurs
que s’est déroulée la campagne : Syriza a promis de continuer la résistance
face aux diktats européens autant que possible. Le peuple grec a en effet fait
confiance à Alexis Tsipras pour qu’il adoucisse les termes de l’accord du 13
juillet en renégociant certains aspects. Mais l’Europe ne lui laissera aucune
marge de manœuvre...
Comment expliquez-vous la très large victoire de Syriza et la
déroute d’Unité populaire ?
Seraphim Seferiade. Le facteur temps a été essentiel dans le score
des deux partis. Pour Syriza, le temps a été un avantage. Entre les
élections de janvier et celles de septembre, moins de 8 mois se sont écoulés.
Il est normal que le corps électoral ne connaisse pas de grande évolution dans
un délai aussi court, quoi qu’il arrive. Je crois que Tsipras et son équipe en
avaient conscience en allant vers les urnes. Pour Unité populaire, les
contraintes du temps ont été en revanche un problème. Ils ont eu moins d’un
mois pour créer un nouveau parti. De plus, l’équipe dirigeante a fait une série
d’erreurs. Des militants locaux, qui se sentaient proches du projet et qui ont
voulu créer des antennes locales, se sont vu imposer toute une série de
contraintes et de consignes venues de la tête du parti. Cela allait des
orateurs invités à s’exprimer dans les réunions locales jusqu’aux candidats à
investir par circonscription. Ces choses-là tuent toute dynamique... De plus,
même si le parti s’est dit ouvert aux alliances, de fait il a voulu dominer ses
alliés potentiels (1), qui au final ont choisi de ne pas s’allier a lui.
(1) Notamment Antarsya, groupuscule d’extrême gauche qui a récolté 0,85
% des suffrages. Unité populaire (2,65 %) et Antarsya réunis auraient pu en
théorie dépasser les 3 % et avoir une dizaine de députés.
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