PAR CHARLOTTE
ARCE | 22 Septembre 2015
Pour améliorer la productivité et le bien-être de ses habitants, la
ville de Göteborg, en Suède, a mis en place dans le secteur public depuis 2014
la journée de travail de 6 heures. Une révolution ?
Trente heures. C'est désormais le nombre d'heures hebdomadaires
qu'auront à travailler les fonctionnaires de Göteborg, à l'est de la Suède.
Déjà championne – tout
comme le Danemark – de l'équilibre
entre vie professionnelle et vie personnelle, la Suède n'est pas frileuse
en matière de décision radicale pour améliorer le quotidien de ses
travailleurs.
Alors qu'en France, droite et gauche s'écharpent sur la viabilité
des 35 heures, la ville de Göteborg ne s'est pas posée la question : pour augmenter
la productivité de ses fonctionnaires et garantir leur bien-être,
mais aussi pour limiter les coûts, elle a mis en place en 2014 la
journée de six heures dans le secteur public et ce, sans baisse de
salaire.
Moins de stress, plus de temps libre
Et pour le moment, l'expérience s'avère plutôt concluante. Interrogées
par le Guardian , des infirmières passées à la semaine de 30
heures en février dernier sont très enthousiastes. "J'avais l'habitude
d'être épuisée tout le temps, quand je rentrais du travail je m'écroulais sur
le canapé, raconte Lise-Lotte Pettersson, qui travaille à la maison de soins de
Svartedalens, à Göteborg. Mais plus maintenant. Je suis beaucoup plus alerte : j'ai
gagné en énergie dans mon travail, mais aussi pour ma vie de famille."
Même constat à l'hôpital universitaire de Sahlgrenska, où chirurgiens
orthopédiques font désormais des journées de six heures pour leur bien-être...
et celui de leurs patients, la qualité des soins étant bien meilleure depuis
que les travailleurs travaillent trente heures par semaine. "Depuis les
années 1990, nous avons davantage de travail et moins de personnel - nous ne
pouvons pas faire plus, explique Ann-Charlotte Dahlbom Larsson, chef de soins
aux personnes âgées à la maison de soins de Svartedalens. Il y a beaucoup de
maladies et la dépression au sein du personnel dans le secteur des soins sont
causés par l'épuisement. Le manque d'équilibre entre le travail et la vie
personnelle n'est bon pour personne."
Les effets positifs sont tels que le secteur privé s'est aussi mis à la journée de six heures.
Non seulement bénéfique pour la santé, la journée de six heures a
aussi permis de créer des emplois : à Svartedalens, 14 personnes
supplémentaires ont été embauchées pour pallier aux journées de travail plus
courtes. Les effets positifs sont tels que le secteur privé s'est aussi mis à
la journée de six heures. Dans l'usine Toyota de Göteborg, cela fait treize ans
que les salariés – mécaniciens et employés de bureau – l'expérimentent. Et ce,
pour leur plus grande satisfaction. "C'est merveilleux de terminer sa
journée à midi, commente Sandra Andersson, 25 ans, qui a rejoint Toyota en
2008. Avant d'avoir une famille, je pouvais aller à la plage après le travail.
Maintenant, je peux passer l'après-midi avec mon bébé."
Un modèle difficilement exportable ?
Les habitants de Göteborg ont-ils, en réduisant leur temps de travail
hebdomadaire, trouvé la solution pour rester en meilleure santé et être plus
productif au travail ? C'est ce qu'avance Roland Paulsen, chercheur en
administration des affaires à l'Université de Lund. Interrogé par le Guardian,
il explique que réduire les heures de travail va de pair avec une
augmentation progressive de la productivité des travailleurs ces quarante
dernières années. "Pendant longtemps, les politiciens ont été en
compétition pour nous dire que nous devions créer davantage d'emplois avec de
plus longues heures. Le travail était devenu une fin en soi. Mais la
productivité des salariés a doublé depuis les années 1970 donc, techniquement,
nous avons le même potentiel que pour une journée où nous
travaillerions quatre heures. Reste désormais à savoir comment ces gains de
productivité vont être distribués."
À l'heure où le "modèle scandinave" est érigé en exemple par
nos politiques, ces derniers s'inspireront-ils prochainement de Göteborg ? Cela
semble – du moins pour le moment - compromis. Quand Christiane Taubira
affirmait en juin dernier, en plein débat sur la loi Macron, qu'elle rêvait "d'un monde où l'on pourrait travailler 32 heures
par semaines", le Premier ministre Manuel Valls, lui, a préféré se
montrer "pragmatique" et en érigeant le travail comme
"valeur".
Selon les chiffres d'Eurostat et de l'OCDE , les
Français salariés à temps plein travaillent en moyenne 40,7 heures par semaine,
soit moins que la moyenne européenne, située à 41,5 heures. Elle est en
revanche championne de la productivité devant l'Allemagne et le Royaume-Uni
(mais derrière le Luxembourg, l'Irlande et la Belgique) avec un taux de 125,5.
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