Two Pack, Six Pack, semestre européen
Alors que la France va négocier avec la Commission européenne un nouveau délai, voici un tour d'horizon des procédures qui régissent désormais la politique budgétaire des Etats membres de l'UE.
Pour comprendre la difficulté dans laquelle se situe le
nouveau gouvernement français actuellement face à la Commission européenne, il
faut avant tout saisir la réalité et le sens de la nouvelle architecture
institutionnelle européenne mise en place pendant la crise. Cette architecture
a cinq volets qui s'entrecroisent, ce qui rend sa visibilité parfois complexe.
Voici un tour d'horizon.
Le premier volet est le plus connu. C'est le pacte de
stabilité et de croissance adopté avec le Traité de Maastricht en 1993. Il
impose aux pays de la zone euro et aux autres pays de l'UE qui ont -
rappelons-le - tous (à l'exception du Danemark et du Royaume-Uni) vocation à
entrer dans la zone euro, des critères de convergence comme la limite du
déficit public fixée à 3 % du PIB et celle de la dette publique brute à 60 % de
la richesse nationale. Ce pacte prévoit également la possibilité de
recommandations et de sanctions pour les pays qui sont hors des clous.
Néanmoins, le pacte de stabilité et de croissance n'a guère été respecté au
cours des dix premières années d'existence de la monnaie unique. Après les
crises en Grèce, Irlande et Portugal, les dirigeants européens ont décidé de
durcir son application.
Le semestre européen
Pour cela, un calendrier d'intégration des budgets européens
au niveau européen a été mis en place en 2011. C'est le semestre européen.
Concrètement, il s'agit de faire dialoguer la Commission, chargée du respect du
pacte de stabilité et de croissance, et les Etats membres tout au long de leur
processus d'élaboration budgétaire. Les prévisions économiques sont ainsi
produites trois fois par an par la Commission qui, en janvier, une
« Examen annuel de croissance » (EAC) pour les Etats membres. Cet EAC
souligne les réformes et les efforts à effectuer. Il débouche sur
l'établissement de priorités par le conseil européen, priorités qui sont
ensuite transmises, en mars, aux Etats.
En avril, ces derniers doivent élaborer à partir de ces
priorités, un « programme de stabilité » qui est ensuite transmis à
la Commission. Laquelle, transmet en juin des recommandations pour chaque pays
au conseil européen qui les adopte en juillet. Dès lors, les Etats doivent
intégrer ces recommandations dans leurs projets budgétaires pour l'année
suivante.
Le Six Pack
Pour renforcer l'application de ce semestre européen, la
Commission a acquis de nouvelles armes avec deux « paquets
législatifs » européens, appelés « six pack » et « two
pack », adoptés en 2012 et 2013, qui, en s'insérant dans le semestre
européen, le rende plus contraignant. Le Six Pack,
accorde à la Commission la possibilité de demander des corrections aux projets
des Etats membres. Dans ce cas, ces derniers doivent amender leurs projets et
publier un « plan d'action correctif. » Il accorde également à la
Commission la possibilité de limiter la croissance des dépenses publiques
des Etats pour éviter tout dérapage.
Mais l'essentiel du « Six Pack » tient dans
l'aspect répressif. Désormais, la Commission peut lancer, après deux rappels,
une procédure dite « d'application rigoureuse » contre un Etat. Dans
ce cas, l'Etat doit verser une garantie portant intérêt qui peut aller jusqu'à
0,1 % du PIB. Si la Commission décide d'affliger une sanction à l'Etat
concerné, alors ce dépôt est intégré à l'amende et n'est pas remboursé. Mais la
grande nouveauté du Six-Pack, c'est que désormais, le Conseil européen doit
suivre la décision de la Commission pour les sanctions, sauf à lui opposer une
« majorité qualifiée inversée. » Or, cette majorité est très
difficile à obtenir puisqu'elle suppose de réunir pas loin des quatre
cinquièmes des voix pondérées. Autrement dit, un accord franco-allemand, comme
en 2003 pour éviter les sanctions n'est plus possible.
Le Two Pack
Au Six Pack s'ajoute le Two Pack.
Ce paquet législatif complète le semestre européen en exigeant des Etats
membres qu'ils adoptent leur projet de budget de l'année suivante avant le 15
octobre. La Commission examine alors le projet et émet un avis avant le 30
novembre. Bruxelles peut alors demander des modifications à ce projet. Par
ailleurs, le two pack oblige les Etats à se fonder sur des prévisions de
croissance indépendantes et à soumettre son budget à un organisme indépendant
de contrôle budgétaire (en France, le Haut Conseil des Finances publiques).
En cas de procédure de dépassement excessif, la Commission
doit être constamment informés des mesures prises par l'Etat pour réduire son
déficit. Elle peut, à tout moment, envoyer de nouvelles recommandations à
l'Etat concerné. C'est un renforcement des mesures correctives prévues au Six
Pack.
Le pacte budgétaire
Dernière pierre à l'édifice : le pacte
budgétaire inclus dans le Traité sur la stabilité, la gouvernance et la
coopération (TSCG). Ce pacte prévoit que les Etats de l'UE doivent
disposer de budgets équilibrés. L'équilibre budgétaire signifie que le déficit
structurel - nettoyé donc des effets de la conjoncture économique - ne doit pas
dépasser 0,5 % du PIB. Cette « règle d'or » européenne devra devenir
réalité en 2018. En cas de non respect de cette règle, la Commission pourra
sanctionner le pays concerné à hauteur de 0,1 % du PIB. Là aussi, seule une
« majorité qualifiée inversée » pourra bloquer une telle décision.
Mais même alors, un Etat membre pourra porter l'affaire devant la Cour de
Justice de l'UE qui pourra, en cas de manquement au traité, infliger la même
sanction.
Limiter l'autonomie budgétaire des Etats
L'esprit de ces réformes est clair : il s'agit de
limiter le plus possible l'autonomie budgétaire des Etats. Certes, en théorie,
nul ne peut contraindre directement un parlement à voter un budget qui accroit
son déficit et ne respecte pas les recommandations de la Commission ou le pacte
budgétaire. Mais désormais, un tel comportement est un revers infligé à la
volonté du conseil européen, donc à la solidarité européenne. Et à ce titre,
elle se paie directement par des sanctions quasi-automatiques. Les Etats sont
donc contraints désormais de négocier avec Bruxelles et de suivre ses
recommandations. La marge de manœuvre des Etats membres est très réduite.
Le budget avant tout
Deuxième élément : cette architecture est centrée sur
la question du déficit. Même si les Etats membres doivent également publier des
objectifs macro-économiques plus vastes, c'est sur la question de la
consolidation budgétaire au niveau national qu'est centrée l'action de
l'Europe. Chaque Etat doit « faire ses devoirs », comme on dit en
Allemagne et ne dispose pas d'éléments de solidarité ou d'aides à la croissance
pour y parvenir. La solidarité n'intervient que de façon conditionnelle en cas
de crise grave, notamment d'absence d'accès aux marchés pour se financer par le
Mécanisme européen de Stabilité (MES), qui, par son traité fondateur, doit
imposer, en retour, des « plans d'ajustement. » Le sentiment qui
ressort de cette nouvelle architecture, c'est bien que l'UE demeure dans une
vision très unilatérale des problèmes économiques.
Très bonne synthèse montrant combien les marges de manœuvre des gouvernements sont très réduites par les traités européens ; traités marqués par le sceau de la théologie libérale, que même le FMI a fini par dénoncer.
RépondreSupprimerC'est pourquoi il est vital que le parlement européen bascule, enfin, à gauche le 25 mai prochain : des élections dont l'enjeu dépasse largement le feuilleton médiatico politique franco français.
« Les Allemands connaissent le contenu des réformes avant les députés français »
RépondreSupprimerhttp://www.latribune.fr/actualites/economie/20140407trib000824036/l-allemagne-comprehensive-a-l-egard-de-la-france-sur-ses-deficits.html
« Les paroles bienveillantes de Wolfgang Schäuble ne doivent pas tromper : Berlin a, en réalité, gagné sur toute la ligne. Depuis la conférence de presse du 14 janvier dernier, François Hollande a adopté une ligne ouvertement « allemande » à sa politique économique : réformes structurelles, baisse des dépenses, politique de l'offre. Le nouveau gouvernement Valls s'inscrit dans cette voie et le fait que Michel Sapin se soit rendu à Berlin lundi pour présenter à son homologue allemand son plan d'économie avant même de le soumettre à la représentation nationale est significatif (et, soit dit en passant, absolument impensable en Allemagne où la cours constitutionnelle a demandé en juin 2012 que le Bundestag soit « impliqué réellement » dans la conduite de la politique européenne du pays). Wolfgang Schäuble ne pouvait espérer un acte d'allégeance aussi fort à la vision européenne de son gouvernement. »
RépondreSupprimerhttp://www.latribune.fr/actualites/economie/union-europeenne/20140408trib000824210/pourquoi-l-allemagne-devient-soudain-si-accommodante.html