LA DÉPPÊCHE.FR Publié le 14/04/2013
Après la bombe Cahuzac et la menace qui pèse sur les détenteurs de comptes dans les paradis fiscaux - 2,5 millions de fichiers actuellement épluchés par les grands journaux de la planète (OffshoreLeaks) -, les ministres des Finances de l'Union européenne (UE) auraient eu du mal hier à éviter le sujet du moment qui fâche. Malgré de fortes résistances de certains pays membres de l'UE, les Européens ont décidé de s'attaquer au lourd dossier de l'évasion fiscale. Il s'impose de lui-même. Alors que de nombreux Européens du Sud payent le prix fort des mesures d'austérité (Grèce, Portugal, Espagne, Italie, Chypre…), un semblant de prise de conscience semble se faire jour. Surtout, il faut retenir un chiffre : l'évasion fiscale prive les Européens de 1 000 milliards d'euros par an. De quoi largement régler la question des déficits, tambourinent certains.
C'est le président du Conseil européen
Herman Van Rompuy qui a donné le «la» de cette lutte contre l'exil fiscal. Son
constat est accablant. « Nous devons profiter d'un terrain politique de plus en
plus favorable pour nous saisir de ce problème majeur », affirme-t-il. « L'évasion
fiscale est une injustice pour les citoyens qui travaillent dur et paient leur
part d'impôts pour contribuer au fonctionnement de la société. C'est une
injustice pour les entreprises qui paient leurs impôts mais ont du mal à être
compétitives parce que d'autres ne le font pas.» M. Van Rompuy a annoncé que
l'évasion fiscale figurerait au menu du prochain sommet européen du 22 mai :
«Il faut saisir l'élan politique actuel pour traiter ce problème crucial».
«Crucial», il l'est en effet.
La levée
du secret bancaire
Suite aux révélations sur des détenteurs
de comptes dans des paradis fiscaux du OffshoreLeaks (un conglomérat de
journalistes du monde entier en possession de 2,5 millions de documents), la
France, l'Allemagne, la Grande-Bretagne, l'Espagne et l'Italie ont écrit cette
semaine à la Commission européenne pour réclamer une nouvelle législation sur
le modèle du Fatca américain. La Pologne a rejoint l'initiative vendredi. Le
Facta (Foreign Account Tax Compliance Act) permet d'obtenir toutes les
informations sur tous les comptes bancaires, les placements et les revenus à
l'étranger de tous les contribuables américains, va plus loin que les règles
actuelles de l'UE. Menacées de se voir retirer leur licence sur le sol américain,
les banques suisses avaient levé partiellement le secret bancaire auprès de
l'administration Obama.
En France, le ministre français des
Finances, Pierre Moscovici, estime «qu'il y a un vent qui souffle dans l'UE
pour lever les opacités, les obstacles que peut receler le secret bancaire».
Les six grands pays espèrent rallier à
leur cause le reste des 27 pays de l'UE. Le ministre allemand, Wolfgang
Schäuble, s'est dit «très heureux de cette initiative commune». «C'est un
projet ouvert, à la fois en termes de contenu et de pays», a ajouté le ministre
espagnol Luis De Guindos, tandis que leur collègue italien Vittorio Grilli a
dit espérer «créer une dynamique en Europe».
L'Europe, où un changement est déjà
perceptible : sous pression, le Luxembourg vient d'accepter de lever
partiellement le secret bancaire en se ralliant à l'échange automatique de
données bancaires pour les particuliers à partir de 2015, notamment sur les
revenus de l'épargne. ça coince toujours en Autriche qui estime que le gros de
l'évasion fiscale et du blanchiment d'argent se trouve surtout dans les îles
britanniques.
Croisade antifraude
En France, l'évasion fiscale est
considérable, si l'on en croit les récentes révélations du député du Cher Yann
Galut dans le magazine Marianne. «L'enjeu financier est considérable, estime
l'élu socialiste. L'évasion fiscale représente aujourd'hui entre 40 et 80
milliards d'euros par an en France. Les avoirs de Français dans les paradis
fiscaux s'élèvent à un minimum de 200 milliards d'euros. Si on les taxait à
hauteur de 30 %, on récupérerait 60 milliards d'euros, soit les deux tiers du
déficit budgétaire de l'État en 2012.»
Mais que représente l'évasion fiscale
dans le monde ? Selon le FMI, les fonds concernés se monteraient à 5 500
milliards d'euros, soit près de trois fois le PIB de la France. 50 % des
transactions mondiales transiteraient par des paradis fiscaux, qui compteraient
4 000 banques et 2 millions de sociétés écrans.
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