La conférence sociale doit discuter de la mise en œuvre d’un compte personnel d’activité (CPA) prévue au 1er janvier 2017, présenté comme un outil de sécurisation des parcours professionnels. La présentation habituelle de la logique de la sécurisation des parcours consiste à dire que dans un contexte marqué par une discontinuité grandissante des parcours, les droits ne doivent plus être attachés au poste de travail, mais à la personne. Comme nous l’avons développé dans une note pour France Stratégie, nous partageons l’objectif mais contestons l’effectivité de l’attachement à la personne dans les scenarii proposés.
Cette logique contributive reproduit nécessairement les inégalités face à l’emploi
Le support des droits des personnes n’est certes plus le poste de travail mais il reste le parcours sur le marché du travail. Si la nuance est de taille, les droits sociaux demeurent dans les deux cas dépendants de la situation présente ou passée des personnes par rapport à l’emploi. En somme, le support des droits n’est plus un emploi, mais des emplois, ce qui est loin de modifier en profondeur les implications sur la nature des droits sociaux. Prenons le cas du futur compte personnel d’activité (CPA). Il doit permettre de rassembler en un seul compte un certain nombre de comptes sociaux existants (compte personnel deformation, compte pénibilité, droits rechargeables à l’assurance-chômage, etc.).
Si cela permet effectivement de faciliter les transitions professionnelles en faisant du parcours d’emplois plutôt que d’un poste le support des droits, le CPA continue de lier les droits des personnes à leurs emplois passés ou présents. De ce point de vue, le modèle du compte par points des droits sociaux n’est pas neutre. Cette logique contributive reproduit nécessairement les inégalités face à l’emploi, à tel point que ses promoteurs en viennent à imaginer des systèmes de discrimination positive pour que ceux qui ont le plus besoin de sécurisation n’en soient pas exclus.
Ne pas prêter qu’aux riches
S’il ne fallait que corriger cette logique selon laquelle « on ne prête qu’aux riches », on pourrait peut- être se contenter de correctifs. Mais la dépendance des droits au passage par l’emploi, et donc à la subordination aux employeurs et à leurs relais, parait aussi en deçà des objectifs affichés de liberté des travailleurs à construire leurs parcours de vie et a fortiori de reconnaissance des temps hors-emploi que le CPA serait censé permettre (bénévolat, temps familiaux, congé sabbatique, etc.).
Le support des droits des personnes n’est certes plus le poste de travail mais il reste le parcours sur le marché du travail. Si la nuance est de taille, les droits sociaux demeurent dans les deux cas dépendants de la situation présente ou passée des personnes par rapport à l’emploi. En somme, le support des droits n’est plus un emploi, mais des emplois, ce qui est loin de modifier en profondeur les implications sur la nature des droits sociaux. Prenons le cas du futur compte personnel d’activité (CPA). Il doit permettre de rassembler en un seul compte un certain nombre de comptes sociaux existants (compte personnel deformation, compte pénibilité, droits rechargeables à l’assurance-chômage, etc.).
Si cela permet effectivement de faciliter les transitions professionnelles en faisant du parcours d’emplois plutôt que d’un poste le support des droits, le CPA continue de lier les droits des personnes à leurs emplois passés ou présents. De ce point de vue, le modèle du compte par points des droits sociaux n’est pas neutre. Cette logique contributive reproduit nécessairement les inégalités face à l’emploi, à tel point que ses promoteurs en viennent à imaginer des systèmes de discrimination positive pour que ceux qui ont le plus besoin de sécurisation n’en soient pas exclus.
Ne pas prêter qu’aux riches
S’il ne fallait que corriger cette logique selon laquelle « on ne prête qu’aux riches », on pourrait peut- être se contenter de correctifs. Mais la dépendance des droits au passage par l’emploi, et donc à la subordination aux employeurs et à leurs relais, parait aussi en deçà des objectifs affichés de liberté des travailleurs à construire leurs parcours de vie et a fortiori de reconnaissance des temps hors-emploi que le CPA serait censé permettre (bénévolat, temps familiaux, congé sabbatique, etc.).
Nous plaidons au contraire pour une véritable attribution des droits à la personne
Tant que l’ouverture des droits sera conçue sur le modèle de l’épargne, l’emploi restera l’origine mais aussi l’objectif du droit. Et ce dernier restera soumis à la subordination aux employeurs, relayés par les intermédiaires du marché du travail et les représentants patronaux dans les instances de gestion des dispositifs de sécurisation des parcours professionnels. Dans ce cadre, difficile d’imaginer que les usages du CPA autres que ceux visant à répondre aux besoins des employeurs (amélioration de l’employabilité par la formation, reconversion, etc.) puissent être mobilisés sans conséquence sur les carrières des personnes.
Il n’est qu’à voir les effets des congés parentaux ou même simplement du congé maternité sur les carrières professionnelles et la rémunération des personnes pour savoir qu’il ne suffit pas de créer de nouveaux droits pour qu’ils soient effectifs et pleinement émancipateurs. Il ne s’agit pas pour nous de défendre un retour de l’attachement des droits au poste de travail. Nous plaidons au contraire pour une véritable attribution des droits à la personne, qui soit fonction de sa situation et non d’un capital de droits constitué par ses passages par l’emploi.
Tant que l’ouverture des droits sera conçue sur le modèle de l’épargne, l’emploi restera l’origine mais aussi l’objectif du droit. Et ce dernier restera soumis à la subordination aux employeurs, relayés par les intermédiaires du marché du travail et les représentants patronaux dans les instances de gestion des dispositifs de sécurisation des parcours professionnels. Dans ce cadre, difficile d’imaginer que les usages du CPA autres que ceux visant à répondre aux besoins des employeurs (amélioration de l’employabilité par la formation, reconversion, etc.) puissent être mobilisés sans conséquence sur les carrières des personnes.
Il n’est qu’à voir les effets des congés parentaux ou même simplement du congé maternité sur les carrières professionnelles et la rémunération des personnes pour savoir qu’il ne suffit pas de créer de nouveaux droits pour qu’ils soient effectifs et pleinement émancipateurs. Il ne s’agit pas pour nous de défendre un retour de l’attachement des droits au poste de travail. Nous plaidons au contraire pour une véritable attribution des droits à la personne, qui soit fonction de sa situation et non d’un capital de droits constitué par ses passages par l’emploi.
La condition pour offrir un droit à la carrière véritablement attaché à la personne c’est, à l’inverse du CPA
Nous pouvons pour cela nous appuyer sur l’expérience de la Sécurité sociale dont nous fêtons le 70e anniversaire. Ce que fait la « Sécu » en 1945 c’est précisément attribuer des droits sociaux à la personne déconnectés de l’emploi, ce que les réformes remettent en cause en liant toujours plus cotisations passées et niveau de prestation. À rebours de cette logique contributive, c’est la situation des personnes (âge, maladie, enfants, etc.) qui dans la « Sécu », ouvre droit à un salaire de remplacement, à une prestation forfaitaire ou un remboursement.
Tirons une leçon de cette histoire et étendons ses réussites : la condition pour offrir un droit à la carrière véritablement attaché à la personne c’est, à l’inverse du CPA, de déconnecter les droits sociaux de l’emploi. La version la plus aboutie d’un tel projet serait l’attribution d’un salaire à vie comme un droit civique. Mais il est possible d’imaginer des modalités intermédiaires : attribution d’un nombre de jours de formation par an sur le modèle des congés payés ; bilan sur les besoins en formation avec un tiers indépendant (dans le cadre d’un service public de l’emploi renouvelé dans ses missions) ; salaire étudiant pendant la durée des études en remplacement des aides et bourses existantes, etc. - qui au lieu de nous soumettre aux exigences des employeurs, permettraient de nous en émanciper.
Nous pouvons pour cela nous appuyer sur l’expérience de la Sécurité sociale dont nous fêtons le 70e anniversaire. Ce que fait la « Sécu » en 1945 c’est précisément attribuer des droits sociaux à la personne déconnectés de l’emploi, ce que les réformes remettent en cause en liant toujours plus cotisations passées et niveau de prestation. À rebours de cette logique contributive, c’est la situation des personnes (âge, maladie, enfants, etc.) qui dans la « Sécu », ouvre droit à un salaire de remplacement, à une prestation forfaitaire ou un remboursement.
Tirons une leçon de cette histoire et étendons ses réussites : la condition pour offrir un droit à la carrière véritablement attaché à la personne c’est, à l’inverse du CPA, de déconnecter les droits sociaux de l’emploi. La version la plus aboutie d’un tel projet serait l’attribution d’un salaire à vie comme un droit civique. Mais il est possible d’imaginer des modalités intermédiaires : attribution d’un nombre de jours de formation par an sur le modèle des congés payés ; bilan sur les besoins en formation avec un tiers indépendant (dans le cadre d’un service public de l’emploi renouvelé dans ses missions) ; salaire étudiant pendant la durée des études en remplacement des aides et bourses existantes, etc. - qui au lieu de nous soumettre aux exigences des employeurs, permettraient de nous en émanciper.
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