Par Frédéric Lutaud
Avec le conflit d’Air France nous
touchons aux racines de crise sociale. La crise financière est reléguée au
second plan, l’immigration a disparu des débats tel un écran de fumée dissipé par l’orage et la religion est renvoyée à ses limbes ésotériques d’opium du
peuple. Il ne reste que la réalité crue des rapports sociaux, mise à nu par la
violence des conditions d’exploitation capitaliste, un affrontement séculaire
entre salariés et patrons, autrement dit, la lutte de classe.
D’un côté, 2.900 salariés
licenciés (5000 suppressions d’emplois supplémentaires après 2017 d’après le Canard
Enchainé) tandis que le chômage fait rage et tue en
France 14.000 personnes par ans [1], mais
détruit aussi des familles, des couples, des vies... Une étude précise littéralement
que « tuer des emplois signifie tuer
des gens, au sens figuré comme au sens propre ».
De l’autre côté, un
patron émargeant à 645 000 € par an (6° patron le plus augmenté en 2014)
et qui se répand en sarcasmes (dans une vidéo sur le web) sur "l’irréversibilité" des acquis
sociaux, sur l’âge légal du travail des enfants et souligne au passage que les grévistes,
dans d’autres, pays finissent en prison. Comme le déclarait le fondateur de la
Sécurité sociale, Ambroise Croizat, « ne
parlez pas d’acquis sociaux mais de conquis sociaux, car le patronat ne désarme
jamais ».
La radicalisation des conflits sociaux
dévoile aussi la vraie nature du pouvoir politique. Exactement comme durant la
crise grecque où est apparu le vrai visage des institutions européennes
(inflexibles, anti-démocratiques et asservies à la finance), nous découvrons,
sans fard, le vrai visage du gouvernement qui dirige la France depuis trois ans.
Elu
sur un programme de gauche, Hollande n’a cessé de trahir ses électeurs et sa
famille politique au nom de l’efficacité économique et de la
responsabilité budgétaire. Mais cette fois, une nouvelle étape est franchie. En
qualifiant, sans aucune compassion, «d’inacceptables» les violences contre des membres de la direction
d’Air France, n'envisageant que les «conséquences sur l’image, sur
l’attractivité» de la France, Hollande se déclare ouvertement l’ennemi des
luttes sociales. Son premier ministre Manuel Valls, qui n’a recueilli que
5 % des voix aux primaires socialistes – rappelons sans cesse ce déni de
légitimité – a lui qualifié les grévistes de « voyous » exigeant des
sanctions qui débouchent aujourd’hui sur de la répression policière avec
interpellation au petit matin et garde à vue prolongée. Stéphane Le Foll ose
prétendre par la suite que « le gouvernement n'est en rien concerné par la
procédure qui a été suivie », et, dit-il,« nous ne donnons plus
d'instruction ni nous ne faisons d'injonctions » alors que Valls a appelé
à que soient « lourdement sanctionnés les grévistes ». Il est allé jusqu’à déplorer notre climat social auprès d’investisseurs saoudiens à Ryad, dans un pays qui bafoue ouvertement les droits de l’homme. Sarkozy n’aurait pas fait mieux, seulement, celui-ci ayant toujours milité du côté des puissants, cela aurait été dans l’ordre des choses.
Avec le conflit d’Air France, François
Hollande et Manuel Valls ont définitivement déserté le camp de la classe
ouvrière pour rejoindre celui des patrons. Nous sommes clairement face à la
trahison des élites du PS, qui conduisent les affaires du pays en piétinant leur
héritage politique. Hollande, Valls, Macron, Rebsamen, Sapin… sans oublier
Cambadélis, le garde chiourme de Solférino qui souhaite imposer « l’union
de la gauche et des écologistes » aux forceps afin d’endiguer sa déroute
électorale, bref, ils ont tous franchi la ligne rouge depuis longtemps, mais certaines
décisions font basculer dans l’abjection, impriment pour toujours, dans
l’histoire, la marque de l’infamie. Après Tony Blair en Angleterre et Gerhard Schröder
en Allemagne, nous assistons à une nouvelle offensive contre les salariés d’un
pays riche orchestrée par ceux-là même qui sont censés les défendre. La gauche française
doit faire le ménage dans ses rangs au plus vite. Les militants sincères du Parti
socialiste doivent réagir avant qu’il ne soit trop tard. Les masques sont tombés.
[1] Unenmployment is associated with high
cardiovascular event rate and increased all-cause mortality inmiddle-aged
socially privileged individuals, Pierre Meneton, Serge Hercberg, Joël
Ménard, Int Arch Occup Environ Health, janvier 2014.
Eh oui, les masques tombent...pour moi il y a des mois qu'ils sont tombés : dès la nomination de Valls ! Comment ne pas avoir compris que l'orientation du pouvoir s'inclinait devant les forces financières et celles du medef. Souvenons-nous aussi des terribles affaires qui ont précédé : Cahusac et autres. Je suis abasourdi par cette fameuse "promotion" Voltaire de l'ENA. De droite comme de gauche ils sont formatés : ce sont des calculateurs froids, technocrates jusqu'au bout des ongles. Complétement euro-béats et par la même sans aucunes facultés de réaction face à la doxa libérale imposée par les "autorités" supérieures du capitalisme mondial. Soyons certains que cela ne pourra durer! les peuples ne pourrons continuer ds un tel type de société essentiellement basée sur la "croissance et la consommation" En fait nous touchons presque à la fin de ce cycle. La preuve, les gouvernants ont peur! C'est pour cela qu'ils vont faire usage de tous les stratagèmes pour dénigrer et réprimer les mouvements de protestation et de revendication. Sans parler des médias à la botte (toujours) qui inondent continuellement les ondes radio et TV de commentaires orientés "ces mouvements populaires brutaux..." L'ordre doit régner ! Et bien nous verrons bien
RépondreSupprimerEn plus de la totale indécence de ces comportements de nos dirigeants, qui ne sont pas plus de gauche que le parti dit "des républicains" n'est respectueux des valeurs républicaines, on assiste à des attitudes parfaitement déloyales envers la Nation France elle-même.
RépondreSupprimerEn effet, comment accepter que ces représentants de l'Etat aillent dénigrer nos affaires intérieures auprès d'Etats étrangers ?! Ce la s'appelle de la haute trahison ! Tout comme quand un représentant de l'Etat critique en Europe notre système social, alors qu'il est censé en être le défenseur...
C'est l'absence de tout repère social et de toute cohérence éthique de ces gens-là.
Lonewolf
Depuis plusieurs années certains conseillers du PS expliquaient que l'on ne pouvait plus compter sur le monde ouvrier pour gagner les élections, il fallait le lâcher pour trouver une base électorale tournée vers les couches supérieures et bien pensantes du salariat. C'est aujourd'hui clairement assumé. Aujourd'hui, on cueille chez eux, à l'heure du laitier, sur les recommandations des Hollande, Vals, Macron, des travailleurs qui ont osé poser de justes revendications. Ces responsables politiques n'ont-ils pas eux aussi qu'un seul souci "garder leur emploi" . Un politique n'est pas élu pour se servir, mais pour servir...
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