PAR MARTINE ORANGE | 13 OCTOBRE 2015
« La part des grandes fortunes atteint un niveau jamais vu depuis
presque un siècle », note le nouveau rapport de Credit Suisse sur la
richesse dans le monde.
Lundi 12 octobre, l’économiste Angus Deaton se voyait décerner le prix
de la banque de Suède en sciences économiques pour ses travaux sur la
consommation. Son dernier ouvrage – La Grande Évasion : santé,
richesse et les origines de l’inégalité – insiste notamment sur les inégalités
qui se creusent dans le monde. Mardi, le nouveau rapport sur la richesse dans le monde, réalisé par Credit
Suisse, vient rappeler combien le sujet est brûlant.
D’une année sur l’autre, rien ne change. Ou plutôt, le creusement des
inégalités auquel nous assistons depuis plus de vingt ans ne cesse de
s’amplifier. Désormais, 1 % des habitants les plus riches dans le monde
concentrent entre leurs mains 50 % de la richesse mondiale, estimée à 250
000 milliards de dollars. Ils ne possédaient que 48 % de la richesse
mondiale, au début du siècle.
À l’extrême pointe de la pyramide, ils sont 120 000 possédant une fortune
de plus de 50 millions de dollars. Les millionnaires, situés en dessous de ce
seuil de 50 millions, constituent 0,7 % de la population mondiale. Ils
possèdent ensemble 45,2 % de la richesse mondiale. « Le
mouvement s’est renversé depuis 2008 et cette nouvelle hausse amène la part des
plus grandes fortunes à un niveau jamais observé depuis 2000 et possiblement
jamais vu depuis presque un siècle », écrit Crédit Suisse.
Les États-Unis restent le pays marqué par la plus forte concentration
de richesses. À eux seuls, ils totalisent 37 % de la richesse mondiale.
Mais les grandes fortunes chinoises, portées par la bulle financière et
boursière, ont aussi beaucoup profité l’an dernier. Ils représentaient 8 %
des millionnaires mondiaux, avant éclatement de la bulle.
Ailleurs, compte tenu des variations monétaires (hausse du dollar par
rapport à nombre d’autres devises) et des chahuts économiques, les effets sont
plus contrastés. L’Europe, en raison de la chute de l’euro, a vu s’effacer
ainsi 10 000 milliards de dollars de richesses, l’Asie-Pacifique, quelque 5 000
milliards.
Ces changements soulignent combien les grandes fortunes sont
essentiellement liées à la finance. Les actifs financiers (actions,
obligations, fonds…) représentent entre 75 % et 87 % des avoirs des
10 % les plus riches. Après avoir enregistré un recul de leurs richesses
au moment de la crise de 2008, les millionnaires voient leur fortune exploser
depuis. Lors de sa dernière intervention, la présidente de la FED, Janet
Yellen, s’est défendue de participer au creusement des inégalités par le biais
de sa politique monétaire de taux zéro, comme le lui reprochent de plus en plus
d’observateurs. Pourtant…
Les classes moyennes et les plus pauvres, en tout cas, ne paraissent
guère en profiter, comme le note le rapport de Credit Suisse. La richesse des
classes moyennes a progressé à un rythme bien moins soutenu que pour les
grandes fortunes, « renversant la tendance d’avant la crise qui avait
vu la part de la richesse des classes moyennes restée stable dans le
temps », relève-t-il.
Après avoir appris sa nomination au prix Nobel, Angus Deaton s’est vu
demander par ses collègues de l’université de Princeton ce qui le souciait le
plus à l’avenir. « Les inégalités ont dépassé le point où cela nous
aide pour devenir riches et constituent désormais une sérieuse menace. Je suis
préoccupé de voir un monde dans lequel les riches ont le pouvoir d’écrire les
règles que le reste d’entre nous doit suivre », a-t-il répondu.
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