Rapport au Premier ministre sur la refondation
des politiques d’intégration
1er février 2013
LA GRANDE NATION POUR UNE SOCIÉTÉ INCLUSIVE
Thierry Tuot
Synthèse
Présentation : M. Thierry Tuot,
Conseiller d'Etat, a été chargé par le Premier ministre d'une mission visant à
refonder la politique d'intégration, plus particulièrement sous trois angles :
« analyser l'état de la politique d'intégration, son organisation, ses moyens,
ses acteurs ; proposer de nouveaux concepts et axes d'action ; rechercher les
méthodes, moyens et organisations - impliquant les administrations mais surtout
les principaux acteurs sociaux - susceptibles de restaurer les ambitions, le
dynamisme et l'efficacité de cette politique, en garantissant notamment sa
cohérence territoriale ».
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Entendue comme le phénomène social par lequel
se dissipe le rôle majeur de l’origine comme facteur des difficultés sociales rencontrées par une personne donnée, l’intégration n’a heureusement, jamais cessé en France. La
politique qui la favorise a en revanche, pour des raisons politiques et
budgétaires, quasiment disparu. Sa refondation, poursuivant l’objectif d’une
société inclusive, repose sur la mise en œuvre de dix principes : le traitement
de l’intégration, suppose une approche apaisée et confiante de la présence
étrangère en France ; la politique d’intégration n’est, pour
autant, pas une politique d’immigration, mais une politique de nature
sociale ; cette politique plus que tout autre repose sur un devoir
d’intelligence, à savoir une connaissance fine des populations concernées et
des dynamiques à l’œuvre, ainsi qu’une évaluation précise des actions menées et
des résultats obtenus ; plus qu’ailleurs, la puissance publique doit tenir un
discours de franchise sur ses difficultés et ses défis, ses réussites et ses
échecs ; l’État, qui a rôle majeur d’impulsion, doit en revanche s’appuyer pour
agir sur les acteurs locaux ; cette action, fondamentalement
humaniste, doit être au cas par cas menée avec respect des populations
concernées et bienveillance à leur égard ; cette bienveillance doit cependant
être générale, aucune action ne devant être menée en faveur des étrangers
qui n’ait son équivalent, à difficultés sociales comparables, pour ceux
qui ne le sont pas ; la transparence des politiques publiques est cruciale pour
assurer l’ensemble de la communauté nationale du respect de ce principe ; afin
d’éviter tant la stigmatisation que les effets de seuil, ce sont les territoires
qui doivent être visés plutôt que les publics; enfin les résultats seront longs
et difficiles à obtenir, ce qui supposera d’assumer des politiques de
long terme, laissant une large place à l’expérimentation.
Rendre confiance :
les gestes fondateurs d’une
ambition
Huit mesures symboliques, pouvant être
rapidement mises en œuvre à moindre coût, sont proposées pour témoignage du
changement radical de climat que suppose la refondation d’une véritable politique
d’intégration :
1. Confier au Haut conseil à l’intégration le
soin d’établir, en s’appuyant sur la recherche, les chiffres des flux
migratoires, qui devront faire l’objet d’une publication annuelle.
2. Donner la nationalité sur simple
déclaration aux étrangers ayant suivi une scolarité complète en France et aux ascendants
de Français séjournant en France depuis vingt-ans ou plus.
3. Aider, par une information régulière et une
assistance aux démarches administratives, les anciens combattants immigrés à
bénéficier des prestations qui leur ont été progressivement ouvertes, et organiser
une commémoration solennelle de ceux d’entre eux qui sont morts pour la France.
4. S’engager sur l’achèvement du plan de
rénovation des foyers de travailleurs migrants dans un délai de dix-huit mois
et prendre les décrets d’application des dispositions législatives relatives à l’accès
aux prestations sociales de leurs occupants.
5. Consacrer une fraction des crédits de toute
opération de rénovation urbaine à l’édification préalable d’un lieu de mémoire
du quartier, en association avec les habitants et sous l’égide de la Cité
nationale de l’histoire de l’immigration.
6. Associer localement les occupants et futurs
occupants (issus ou non de l’immigration) du parc de logement social à la
définition des critères de leur attribution, et soumettre cette attribution à des
formalités accrues de publicité et de transparence.
7. Substituer aux campagnes périodiques de
régularisations l’attribution à ceux des immigrés en situation irrégulière qu’il
est impossible de reconduire à la frontière d’un statut de tolérance leur permettant
l’acquisition progressive de droits au séjour en échange de démarches positives
d’intégration.
8. Permettre légalement, en concertation avec
les représentants des différents cultes, des modalités d’implantation de carrés
musulmans dans les cimetières.
Les axes de la refondation
Deux séries de propositions de long terme
dessinent les axes d’une politique d’intégration renouvelée.
La première série concerne les structures et
prévoit de
• modifier le statut du HCI (changement de
nom, réduction de l’effectif du collège à neuf personnes qualifiées nommées par
l’exécutif et le Parlement, réduction des moyens budgétaires mais mise en réseau
avec d’autres grands établissements de recherche) et de recentrer ses missions
sur la production et la diffusion de travaux de recherche sur l’intégration
ainsi que sur l’évaluation scientifique des politiques publiques d’intégration
;
• rationnaliser les compétences sur les
territoires en créant, côté collectivités territoriales, des EPCI chargés de
l’intégration se voyant déléguer l’ensemble des compétences et moyens
décentralisés en la matière et, côté Etat, un service commun d’intégration
comprenant l’ensemble des services déconcentrés en charge de ces questions.
• coordonner, au niveau national, la gouvernance
des trois agences qui doivent rester en charge de l’intégration : l’OFII,
renforcé et territorialisé, dont les compétences seraient élargies à l’accueil
et l’accompagnement personnalisé, sur la base d’un CAI assoupli, de l’ensemble
des primo-arrivants ; l’ACSé, intégrant les compétences de la DAIC et se
renforçant de directions territoriales ; l’ANRU, encouragé dans la voie du
traitement social des problématiques de rénovation urbaine.
• rénover le soutien aux associations, dont la
place dans la politique d’intégration ferait l’objet d’un débat national, en
inventant des modes de financement plus simples et plus adaptés à leurs missions
(création de SEM sociales, dotations en capital et en personnel).
• modifier le statut de l’OFPRA, doté d’une
plus grande indépendance et de moyens renforcés.
• Créer dans les trois fonctions publiques une
filière “métiers de l’intégration”.
La seconde série concerne le fond des
politiques publiques
• S’agissant de la lutte contre les
discriminations, chaque service public serait soumis à une obligation de
diagnostic des discriminations qu’il produit et de rapport annuel devant le
Parlement sur les moyens mis en œuvre et la réalisation des objectifs.
• En matière culturelle, les nouvelles
institutions devraient l’être dans les quartiers de la politique de la ville,
les familles défavorisées devraient se voir remettre des titres d’accès
privilégié aux manifestations culturelles et des mesures de discrimination
positive devraient être instaurées dans les formations artistiques supérieures.
• Les projets de rénovation urbaine devraient
être définis d’abord en fonction de visées sociales, en concertation avec les
habitants. Les équipements collectifs à vocation sociale pourraient être financés
dans la durée par les constructeurs, en échange d’autorisations de déroger
partiellement aux règles d’urbanisme.
• L’accès aux droits des immigrés âgés devrait
être renforcé et leur maintien dans les quartiers de la politique de la ville
devrait être encouragé par la construction de logements sociaux médicalisés.
• Enfin un rapport apaisé à la question
musulmane et au fait religieux est recommandé, impliquant notamment de
permettre la création de nouveaux lieux de cultes via le recours à des
fondations.
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