mercredi 22 mai 2013

Le rapport Tuot sur l'immigration

Rapport au Premier ministre sur la refondation des politiques d’intégration
1er février 2013

LA GRANDE NATION POUR UNE SOCIÉTÉ INCLUSIVE
Thierry Tuot
Synthèse

Présentation : M. Thierry Tuot, Conseiller d'Etat, a été chargé par le Premier ministre d'une mission visant à refonder la politique d'intégration, plus particulièrement sous trois angles : « analyser l'état de la politique d'intégration, son organisation, ses moyens, ses acteurs ; proposer de nouveaux concepts et axes d'action ; rechercher les méthodes, moyens et organisations - impliquant les administrations mais surtout les principaux acteurs sociaux - susceptibles de restaurer les ambitions, le dynamisme et l'efficacité de cette politique, en garantissant notamment sa cohérence territoriale ».

Télécharger le rapport Tuot
Entendue comme le phénomène social par lequel se dissipe le rôle majeur de l’origine comme facteur des difficultés sociales rencontrées par une personne donnée, l’intégration n’a heureusement, jamais cessé en France. La politique qui la favorise a en revanche, pour des raisons politiques et budgétaires, quasiment disparu. Sa refondation, poursuivant l’objectif d’une société inclusive, repose sur la mise en œuvre de dix principes : le traitement de l’intégration, suppose une approche apaisée et confiante de la présence étrangère en France ; la politique d’intégration n’est, pour autant, pas une politique d’immigration, mais une politique de nature sociale ; cette politique plus que tout autre repose sur un devoir d’intelligence, à savoir une connaissance fine des populations concernées et des dynamiques à l’œuvre, ainsi qu’une évaluation précise des actions menées et des résultats obtenus ; plus qu’ailleurs, la puissance publique doit tenir un discours de franchise sur ses difficultés et ses défis, ses réussites et ses échecs ; l’État, qui a rôle majeur d’impulsion, doit en revanche s’appuyer pour agir sur les acteurs locaux ; cette action, fondamentalement humaniste, doit être au cas par cas menée avec respect des populations concernées et bienveillance à leur égard ; cette bienveillance doit cependant être générale, aucune action ne devant être menée en faveur des étrangers qui n’ait son équivalent, à difficultés sociales comparables, pour ceux qui ne le sont pas ; la transparence des politiques publiques est cruciale pour assurer l’ensemble de la communauté nationale du respect de ce principe ; afin d’éviter tant la stigmatisation que les effets de seuil, ce sont les territoires qui doivent être visés plutôt que les publics; enfin les résultats seront longs et difficiles à obtenir, ce qui supposera d’assumer des politiques de long terme, laissant une large place à l’expérimentation.

Rendre confiance : 
les gestes fondateurs d’une ambition

Huit mesures symboliques, pouvant être rapidement mises en œuvre à moindre coût, sont proposées pour témoignage du changement radical de climat que suppose la refondation d’une véritable politique d’intégration :
1. Confier au Haut conseil à l’intégration le soin d’établir, en s’appuyant sur la recherche, les chiffres des flux migratoires, qui devront faire l’objet d’une publication annuelle.
2. Donner la nationalité sur simple déclaration aux étrangers ayant suivi une scolarité complète en France et aux ascendants de Français séjournant en France depuis vingt-ans ou plus.
3. Aider, par une information régulière et une assistance aux démarches administratives, les anciens combattants immigrés à bénéficier des prestations qui leur ont été progressivement ouvertes, et organiser une commémoration solennelle de ceux d’entre eux qui sont morts pour la France.
4. S’engager sur l’achèvement du plan de rénovation des foyers de travailleurs migrants dans un délai de dix-huit mois et prendre les décrets d’application des dispositions législatives relatives à l’accès aux prestations sociales de leurs occupants.
5. Consacrer une fraction des crédits de toute opération de rénovation urbaine à l’édification préalable d’un lieu de mémoire du quartier, en association avec les habitants et sous l’égide de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration.
6. Associer localement les occupants et futurs occupants (issus ou non de l’immigration) du parc de logement social à la définition des critères de leur attribution, et soumettre cette attribution à des formalités accrues de publicité et de transparence.
7. Substituer aux campagnes périodiques de régularisations l’attribution à ceux des immigrés en situation irrégulière qu’il est impossible de reconduire à la frontière d’un statut de tolérance leur permettant l’acquisition progressive de droits au séjour en échange de démarches positives d’intégration.
8. Permettre légalement, en concertation avec les représentants des différents cultes, des modalités d’implantation de carrés musulmans dans les cimetières.

Les axes de la refondation

Deux séries de propositions de long terme dessinent les axes d’une politique d’intégration renouvelée.

La première série concerne les structures et prévoit de

modifier le statut du HCI (changement de nom, réduction de l’effectif du collège à neuf personnes qualifiées nommées par l’exécutif et le Parlement, réduction des moyens budgétaires mais mise en réseau avec d’autres grands établissements de recherche) et de recentrer ses missions sur la production et la diffusion de travaux de recherche sur l’intégration ainsi que sur l’évaluation scientifique des politiques publiques d’intégration ;

rationnaliser les compétences sur les territoires en créant, côté collectivités territoriales, des EPCI chargés de l’intégration se voyant déléguer l’ensemble des compétences et moyens décentralisés en la matière et, côté Etat, un service commun d’intégration comprenant l’ensemble des services déconcentrés en charge de ces questions.

coordonner, au niveau national, la gouvernance des trois agences qui doivent rester en charge de l’intégration : l’OFII, renforcé et territorialisé, dont les compétences seraient élargies à l’accueil et l’accompagnement personnalisé, sur la base d’un CAI assoupli, de l’ensemble des primo-arrivants ; l’ACSé, intégrant les compétences de la DAIC et se renforçant de directions territoriales ; l’ANRU, encouragé dans la voie du traitement social des problématiques de rénovation urbaine.

rénover le soutien aux associations, dont la place dans la politique d’intégration ferait l’objet d’un débat national, en inventant des modes de financement plus simples et plus adaptés à leurs missions (création de SEM sociales, dotations en capital et en personnel).

modifier le statut de l’OFPRA, doté d’une plus grande indépendance et de moyens renforcés.

• Créer dans les trois fonctions publiques une filière “métiers de l’intégration”.

La seconde série concerne le fond des politiques publiques

• S’agissant de la lutte contre les discriminations, chaque service public serait soumis à une obligation de diagnostic des discriminations qu’il produit et de rapport annuel devant le Parlement sur les moyens mis en œuvre et la réalisation des objectifs.

• En matière culturelle, les nouvelles institutions devraient l’être dans les quartiers de la politique de la ville, les familles défavorisées devraient se voir remettre des titres d’accès privilégié aux manifestations culturelles et des mesures de discrimination positive devraient être instaurées dans les formations artistiques supérieures.

• Les projets de rénovation urbaine devraient être définis d’abord en fonction de visées sociales, en concertation avec les habitants. Les équipements collectifs à vocation sociale pourraient être financés dans la durée par les constructeurs, en échange d’autorisations de déroger partiellement aux règles d’urbanisme.

• L’accès aux droits des immigrés âgés devrait être renforcé et leur maintien dans les quartiers de la politique de la ville devrait être encouragé par la construction de logements sociaux médicalisés.

• Enfin un rapport apaisé à la question musulmane et au fait religieux est recommandé, impliquant notamment de permettre la création de nouveaux lieux de cultes via le recours à des fondations.



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