Par Alice Bernard
Face à la fermeté du gouvernement Hollande, la mobilisation pour le retrait de la Loi Travail s'est poursuivie ce jeudi en France (troisième journée cette semaine) avec de nouveaux blocages, manifestations et grèves. Mardi prochain, le 24 mai, les travailleurs belges prennent le relais avec la grande manifestation en front commun à Bruxelles contre notre Loi Peeters.
Ne cherchez pas trop les différences entre les (projets de) lois belge et française de « modernisation du travail ». Il n'y en a que très peu. Elles donnent aux patrons la possibilité d'allonger la journée de travail jusqu'à 11h (en Belgique) ou 12h (en France) et la semaine jusqu'à 45 ou 50 heures. Les horaires de travail pourraient être communiqués seulement un jour à l'avance. Les jeunes seront encore plus confrontés aux contrats précaires : réforme de l'apprentissage, intérim à vie... Chaque travailleur aura son « compte-carrière » personnel. La primauté sera donnée à la convention d’entreprise, ce qui remet en cause les garanties fixées par la loi et les conventions collectives sectorielles. Les syndicats sont mis hors jeu, les salariés se retrouvent seuls face au patron. En bref, liberté totale pour le patronat, recul historique des droits pour les salariés.
Imposer par la force
Ne cherchez pas non plus les différences entre les réactions gouvernementales face aux mouvements sociaux.
« Je ne céderai pas, parce qu'il y a eu trop de gouvernements qui ont cédé avant moi », a osé dire le président socialiste Hollande après six journées de manifestations en deux mois. Hollande veut imposer sa loi avec le 49-3 (un décret qui permet de passer outre le débat au Parlement). Il a aussi lancé des assignations à résidence pour empêcher des manifestants de participer aux cortèges. La présidente de la Région Ile-de-France, Valérie Pécresse (droite), a dit cette semaine vouloir instaurer un « service maximum » dans les transports aux heures de pointe. Le premier ministre Manuel Valls s'est dit prêt à faire lever par les forces de l'ordre les blocages des ports, raffineries et aéroports. Une attitude très « thatchérienne », comme l'écrit l'Humanité.
« Nous examinerons avec les partenaires sociaux comment ils peuvent nous accompagner dans la direction que nous avons tracée », a déclaré de son côté Kris Peeters le 10 avril à la VRT. Pour le ministre de l’Emploi, les organisations syndicales en sont réduites à « accompagner » les décisions du gouvernement. Pas les contester.
Dans la même veine, notre ministre de la Justice Koen Geens a affirmé qu’il « continuera sa réforme » malgré trois semaines de grève des gardiens de prison et les menaces de grève des magistrats (une première depuis 1918) contre l'austérité. Et de brandir le service minimum contre la grève et le « devoir de réserve » pour faire taire les juges.
Le premier ministre de l'ombre, Bart De Wever, prétend que les grèves sont politiques, téléguidés par le PS. Mais le PS au pouvoir en France pratique juste la même politique que le gouvernement de droite en Belgique. Dans toute l'Europe, les gouvernements, des sociaux-démocrates aux libéraux en passant par les chrétiens-démocrates et conservateurs, appliquent des politiques d’austérité et des réformes au service du monde patronal. Et les différents appel à réfléchir et affirmer le « sens de l'État » vont tous dans la direction d'un renforcement de l'autoritarisme.
« Toutes les professions sont en train de converger. »
Mais face à cette dérive austéritaire ici, en France et ailleurs en Europe, la réponse est dans la rue.
Après six journées de manifestations, la gauche du mouvement en France pousse maintenant aux grèves reconductibles chez les dockers, routiers, cheminots, chauffeurs de bus, travailleurs de la pétrochimie et ailleurs. C'est une lutte intense, secteur par secteur. « Les salariés oscillent entre colère notamment par rapport au 49-3 et manque de confiance dans la capacité du mouvement à entraîner des millions de gens dans les rues. Ils ont en quelque sorte besoin de le voir pour le croire », estime Nicolas Avinin, secrétaire général de la CGT chez Arkema (chimie). « C'est sûr qu'il faut un noyau dur pour entraîner les autres », estime pour sa part Olivier Minoux, délégué CGT de Solvay-Rhodia à Saint-Fons.
Olivier Mateu, secrétaire de la CGT des Bouches-duRhône : « Partout où on le peut, on mettra les usines à l'arrêt. Nos productions sont toute imbriquées et cela peut aller très vite, ce sera aux travailleurs d'en décider en assemblée générale. Nous ferons tout pour que cette loi ne passe pas. Les salariés n'ont plus rien à perdre, le gouvernement oui. »
« L'attitude du gouvernement a durci encore plus la colère des salariés, il n'y a plus aucun dialogue possible avec lui, estime Pascal Galéoté, également secrétaire CGT. François Hollande a annoncé qu'il ne reculerait pas, eh bien nous ne reculerons pas non plus. Le mouvement social va s'intensifier, ce gouvernement a fait une erreur fondamentale car toutes les professions sont en train de converger. »
En Belgique, après la manifestation du 24 mai, le rapport de forces continuera de se construire à travers les actions annoncées dans les services publics le 31 mai et la grève générale du 24 juin à l'appel de la FGTB et de certaines centrales de la CSC.
Une conjonction des mouvements en Belgique et en France peut faire très mal au 1 % et aux gouvernements qui appliquent leurs volontés. C'est ce qui s'est passé il y a 80 ans, en 1936, quand, dans les deux pays, les travailleurs ont arraché les premiers congés payés et la semaine de 40 heures.
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