ENTRETIEN PAR YANN VERDO / JOURNALISTE | 05/06 |
Hervé Le
Treut Climatologue, directeur de l’Institut Pierre-Simon Laplace, professeur à
l'UPMC, membre de l’Académie des sciences
Début mai,
l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (NOAA) a annoncé
que la teneur mondiale de l’atmosphère en CO2 avait pour la première fois
dépassé les 400 parties par million (ppm). Que vous inspire cet inquiétant
record ?
Sur quoi ont
principalement porté les travaux scientifiques des climatologues ces cinq
dernières années, en amont du 5e rapport du Giec ?
Je
distinguerai trois chantiers majeurs sur lesquels nous avons beaucoup progressé
au cours des cinq années qui ont séparé le 4e rapport du Giec du 5e. Le
premier est celui d’une meilleure estimation de l’amplitude du réchauffement à
venir. Les données satellite ont permis de lever un certain nombre
d’incertitudes sur le rôle des nuages, qui est double : d’un côté, ils
réfléchissent une partie du rayonnement solaire, ce qui tend à refroidir la
Terre (c’est l’effet parasol) ; de l’autre, ils bloquent le rayonnement
infrarouge réfléchi par la Terre, ce qui tend à la réchauffer (c’est l’effet de
serre). Il est très difficile de dire comment l’équilibre né de ces deux effets
contradictoires évoluera, mais les données multi-instruments transmises par
les satellites nous aident à y voir plus clair. Un autre progrès majeur a été
l’interdisciplinarité : nous nous sommes davantage efforcés à étudier le climat
en lien avec la végétation, la biodiversité, etc. Enfin, le troisième chantier
que je citerai est celui du passage du global au local, de la prévision d’ordre
général au risque ponctuel.
Si rien
n’est fait pour réduire les émissions et que le réchauffement atteint 4 voire
5 °C d’ici à la fin du siècle, quelles en seront les conséquences majeures ?
Je placerai
en tête de liste les atteintes à la biodiversité, déjà mise à mal par d’autres
phénomènes que le réchauffement climatique (la surpêche, l’agriculture
intensive, la déforestation…). L’homme, comme tous les animaux, dépend de cette
biodiversité qui l’entoure pour subsister. Une deuxième conséquence sera
l’aggravation des inégalités, parce que toutes les régions du monde ne sont pas
logées à la même enseigne face au réchauffement climatique. Il est clair que
les régions intertropicales, qui dépendent pour leurs apports en eau d’une
unique saison des pluies, sont plus fragiles que les autres. Il en va de même
des milieux littoraux, du fait de la montée du niveau des mers. Ou des zones de
montagne : l’étagement des différentes espèces de faune et de flore en altitude
dépend étroitement de la température, qui baisse en moyenne de 6,5 °C par
kilomètre. Si le réchauffement atteint 5 °C, ce sont toutes les espèces
qui devront remonter de près de 1 kilomètre, avec des conséquences
incalculables sur l’écosystème de la zone.
À noter
Une conférence scientifique internationale sur le changement climatique
se tiendra à Paris, à l’Unesco et sur le campus de Jussieu de l’UPMC, du 7 au
10 juillet prochain, sous la présidence d’Hervé Le Treut.
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