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DÉCEMBRE 2014 | PAR EDWY PLENEL ET FRÉDÉRIC
BONNAUD
Dans un entretien à Mediapart, Pierre
Joxe, plusieurs fois ministre de Mitterrand et grande figure socialiste, n'a
pas de mots assez durs pour dénoncer le gouvernement et le projet de loi dit
Macron, une entreprise de « déconstruction du droit social ».
« Éberlué », « stupéfait », « ahurissant ». Pierre
Joxe, animal politique au sang-froid, a rarement usé d'autant d'adjectifs que
dans l'entretien qu'il nous a accordé dans le cadre de notre émission « En
direct de Mediapart », jeudi 18 décembre. Plusieurs fois ministre de
François Mitterrand, ancien président de la Cour des comptes, ancien membre du
Conseil constitutionnel (2001 à 2010), Pierre Joxe (ici sa fiche Wikipedia) s'était gardé
jusqu'alors d'évaluer en détail la politique conduite par François Hollande et
Manuel Valls. Le projet de loi Macron, adopté ce mois-ci en conseil des
ministres et dont l'examen doit débuter au Parlement le 26 janvier prochain,
l'a visiblement incité à sortir du bois.
«La gauche dans son programme n’a jamais
envisagé des réformes du droit du travail du genre de celles qui sont
aujourd’hui à l’ordre du jour (...) Aujourd’hui, on est à contre-emploi de
notre histoire. Cette phase éberlue n’importe qui.», dit Pierre Joxe. L'ancien ministre dénonce une entreprise de « déconstruction
du droit social », des dispositions« ahurissantes »,
fait le parallèle avec la fin de la SFIO – «En 1956, on a voté
Mendès France, on a eu Guy Mollet » –, et estime que « l’espérance
est en danger ».
Le
droit du travail est en miettes car le mouvement qui a lieu en ce moment en
France, et pas seulement en France, est un mouvement de déconstruction du droit
du travail. Il faut comprendre que le droit du travail est un droit
d’exception : c’est un droit qui dit non au code civil, qui dit non au
droit du libéralisme, qui dit « non, la liberté n’est pas complète »,
on ne peut pas embaucher des enfants dans les usines, en 1834, etc. Et c’est un
droit qui repose sur une action collective puisque tout le droit du travail a
progressé sous la pression de l’action syndicale. En France, les lois
progressistes ont toujours suivi les grandes manifestations syndicales. Même le
repos hebdomadaire ! Cela a culminé avec le Front populaire, la Libération
et, en quelques occasions auxquelles j’ai d’ailleurs participé, par exemple
avec les lois Auroux.
Aujourd’hui, on assiste à une
déconstruction. Ce n’est pas une démolition, c’est un effritement. Il y a une
accélération récente et je pense qu’on va en parler avec cette loi (Macron – ndlr). Elle concerne souvent le
droit du travail mais n’associe même pas le ministre du travail ! C’est
une situation juridique étrange ! Le droit du travail est un droit qui ne
donne pas la priorité au contrat mais qui dit que la loi s’impose au
contrat : c’est la loi qui protège car le contrat peut asservir, sauf
justement s’il respecte la loi. Or nous assistons à un autre mouvement, un mouvement
inverse qui veut rendre au contrat la place qui a justement été conquise par le
droit du travail et les mobilisations sociales.
Alors parlons de cette loi
Macron, faite par le ministre de l’économie et qui n’associe pas le ministre du
travail…
Je vous interromps : on
parle d’une loi – loi Aubry, loi Auroux – lorsqu’elle a été votée. Pour le
moment, il y a un projet de loi qui s’appelle, imprudemment peut-être...
Vous voulez dire que M. Macron
n’est pas encore rentré dans l’histoire ?
Oh si, sûrement, parce qu’il
ressemble un peu à Emmanuelli… Tous les deux étaient chez Rothschild, tous les
deux sont entrés au gouvernement.
Pourquoi la gauche qui est au
pouvoir accompagne-t-elle cette régression ?
Je ne sais pas. Il y a eu des
éléments précurseurs. On aurait dû s’alarmer lorsqu’on a lu dans un journal, il
y a un an, signé par un certain nombre de députés socialistes, dont
Le Guen qui est aujourd’hui ministre des relations avec le Parlement, ce
texte que je cite : « Il
faudra que Hollande s’attaque à un redoutable tabou national, celui des
rigidités d’un code du travail qui est devenu un puissant répulsif de
l’emploi. » Qu’une
dizaine de députés socialistes puissent signer, un siècle après la création par
Clemenceau du premier ministère du travail, un siècle après le premier code du
travail, un siècle après la première loi sur le repos hebdomadaire, un texte
expliquant que le code du travail est un puissant répulsif, c’est
stupéfiant !
Il se trouve que quand Me Parisot était présidente du Medef,
elle disait ceci : « Nous
préconisons une réforme de la constitution afin de reconnaître le droit à la
négociation et de permettre aux représentants des employeurs et des salariés de
fixer les modalités des principes fondamentaux du droit du travail, du droit
syndical et du droit à la sécurité sociale. »
Donc c'est toujours cette idée
qu’il faut retirer au règne de la loi, et aux représentants de la souveraineté
nationale, la responsabilité de fixer les règles dans le monde du travail.
C’est une idée qui chemine depuis longtemps.
Alors évidemment, elle éclot
avec cette nouvelle loi et on est d’autant plus stupéfait qu’on y trouve des
choses ahurissantes. Par exemple, la pénalisation de l’entrave. Vous savez que
le délit d’entrave, c’est empêcher les délégués syndicaux ou les représentants
du personnel de remplir leurs missions. C’est un délit du droit pénal du
travail. Eh bien, l’article 85 de ce projet de loi (Macron - ndlr) prévoit que par
ordonnances (donc, en évitant le débat public) le gouvernement pourrait réviser
la nature et le montant des peines applicables en cas de délit d’entrave.
C’est-à-dire qu’on envisage de revoir cela alors que ni la loi d’amnistie de
1981 (celle de Mitterrand), ni la loi d’amnistie de la droite en 1995, ni la
loi d’amnistie de 2002, n’a porté atteinte à cette règle un peu mythique mais
qui consiste à dire que si un employeur viole la loi et fait entrave, il peut
être condamné au pénal…
Moi, je ne comprends pas. Je
pense que le débat aura lieu mais là, comme c’est prévu par ordonnances, cela
veut dire qu’on veut fuir le débat. Or je pense que ce débat doit être porté
très largement.
Vous évoquiez d’autres mesures,
lesquelles ?
Quand j’étais au Conseil constitutionnel… J’ai beaucoup souffert au Conseil
constitutionnel, j’étais très seul, pendant quelque temps il y avait mon ami
Colliard (ndlr) et on avait à peu près les mêmes opinions, mais par la
suite les conservateurs et les réactionnaires étaient tellement majoritaires
que moi j’étais finalement solitaire. J’ai donc vu les saisines de mes amis du
groupe socialiste et je vous en ai apporté une, signée Sapin, Ayrault,
Hollande, Leroux, Valls, Cambadélis, Bartolone. C’est la décision DC2008568 du
Conseil constitutionnel qui attaque une disposition du projet de loi dit de
« rénovation de la démocratie sociale » – vous imaginez ce qu’il
pouvait y avoir dedans. Mes amis socialistes ont attaqué, à juste titre, en
rappelant que « la loi doit déterminer elle-même les principes
fondamentaux du droit du travail et encadrer le champ ouvert à la négociation
collective ». C’est-à-dire que cette saisine par le groupe socialiste
rappelle le principe sacré que c’est la loi qui fixe les principes du droit du
travail et qu’on ne doit pas les laisser à la négociation collective, où
finalement le patronat est toujours plus fort que les organisations syndicales,
sauf dans les grandes périodes de crise type Front populaire ou Libération.
Donc, ce qui est exactement l’inverse de
ce qu’on appelle l’ANI, l’Accord national interprofessionnel…
Oui, l’ANI, c’était l’année dernière. Et donc, sur cette saisine, le
Conseil constitutionnel avait dit que les dispositions contestées
– c’était à propos des contreparties obligatoires sur les questions du
repos dominical et des heures supplémentaires – l’étaient à juste titre et
les avait censurées.
Et cela concernait déjà le travail du
dimanche.
Oui, et les heures supplémentaires. Donc, c’est absolument ahurissant.
Que pensez-vous du débat sur le travail
du dimanche, êtes-vous d’accord avec la tribune de Martine Aubry ?
Alors, je vais peut-être vous étonner, je n’ai pas lu la tribune de Martine
Aubry mais je n’ai pas besoin de la lire pour savoir ce qu’elle en pense.
Martine Aubry a été l’excellente collaboratrice de Jean Auroux, puis ministre
du travail. Comme tous les gens qui ont un peu d’expérience dans ce domaine,
elle sait très bien que l’existence du travail du dimanche est
nécessaire : il y a les hôpitaux, les transports en commun, la police,
etc. Mais le développement du travail du dimanche dans le commerce – et c’est
la grande activité dans laquelle il y a aujourd’hui les salariés les plus
faibles, les moins qualifiés, les plus remplaçables –, ce développement
est exclusivement destiné aux intérêts des groupes de la grande distribution.
Je ne dis pas principalement, je dis exclusivement ! Et là je ne comprends
pas très bien.
Dans votre livre Soif de justice, vous
dites : quand la gauche reviendra au pouvoir il faudra « désarkozyfier ».
Aujourd’hui on a plutôt l’impression de marcher sur sa lancée. Quel effet cela
fait de se dire que la gauche au pouvoir va plus loin que le président qu’elle
a remplacé ?
D’abord ce n’est pas la gauche qui a remplacé un président. Il y a un élu
par la gauche qui a remplacé un président élu par la droite. Les conditions
dans lesquelles fonctionne le gouvernement actuel sont surprenantes, puisque le
PS avait choisi un candidat parmi trois. Il y en avait un seul qui avait eu un
résultat très faible dans l’investiture primaire, c’était Manuel Valls avec
5 %. Évidemment, deux ans après, quand il gouverne la France, beaucoup de
gens sont surpris…
La gauche dans son programme n’a jamais envisagé des réformes du droit du
travail du genre de celles qui sont aujourd’hui à l’ordre du jour. Il y a donc
un problème interne non pas à la gauche ou au PS, mais interne au groupe
socialiste. La démocratie libérale n’aime pas le droit social, et la France a
progressé dans la voie du droit social avec Jaurès, Clemenceau – qui a
créé le ministère du travail et les assurances sociales –, le Front
populaire… C’est une construction continue qui va dans le sens d’un progrès.
Aujourd’hui, on est à contre-emploi de notre histoire. Cette phase éberlue
n’importe qui.
La gauche n’a pas été élue pour faire une politique aussi surprenante qui
ne va pas du tout dans le sens de l’histoire de la gauche, et je pense que
c’est quelque chose qui va se débattre dans les mois qui viennent.
Vous avez dit : « Nous
sommes éberlués. » Est-ce que cela veut dire que vous qui avez
été président du groupe socialiste, figure de l’alternance, vous êtes comme
nous tous, tétanisés et vous donnez votre langue au chat ? Comment nous
donner l’explication de ce qui se passe ?
Je ne suis pas tétanisé, d’ailleurs je suis vacciné contre le tétanos. Je
ne donne pas non plus ma langue au chat mais je n’ai pas d’explication sur ce
qui se passe en ce moment. Une grande partie des Français ne comprennent pas ce
qui se passe. La situation dans laquelle nous nous trouvons est assez
comparable à celle du référendum sur l’Europe en 2005. Ce référendum a divisé
la gauche. J’étais de ceux qui étaient contre, certains nous ridiculisaient en
nous disant que l’on était à contre-courant de l’histoire, mais les Français
ont voté non. Ils ont voté non mais personne n’en a tenu compte,
particulièrement le parti socialiste.
C’est aujourd’hui une situation qui me fait penser à la guerre d’Algérie.
En 1956, les Français ont voté pour Mendès France, c’est-à-dire contre les
guerres coloniales. Sauf que ce n’est pas Mendès que Coty a appelé, c’est Guy
Mollet, et on a eu l’inverse. La situation actuelle a quelque chose de commun
avec ces périodes de balancement.
Je pense qu’il va y avoir une profonde réflexion sur la prise de pouvoir
par la gauche socialiste. Nous avons pris le pouvoir en 1981 après une victoire
de l’union de la gauche. C’était déjà le pouvoir de ce que Jospin appellera
plus tard la gauche plurielle. Je ne pense pas qu’il puisse y avoir en France
ou ailleurs une victoire de la gauche sans qu’il y ait un rassemblement avec
toutes les forces de gauche. Je le répète, nous sommes dans une période de
réflexion qui commence seulement, en particulier avec ces lois qui sont
tellement à contre-courant de l’histoire de notre droit social.
Vous êtes toujours membre du parti
socialiste, c’est votre famille ?
C’est ma famille. J’ai fondé le parti socialiste, j’ai participé à sa
création, c’est même la première fois que j’ai adhéré à un parti. Mais comme
beaucoup au parti socialiste, cette famille est devenue un peu théorique.
Que répondez-vous aux gens qui sont très
durs en ce moment ? On lit souvent : ce qu’est en train de faire la
gauche, la droite n’aurait jamais osé le faire parce qu’elle aurait mis la
gauche dans la rue…
Ce n’est pas vrai que la droite n’aurait pas osé le faire, elle l’a fait.
Il y a eu la loi Borloo, il y a eu d’autres lois antérieures plus ou moins
avancées. Là n’est pas le problème. Le problème, c’est ce qu’il y a devant nous
en Europe. Ce mouvement de déconstruction du droit du travail n’est pas
particulier à la France : il est beaucoup plus avancé en Angleterre, on ne
sait pas ce qu’il va se passer en Italie. Ce qui est devant nous, c’est ce que
l’opinion française va faire. Toutes les personnes qui sont dans les tribunaux,
devant les juridictions sociales de base, ce ne sont que des gens pauvres ou
très pauvres et en plus en situation de faiblesse économique, sociale,
culturelle, personnelle…
Et là je pense qu’il y a quand même un certain danger dans la montée du
Front national. La problématique qui est devant nous est : comment va
évoluer la gauche, l’extrême droite, et comment les uns vont évoluer par
rapport aux autres ?
Forcément, l’année 2015 va être celle d’une profonde réflexion à gauche,
chez la population française mais aussi chez ceux qui ne sont classés
politiquement ni à gauche ni à droite et qui se demandent où on va. La sécurité
sociale, le droit du travail, les délégués du personnel, correspondent à des
institutions qui ont été cristallisées à la Libération. Or la Libération est
une période où la France est optimiste. La France se reconstruit avec
espérance, avec un système social qui est aujourd’hui encore là, qui a été
élargi par certaines mesures, en particulier Aubry, et abîmé par certaines
réformes, mais il est encore là. Le problème qui se pose quand on regarde ce
qui se passe en Angleterre ou aux États-Unis c’est, est-ce qu’il sera encore là
dans vingt ans ?
Vous avez évoqué la figure de Mendès
France. À l’initiative de votre amie Françoise Seligmann, qui est décédée
en 2013 le même jour que Stéphane Hessel deux ans plus tôt, vous rendiez
hommage à Mendès France dans un numéro de sa revue Après-demain. Je
lis ici la conclusion de cet article. « Trente ans après le décès
de Mendès France, un demi-siècle avec la mort de la IVe République,
on sait de quoi les républiques peuvent être malades, à en mourir quand elles
bafouent les libertés et renient le droit. Le souvenir de Mendès France est
comme un fantôme qui hante notre histoire contemporaine, le fantôme de la
clairvoyance et du courage politique, hélas tous les fantômes ne sont pas des
revenants. » Le numéro de cette revue s’appelait « La
République est en danger ». Aujourd’hui, pensez-vous que la République
est en danger ?
La France a une chance, c’est qu’elle a une tradition historique de lutte
politique très forte, ça peut la protéger plus que d’autres pays. Je suis plus
inquiet quand je vois certaines tendances en Italie, même en Allemagne. Je ne
pense pas que la République soit en danger, ou alors elle est toujours en danger.
Ce qui est en danger, c’est l’espérance.
Elle est en danger si on ne s’occupe pas
de l’espérance ? Si on ne s’engage pas, si on ne résiste pas ?
Non, c’est l’espérance qui est en danger. Parce que la France est une
République sociale. La Constitution dit quoi ? Que la République n’est pas
seulement la loi de la majorité, que la majorité ne peut pas opprimer. Elle dit
que la République a pour fonction d’élaborer une société où les chances des
enfants, où les possibilités des hommes et des femmes tendent vers l’égalité.
Ce n’est pas l’égalitarisme, c’est aller vers l’égalité. Et ça, c’est une
espérance, c’était l’espérance très forte de la Libération, l’espérance très
forte de la Révolution, de 1848, de la Commune de Paris, du Front populaire. Et
celle de certains moments de l’histoire, avec Mendès, avec Mitterrand aussi. Et
cette espérance-là, il ne faut pas qu’elle meure.
Vous avez écrit ce livre, Soif
de justice, au secours des juridictions sociales. Avez-vous été surpris par
l'état de grande misère de l’ensemble de ces juridictions sociales, de ce que
vous appelez la justice des pauvres ?
C’est vrai que j’ai commencé à faire un reportage sur les juridictions
sociales comme je l’avais fait pour les juridictions pour enfants. Comme
beaucoup de gens, je ne connaissais pratiquement pas les juridictions sociales,
à part les prud’hommes. Les gens ne connaissent pas du tout, par exemple, les
tribunaux de Sécurité sociale, etc. Or l’ensemble de ces juridictions, du droit
du travail et de la protection sociale, rendent 500 000 décisions par an,
500 000 décisions au fond ! Il y a trois millions de décisions par an
dans la justice française, 2 millions pour les affaires civiles, 500 000
dans la justice pénale et 500 000 dans les juridictions sociales. Cela
fait 2 000 décisions tous les jours dans ces juridictions largement
inconnues. Et elles concernent essentiellement des gens pauvres, très pauvres,
précaires ; beaucoup de mères célibataires, des gens à l’abandon. Et ce
qui est terrible, c’est que la pauvreté de la justice en général en France est
encore accentuée dans ces juridictions sociales qui ne tiennent que par le
dévouement de magistrats et d’avocats.
Et en plus avec des délais effrayants le
plus souvent…
Oui, des délais incroyables et d’autant plus incroyables que je suis allé
visiter ce qui se passe en Belgique, en Suisse, en Allemagne… En Suisse, les
conseils des prud’hommes quand ils ont un mois de retard, tout le monde en est
malade. En Belgique, il y a ce qu’on appelle le tribunal du travail : il
regroupe les prud’hommes, les tribunaux des affaires de sécurité sociale, les
tribunaux du contentieux de la capacité. Eh bien, en Belgique, non seulement
c’est à l’heure, cela fonctionne, mais en plus ce sont les meilleurs
magistrats, ils font les carrières les plus brillantes. Et, en plus, dans ce
tribunal, il y a ce qu’on appelle le parquet social, c’est un représentant de
l’État…
Donc quand on regarde ce qui se passe en Allemagne depuis un siècle, en
Belgique depuis trente ans, en Suisse depuis toujours, on se demande comment la
France, qui était tout de même à l’origine le pays où le droit social était en
avance, peut avoir une justice sociale aussi en retard. En 2013, l’État a été
condamné 17 fois à des dizaines de milliers d’euros pour déni de justice,
c’est-à-dire pour ne pas avoir rendu de décision dans les délais. Moi-même, je
suis éberlué par ce que j’ai vu, comme je suis éberlué de voir que plus de deux
ans après le changement de gouvernement, aucune mesure n’a été prise pour
améliorer cela, sauf maintenant une réforme des prud’hommes qui ne me paraît
pas de la meilleure inspiration.
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