Par Christophe D.
membre du Conseil Fédéral et signataire de
la Contribution Commune
Remboursera ou ne remboursera pas ? Avec la victoire le 26 janvier
du parti Syriza aux élections législatives grecques, la question du
remboursement par la Grèce de sa dette publique fait débat. Alexis Tsipras, le
nouveau premier ministre, a en effet annoncé lors de sa campagne électorale
qu’il prononcerait un « défaut », c’est-à-dire qu’il ne rembourserait
pas.
D’emblée, il faut se rassurer sur cette énième crise au sein de l’Union
Européenne. Politiquement, il n’est pas question que la Grèce sorte de l’euro :
cela déstabiliserait l’ensemble de l’union et serait un signal très négatif
pour son avenir. Géopolitiquement, c’est totalement exclu. Les interventions
rapides de John Kerry, et même de Barack Obama, viennent rappeler que les
enjeux dépassent la seule Europe, dans un contexte de tensions extrêmement
vives avec le voisin russe. Autant dire que l’OTAN reste d’une extrême
vigilance.
Cette nouvelle crise autour des dettes publiques grecques nous renvoie
à la situation en France qui est également problématique. Le 30 septembre 2014,
l’INSEE annonçait en effet que la dette publique de la France avait dépassé 2
000 milliards d'euros en juin de la même année. Ce montant exorbitant pose un
vrai problème car qui dit dette dit intérêts à verser. D’ailleurs, l'audit
citoyen de la dette publique de la France publié au 1er semestre 2014 a montré
que « 59% de la dette publique proviennent des cadeaux fiscaux et des taux
d’intérêt excessifs »[i]. Mais il pose
également un problème conceptuel : pourquoi un Etat, souverain dans sa
monnaie, devrait-il avoir à s’endetter ?
D’ailleurs on ne pouvait que constater avec le regretté Stéphane Hessel
que l’argent n’a pourtant pas manqué pour reconstruire la France après la
seconde guerre mondiale, sans pour autant qu’un endettement excessif soit
généré. Cette phrase que nous avons mise en exergue de notre contribution est explicite :
« Comment peut-il manquer aujourd’hui de l’argent pour maintenir
et prolonger les conquêtes sociales alors que la production de richesses a
considérablement augmenté depuis la libération, période où l’Europe était
ruinée ? » ( Indignez-vous !)
C'est depuis 1973 que l’État s’est contraint à s’endetter auprès des
marchés financiers et que la dette a explosé. Il est donc possible et
souhaitable de réformer le financement de l’Etat pour revenir à cette situation
où c’est la banque centrale qui crédite directement le trésor public, sans
passer par l’intermédiation du système bancaire privé. La seule réserve à
cette émission vient bien sûr de l’impératif du maintien de la stabilité des
prix et de la monnaie.
Concrètement, pour le cas de l’Union Européenne, une première étape
consisterait à faire racheter les anciennes dettes publiques par la BCE, les
convertir en prêt à taux 0 afin de réduire la "charge de la dette"
(intérêts versés + remboursement du capital) qui plombe notre déficit. Ce rachat
devrait représenter au minimum 50 % de la dette, montant qui serait accordé à
due proportion à chacun des autres pays membres de la zone Euro. Le prix
d'achat devrait être diminué de la part excessive des intérêts déjà versés.
Cette mesure n’a rien de fantaisiste puisque employée par les
principales banques centrales mondiales. D’ailleurs, le président de la BCE a
annoncé qu’il procéderait à ce type de rachat à hauteur de 60 Milliards par
mois jusqu’en septembre 2016, mais sur des créances privées alors que la
plus grande part des titres grecs est aujourd’hui aux mains des créanciers
publics – l’Union européenne (UE), le Mécanisme européen de stabilité (MES), le
Fond monétaire international (FMI) et la BCE détenant ensemble
254 milliards d’euros contre 44 au secteur privé. Pourquoi
recapitaliser uniquement les marchés financiers ?
Dans une deuxième étape, la BCE, dont le mandat serait réformé et
l’activité contrôlée par le parlement européen, procéderait à des émissions
monétaires directes aux États pour prendre en charge par exemple les projets
d’investissements. Le niveau de cette émission monétaire serait évalué de telle
sorte de maintenir l’inflation de tous les prix (sans mettre de côté les actifs
financiers et l’immobilier comme c’est le cas actuellement) à un niveau
raisonnable.
Ce coup d’arrêt à la spirale infernale de l’endettement des Etats
permettrait de stabiliser l’économie mais également de freiner la course à la
croissance mortifère pour les ressources naturelles en permettant des investissements
longs, non porteurs d’intérêts, utiles à la société socialement ou
écologiquement.
[i] « Que
faire de la dette ? Un audit de la dette publique de la France », http://www.audit-citoyen.org/?p=6291
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