Par Olivier
Bénis, Julie Pietri | 31 mai 2017
Un rapport d'Amnesty International accuse la France d'avoir
profité de la menace terroriste pour justifier des politiques d'ordre public
plus restrictives et disproportionnées.
À quoi ressemblent les manifs en plein état d'urgence ?
Amnesty International donne des éléments de réponse :
- elles sont réduites, puisque les pouvoirs d'urgence ont
empêché la tenue de 155 rassemblements depuis novembre 2015.
- elles sont aussi plus violentes : répression policière
abusive, utilisation massive de gaz lacrymogènes, matraques, balles en
caoutchouc...
L'ONG publie un rapport glaçant ce mercredi, fruit d'une
longue enquête de terrain, menée dans différents cortèges depuis un an et demi,
notamment les manifestations contre la loi Travail ou contre les violences
policières. La conclusion est sans appel : l'état d'urgence, conçu pour
lutter contre le terrorisme, a été aussi utilisé pour limiter, entraver les
manifestations pacifiques. D'abord en interdisant des manifestations,
parfois de manière abusive selon Amnesty, qui évoque le cas des rassemblements
prévus en marge de la COP21, en décembre 2015. La préfecture de police de Paris
assurant que "de nombreux groupes et individus, y compris certains
venus de l'étranger, avaient l'intention de troubler l'ordre public" en
marge de la conférence.
"Quand on part sur une manif, on ne pense pas partir à la guerre"
Autre point accablant du rapport : le recours à la violence,
régulièrement "non nécessaire" et "excessif" selon les
éléments recueillis. Laurent Théron fait partie des témoins qui ont raconté
leur expérience à Amnesty. Secrétaire hospitalier, syndicaliste qui n'avait
plus manifesté depuis 2000, "j'étais plutôt branché yoga et vie de
famille". Il a perdu un œil place de la République à Paris, en 2016,
lors d'une manifestation contre la loi Travail.
"C'était la fin du cortège, le 15 septembre. Je m'amusais à compter les CRS, à voir comment ils s'organisaient... Il y a eu une première charge, j'ai été pris dans les gaz lacrymo. Puis encore une autre charge, avec jets de grenades lacrymogènes. Le dernier souvenir que j'ai, c'est de les voir dans le ciel et de me dire "mais combien ils en envoient, de ces trucs ?" Et puis une explosion, une douleur immense dans mon crâne, j'ai perdu mon œil droit. J'aimais bien mes yeux... Choc post-traumatique, j'ai un suivi psychologique, je suis en dépression et sous traitement."
Utilisation abusives de grenades de désencerclements, coups
de matraques sur des manifestants pacifiques... Des cas que Nicolas
Krameyer, d'Amnesty International a lui-même repéré dans des cortèges. Ainsi
qu'une stratégie policière particulière : la nasse.
"La nasse, c'est un système qui vise à confiner des manifestants, à les entourer de forces de l'ordre. Son usage est strictement encadré par le droit international : ça vise à séparer des manifestants violents d'autres manifestants. Ce qu'on a constaté, c'est que depuis l'instauration de l'état d'urgence, le recours aux nasses s'est largement développé, bien au-delà du périmètre possible. On voit aujourd'hui que de très nombreux manifestants pacifiques sont "nassés", pendant plusieurs heures, sans possibilité de pouvoir en sortir, sans qu'aucune justification ne leur soit donné. En ce sens, c'est une restriction totalement arbitraire et disproportionnée au droit de manifester pacifiquement."
Sur les violences, des chiffres très différents selon les
sources :
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