Par Frédéric Lutaud
Passera-t-elle ? Ne passera-t-elle pas ? Après Dupont-Aignan et de Villiers qui appellent à voter pour l’extrême droite, combien d’électeurs de droite refuseront de mettre un bulletin dans l’urne pour Emanuel Macron ? Le Monde, révèle que 46 % des catholiques – pratiquants réguliers ou non – voteront pour Marine Le Pen dimanche 7 mai. Dans le secret de l’isoloir, le vote honteux pour le FN pourrait-il l’emporter ? La prestation réussie de Macron au débat télévisé d’entre deux tours suffira-t-elle conforter son avance ou sommes-nous en train de vivre une de ces séquences politiques qui ont fait voler en éclat les pronostics les mieux établis, comme avec le Brexit ou encore dernièrement les primaires de droite et de la gauche ? Déjà les projections de « l’abstention différenciée » (l’écart entre l’intention de vote déclarée dans les sondages et le vote effectif) nous promettent les scénarios contestant les sondages officiels.
De son côté, Mélenchon n’a pas donné de consigne de vote. Il renvoie ainsi dos à dos l’extrême droite et la social-démocratie. Même si celle-ci est de moins en moins sociale et de plus en plus libérale, le procédé est condamnable. Mélenchon estime probablement que le risque de voir le FN accéder au pouvoir est si faible qu’il n’est pas nécessaire de compromettre ses chances déjà faibles aux législatives, en divisant ses troupes. Calcul politicien indigne et irresponsable. Il est vrai que sa campagne aux accents « patriotes » et « dégagistes » égare certains de ses partisans. Seulement 30 % des militants de la France Insoumise qui se sont prononcés lors de la grande consultation, ont choisi le vote Macron permettant de faire barrage à Le Pen. Voilà ce qui arrive quand les lignes de fracture gauche/droite ont tendance à s’effacer au profit d’un populisme plébiscitaire. On finit par tout mettre dans le même sac. Macron et Le Pen même combat ! Espérons que les masses feront preuve de plus de discernement que les militants. Comme le disait Trotski : « Identifier la social-démocratie avec le fascisme est tout à fait insensé ». On ne peut pas tirer un trait d’égalité entre Macron et Le Pen. Tony Blair, ce n’est pas Hitler. Comment ne pas voir que la victoire de l’extrême droite signerait l’arrêt de mort de tous les combats de la gauche, de toutes les luttes sociales ? Jamais nous ne devons baisser la garde quant à la priorité absolue de faire obstacle aux fascistes.
Alors bien sûr, Le Pen n’est pas Hitler et nous ne sommes pas en 1933… Vraiment? L’Allemagne n’était-elle pas le pays du mouvement ouvrier allemand, le plus puissant et le plus cultivé d'Europe ? Certes, les SA ne sont pas dans la rue, mais comment se comportera l’extrême droit quand elle sera en position de faire usage de l’article 16 de la constitution qui accorde les pleins pouvoirs au chef de l’État ? Que se passera-t-il quand Le Pen et son entourage de nazillons, pétainistes, OAS, et catho tradis activeront l’arsenal répressif d’un appareil d’État moderne ? Les clandestins seront-ils raflés à travers les territoires et dans les hôpitaux ? Les fichiers S parqués dans des camps ? Les musulmans et les homosexuels mis à l’index ? La population divisée en Français de souche et citoyen de seconde classe, au nom de la préférence nationale ? Les syndicats FN feront-ils régner l’ordre dans les entreprises ? Les médias indésirables seront-ils interdits d’accès à l’information, comme le FN a coutume de le faire ? Nos ordinateurs seront-ils sous surveillance policière du net ?... Dystopie ou éternel retour de l’histoire ? Nous ne sommes sûrs que d’une chose : quand l’extrême droite accède au pouvoir, il faut s’attendre au pire.
Vous avez des doutes, mais vous ne voulez pas vous salir les mains en votant Macron, car de toute façon, sa politique ne pourra que faire progresser l’extrême-droite. Et si sa politique faisait plutôt gagner la gauche en 2022 ? Pendant 5 ans nous allons nous battre pour l'unité de la gauche et peut-être qu’aux prochaines élections nous n’arriverons pas divisés au premier tour cette fois-ci, alors enfin nous pourrons l’emporter, mener une politique de progrès social, et en finir une bonne fois pour toute avec l’extrême droite. Dimanche soir, le score de Le Pen doit être au plus bas, alors surtout votons Macron, sans illusions mais sans remords et sans hésitation.
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