PAR FRANÇOIS LECLERC | 29 JUILLET 2014 |
La liste des pays qui connaissent un vieillissement de leur
population s’allonge, conséquence d’une vie plus durable et d’une baisse de la
natalité. C’est notamment le cas en Chine, résultat dans ce cas de la politique
de l’enfant unique. Lorsque cette question est abordée, c’est pour souligner le
mauvais rapport entre population active et inactive qui en résulte – pesant sur
les systèmes de retraite par répartition – ainsi que l’augmentation des coûts
médicaux afférents qui contribue à déséquilibrer les finances des systèmes de
santé. Il est oublié que c’était éminemment prévisible et aurait dû faire
l’objet de provisions. En France, un fonds de réserve pour les retraites a bien
été institué en 2001 par le gouvernement Jospin, mais il a été siphonné sous
Sarkozy avant l’heure prévue de 2020, en raison de la crise financière.
Dans les deux cas, des solutions libérales génératrices de
nouvelles inégalités sociales sont préconisées pour soulager les déficits et
financer ces services dans un contexte de réduction des ressources des États.
Un prétexte rêvé est tout trouvé pour les imposer. Seuls les États-Unis sont à
contre-temps avec la réforme de la santé de l’administration Obama, et la Chine
est incitée à développer un système de retraite pour développer son marché
intérieur.
Mais une autre effet du vieillissement de la population se
fait de plus en plus sentir, notamment dans les pays où il est accentué, comme
l’Allemagne et le Japon. Les Allemands y répondent en favorisant l’immigration
et en ayant développé la sous-traitance dans les pays de l’Est européen, où
existe une tradition de main-d’œuvre qualifiée. Les Japonais explorent une
nouvelle voie plus dans leurs cordes, l’accentuation de la robotisation du
travail, même si les entreprises du pays ne se privent pas de délocaliser leur
production en Asie.
Le spectre du déclin règne sur le Japon, déjà rétrogradé du
rang de seconde puissance économique mondiale en faveur de la Chine, enlisé
dans la déflation, plombé par une dette publique colossale et un déficit public
qui ne l’est pas moins (et dont le coût ne peut que renchérir), subissant une
crise énergétique majeure qui accroît les coûts de production et les effets
d’un dollar faible qui pénalise les exportations.
PDG du groupe de télécommunications, Masavoshi Son considère
que le redressement du pays implique « de sauver la capacité productive et
la main-d’œuvre, car c’est dans leur accroissement que réside la
compétitivité ». Il donne l’exemple de son groupe qui a plus que doublé la
productivité de chacun de ses salariés entre 2009 et 2014, grâce à l’emploi de
nouvelles technologies. Mais il précise que « vient le moment où nous
allons cohabiter et co-travailler avec des robots ». Les calculs sont
faits : « Si le Japon employait 30 millions de robots en remplacement de
personnes dans des entreprises manufacturières, cela équivaudrait à 100
millions d’ouvriers. Pourquoi ? parce que l’homme peut œuvrer huit heures
d’affilée seulement, mais le robot trime 24 heures sur 24, dimanches et jours
fériés compris ». Et il poursuit en prévoyant que cette main-d’œuvre
abondante serait la moins chère au monde, Chine et Inde battues.
Cette prévision qui n’est pas futuriste appelle néanmoins
deux remarques : le PDG de Softbank prévoit le remplacement des travailleurs
sans s’interroger sur leurs moyens de subsistance, ce qui s’inscrit logiquement
dans sa vision de l’activité économique centrée sur l’exportation ! Il
n’envisage pas non plus que l’Inde ou la Chine puissent déployer les mêmes
technologies et que l’avantage concurrentiel dont il se prévaut ne sera au
mieux valable qu’un certain temps…
Ce ne sont plus uniquement le financement de la retraite et
de la santé qui impliquent une réflexion hors cadre : c’est celui de la vie
toute entière. À moins de considérer que le monde entier sera devenu rentier
sur la base d’une redistribution du capital et du patrimoine, ou plutôt que
soit adoptée le principe d’une allocation universelle. D’un certain point de
vue, les deux ne seraient pas incompatibles, sauf qu’un tel revenu d’existence
devrait s’accompagner d’un élargissement des biens communs et de la
fin du régime de la propriété privée au profit de l’appropriation et de la
gestion collective. Car dans ce domaine aussi, il n’y a pas deux camps entre
lesquels il faut choisir, celui du libéralisme et celui de l’étatisme.
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