PAR ARNAUD LEFEBVRE · 06 FÉVR. 2014
Au sein d’une zone euro en crise, la machine allemande
semble avoir trouvé la formule secrète pour renouveler le miracle de
l’après-guerre : taux de chômage faible, croissance économique et hausse des
exportations. Toutefois, derrière ce panorama enchanteur, se cache une âpre
réalité sociale pour la quatrième économie mondiale et le deuxième pays
exportateur le plus important de la planète, explique la BBC.
En Allemagne, 7,4 millions de travailleurs survivent grâce
auxmini-jobs.
Les mini-jobs sont des emplois rémunérés à 400 euros par mois, non-imposables
et exonérés de charges sociales. Entrés en vigueur en 2003, durant le
gouvernement de Gerhard Schroeder, ils correspondent à des emplois à temps
partiel dont le salaire maximum est de 450 euros. Ce marché du travail
flexibilisé comporte un paradoxe mis en exergue dans les statistiques
officielles 2013 de l’Office
fédéral allemand de la Statistique (Destasis). Selon le dernier
rapport de Destasis, l’emploi a atteint le record
historique de 41,8 millions de personnes. Cependant, le nombre total
d’heures prestées était en-deçà de celui atteint en 1991.
Par ailleurs, le risque de pauvreté est aussi en
augmentation. Un ménage est précaire si ses revenus ne dépassent pas 848 euros,
la moyenne du pays. Même si le taux d’emploi a augmenté ces dernières années,
plus de 16% de la population est confrontée à ce risque, contre 15,2% en 2007.
« Cela montre qu’il ne suffit pas d’avoir un emploi pour échapper à la pauvreté
», explique la BBC. Selon Sebastian Dullien, chercheur et auteur de l’ouvrage «
Decent Capitalism : A Blueprint for Reforming our Economies », la double
réforme du système de sécurité sociale et du marché de l’emploi a
considérablement développé la pauvreté et les inégalités dans le pays. « Nous
nous transformons en un pays de salaires bas », affirme-t-il.
En 2013, la croissance allemande a été minime, de 0,4%, la
progression la plus faible depuis 4 ans. Accompagnée d’un taux de chômage élévé
considéré par beaocoup comme « chronique », l’Allemagne est, selon plusieurs
économistes, « l’homme malade de l’Europe », incapable de faire face à la
concurrence de la Chine et des pays asiatiques. Selon Hans Kundnani, directeur
éditorial du Conseil européen des relations étrangères, l’agenda
allemand 2010 a favorisé les entrepreneurs au détriment des
travailleurs :
« Pour être concurrents sur le marché global, les
entrepreneurs ont déplacé leur production dans des pays où les charges
salariales sont plus basses. Cela a forcé les syndicats à accepter une
modération salariale. Ainsi, ceux qui ne travaillent pas ont vu leur niveau de
vie diminuer à cause de la réforme de la sécurité sociale et ceux qui avaient
un emploi n’ont pas bénéficié par ce que l’on nomme le « second miracle
allemand ». A cela, il faut ajouter l’emploi flexibilisé qui a contribué à
diminuer le coût du travail allemand ». « Nous avons eu deux années assez
bonnes, mais la croissance n’a pas été aussi forte. La stagnation salariale a
engendré une baisse du niveau de vie et de la consommation domestique », ajoute
Dullien.
La situation de nombreux retraités allemands est également
critique. 30% d'entre eux reçoivent une allocation de 688 euros par mois. Selon
un rapport récent du Ministère du Travail allemand, les cotisations des
personnes qui exercent un mini-job leur donneront une pension de 3,11 euros par
mois par année travaillée. Avec un départ à la retraite à 67 ans, un mini-job
exercé dans l’Horeca donnera droit à une pension de 140 euros par mois.
« Il existe des emplois à plein temps payés 5 euros
de l’heure. La pension pour ce type de salaire se situera également
au-dessous du seuil de pauvreté », avertit Dullien.
Malgré tout, l’économie allemande, qualifiée de «
miracle », a pu traverser deux crises internationales – la crise
financière de 2008 et celle de la dette souveraine de 2010 – avec un niveau de
croissance qui, sans être exceptionnel, est remarquable comparé au reste
de la zone euro.
Mais, le miracle
allemand perd de son éclat. Entre 2010 et 2011, l’économie a
progressé respectivement de 4,2% et 3%. Toutefois, en 2012, la croissance
allemande a été de 0,7% et en 2013, de 0,4%. Réélue, Angela Merkel a été
obligée de former une coalition avec les sociaux-démocrates. Le prix de cette
alliance a été le pacte imposé par les sociaux-démocrates incluant une
amélioration des conditions sociales, l’application d’un salaire minimum, une
hausse des pensions et des investissements dans les infrastructures. « Ce pacte
ne signifie pas la fin de la flexibilisation », déclaré Hans Kundnani. « La
globalisation continuer à imposer ces conditions ».
« Il s’agit d’un dilemme pour toutes les économies
développées. Le problème est que l’Allemagne a tenté de faire concurrence aux
économies émergentes sur base des prix et non en se basant sur l’innovation et
les investissements. Avec les nouvelles mesures impulsées par les
sociaux-démocrates, il est possible que la consommation augmente. Mais
l’argument de la droite est qu’avec un salaire minimum, des pertes d’emploi
seront inévitables », conclut Kundnani.
Les charges sociales, patronales et salariales ne doivent pas, à mon sens être supprimées. Ce serait une erreur d'emmener la France sur le même chemin que l'Allemagne.
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