PAR JOSEPH CONFAVREUX | 10
SEPTEMBRE 2014
Les déclarations des responsables socialistes ne font pas
qu'épouser les discours de la droite. Elles sont la marque d’un conservatisme
idéologique tributaire d’un modèle périmé.
Le refrain entonné en cette rentrée parlementaire par les
responsables socialistes est affligeant pour ceux et celles qui jugent qu’ils
ne font, ainsi, qu’emboîter le pas à ce que préconise la droite, que ce soit en
matière de contrôle des chômeurs, d’organisation du travail, ou encore de
recherche éperdue de la croissance, perçue comme la panacée de toute politique
économique.
Mais cette petite musique est également inquiétante pour
tous ceux qui jugent, à l’instar de la sociologue Dominique Méda, un changement
de société et d’économie, et d’organisation européenne, non seulement nécessaire
mais urgent. Une révolution impossible à réaliser sans bouleverser les
certitudes doctrinales, comme les outils idéologiques et les représentations du
monde forgés durant les Trente Glorieuses, y compris à gauche, où la théorie
keynésienne, devenue porte-drapeau de l’anti-austérité, trouve ses limites.
Professeure de sociologie à l’université Paris-Dauphine et
titulaire de la chaire « Reconversion écologique, travail, emploi,
politiques sociales » au Collège d’études mondiales, Dominique Méda est l’auteure
de nombreux ouvrages, dont Le Travail – Une valeur en voie de
disparition (Éd. Aubier 1995, rééd. Flammarion, Champs, 1998), Au-delà
du PIB – Pour une nouvelle mesure de la richesse (1998, Éd.
Champs-Actuel). Son dernier ouvrage, La Mystique de la croissance
– Comment s’en libérer, vient d’être republié en poche aux éditions
Champs-Flammarion.
On a beaucoup glosé sur l'affrontement entre Valls et
Montebourg. Mais ces deux hommes ne font-ils pas du retour de la croissance
l'alpha et l'oméga de leur politique économique ?
Si, évidemment, mais ils ne sont pas les seuls. Presque tous
les partis – à part EELV et Nouvelle Donne [et la motion 4] – font du retour de la
croissance la condition de la sortie de crise. Très peu de responsables
politiques s’interrogent sur ce que nous devrions faire si la croissance ne
revenait pas de manière durable – et encore moins sur le fait de savoir si
les effets négatifs de la croissance sur notre patrimoine naturel et notre
cohésion sociale ne devraient pas nous conduire au plus vite à rompre avec
cette obsession.
La croissance reste notre veau d’or alors même que des
rapports et des articles de plus en plus nombreux mettent chaque jour plus
précisément en évidence le lien qui existe depuis deux siècles entre la
croissance et les prélèvements opérés sur les ressources naturelles,
l’augmentation des pollutions de toutes sortes, le risque de changement
climatique. Alors que nous devrions mettre en débat la possibilité d’une
société post-croissance – où la croissance du PIB ne serait plus
l’objectif principal – et discuter de la meilleure manière d’engager nos
sociétés dans une reconversion écologique susceptible de remettre l’emploi et
le sens du travail au cœur de nos réflexions…
Quelles sont les différences entre une société
post-croissance et une société de décroissance ?
Je n’utilise pas le terme de décroissance parce que je
crains toujours qu’il ne fasse peur : dans croissance il y a croître et le
terme comporte des significations positives, même si peu nombreux sont ceux qui
se demandent ce qui croît et savent qu’il s’agit du Produit intérieur brut,
c’est-à-dire d’une réalité finalement extrêmement réduite par rapport à ce à
quoi nous attachons vraiment de l’importance. Car le PIB ne prend pas en compte
les activités domestiques, familiales, bénévoles, de loisir, amicales,
politiques, c’est-à-dire toutes celles dontla dernière
enquête emploi du temps de l’Insee a révélé qu’elles étaient
les activités préférées des Français…
Cet indicateur est indifférent à la proportion de la
population qui consomme et qui produit. Il comptabilise de la même manière les
productions utiles et celles qui sont toxiques. Et surtout, il ne dit
strictement rien des évolutions du patrimoine naturel (qualité de l’air, de
l’eau, des sols…) et de la cohésion sociale. Il ne joue pas le rôle d’alerte.
On pourrait un jour avoir de gros taux de croissance mais une Terre devenue
inhabitable. Le mystère, c’est que malgré tout, nous continuons à prier pour le
retour de la croissance.
Comment l’expliquez-vous ?
L’augmentation de la production est au centre de notre
dynamique sociale depuis au moins le XVIIIe siècle. Elle est perçue depuis
lors à la fois comme vecteur d’amélioration matérielle, processus de
civilisation, fabrique du lien social, pourvoyeuse d’égalité. On a fini par la
confondre avec le progrès. L’économie, devenue la « science » reine,
a construit l’outillage conceptuel permettant de penser une société qui se
reproduit sans même plus avoir besoin de la Nature (qui a disparu des
équations) et en postulant que le progrès technologique nous permettra toujours
de nous en tirer.
Nous sommes désormais tributaires de logiques, de
représentations, de conventions économiques et comptables qui ont été adoptées
par le monde entier. Le taux de croissance du PIB est devenu l’indicateur de
performance de référence qui permet de classer les pays. Même la théorie
keynésienne – qui revient à la mode et sert de porte-drapeau anti-austérité –
fait de la consommation un quasi-devoir social. Pour engager la bifurcation, on
a donc besoin de rompre avec tout l’outillage intellectuel élaboré au cours des
deux siècles précédents.
Cette convergence rend-elle pour autant obsolètes les
oppositions entre keynésianisme et néo-libéralisme ou entre communisme et
capitalisme ?
Elle ne rend pas obsolètes les rapports de force, ni le
caractère légitime de la remise en cause des politiques d’austérité. Mais elle
oblige à franchir un pas de plus : non pas revenir au keynésianisme
d’origine mais réinjecter dans Keynes tout ce qu’on appris sur la crise
écologique depuis une vingtaine d’années. Car c’est à une véritable relecture
de notre passé que nous invite la série de travaux que le rapport Meadows a
inaugurée et ces courbes éloquentes qui montrent l’évolution parallèle de la
croissance et des émissions de gaz à effet de serre, des pollutions, des
dégradations. La croissance a été à l’origine d’immenses bienfaits, de progrès
fantastiques, mais ces Trente Glorieuses qui ont tant marqué notre imaginaire
et que nous regrettons sont aussi celles de la surconsommation, du gaspillage
des ressources, de l’augmentation vertigineuse de l’effet de serre.
Comment convertir des économies fondées sur la
croissance ?
Je crois qu’il faut d’abord parvenir à mettre en évidence
les coûts cachés de la croissance – comme avaient su le faire les années
1970 : expliquer pourquoi la convention datée qu’est le PIB occulte par
construction les maux ; opérer un travail de relecture de notre passé
comme l’a fait le collectif de chercheurs dirigés par Christophe Bonneuil dansUne autre
histoire des "Trente Glorieuses" ; montrer que les
taux de croissance élevés n’ont pas produit que du plus mais aussi du moins,
qu’il s’agisse des ressources naturelles, du climat, du sens du travail, de la
santé ; et que les plus riches ont consommé une part disproportionnée des
ressources communes. Il faut ensuite montrer le caractère désirable d’une
situation dans laquelle ce ne sont pas les taux de croissance qui
constitueraient l’objectif principal.
Nous disposons déjà d’un certain nombre de travaux – je
pense notamment à ceux de Jean Gadrey – qui montrent qu’une production
écologiquement et socialement plus propre exigerait un plus grand volume de
travail et pourrait donc être fortement créatrice d’emplois.
Il se pourrait donc bien que la reconversion écologique de
nos sociétés permette – si nous sommes assez malins – à la fois de
redistribuer cette nouvelle quantité de travail sur un plus grand nombre de personnes
et de changer le travail. Cela suppose de relocaliser une partie de la
production, de réaliser celle-ci dans des unités plus petites – et
pourquoi pas organisées autrement – de rompre avec la production Made
in Monde, de viser des gains de qualité et de durabilité et non plus des gains
de productivité. C’est évidemment une rupture majeure avec l’organisation
économique actuelle.
L’idée que la crise économique puisse être l’occasion
de changer de modèle en profondeur n’a-t-elle pas pris du plomb dans l’aile ces
derniers temps ?
Si. En même temps, les propositions de nouveaux
« modèles » fleurissent… Mais la crise économique et sociale est si
violente et nos États sont tellement ligotés par les contraintes européennes
que la crise écologique apparaît comme une menace très lointaine dont il sera
bien temps de s’occuper plus tard, quand la croissance sera revenue. L’alliance
qui avait commencé à se mettre en place au début de la crise, en 2008, entre
syndicats, salariés, consommateurs, ONG et gouvernements autour d’une cause
commune entre social et écologie, a éclaté. L’écologie apparaît aujourd’hui
comme l’ennemie de l’emploi.
Dans les différents scénarios qui sont évoqués pour
sortir de la crise (réformes structurelles détricotant notre modèle social,
relance, sortie de l’euro…), il y en a un qui est très peu évoqué : faire
de l’Europe non pas l’économie la plus « compétitive » mais une zone
de très haute qualité écologique, démocratique et sociale. Cela suppose la mise
en œuvre, au plus vite, d’un programme massif de transition, permettant
d’engager la reconversion des industries les plus polluantes et le
développement des énergies de substitution. Les ruptures avec le « modèle
actuel » sont multiples : il faudrait un financement par une BCE
réformée, une redistribution massive des revenus et une solidarité sans faille
entre les États européens, une imposition commune, l’adoption de normes
écologiques et sociales élevées… Mais cela pourrait avoir un effet
d’entraînement sur le reste du monde.
L’idée peut être séduisante, mais comment la mettre en
œuvre ?
Des politistes néo-institutionnalistes qui théorisent le
changement social – je pense à Peter Hall – montrent qu’on ne
parvient à changer que lorsqu’on arrive à la fois à montrer les échecs du
paradigme en vigueur et qu’un autre modèle est prêt. Je pense que les échecs et
les impasses du système actuel sont flagrants, mais qu’il reste encore trop
d’obscurités sur les contours du modèle futur désirable et sur le chemin qui va
de l’un à l’autre. Mais des changements importants sont en cours du côté
des acteurs : je pense à l’évolution d’un groupe politique comme Attac qui
met aujourd’hui la reconversion écologique au premier plan de ses
préoccupations alors qu’il a été longtemps en faveur de la croissance ;
mais aussi à tous les mouvements décroissants, objecteurs de croissance,
promoteurs de la sobriété ; enfin à tous ces citoyens qui refusent la
double aliénation de la surconsommation et du travail sans sens.
Mais le travail est immense : il faut nous doter de
nouveaux instruments, de nouvelles unités de mesures, de nouvelles
représentations du monde, et donc sans nul doute inventer de nouveaux
fondements et de nouvelles articulations entre les sciences. Par ailleurs, si
nous ne parvenons pas à convaincre nos concitoyens, notamment les plus
défavorisés, de l’intérêt de ce nouveau modèle, alors ce sont les solutions les
plus simplistes qui triompheront. Pour les rallier à cette cause, il faudra
engager une redistribution massive des revenus et des consommations.
Peut-on vraiment avoir à la fois l'emploi, la démocratie et
le confort avec moins ou pas de croissance ?
Je le crois, mais cela suppose des changements. Certains
pensent que lorsque les choses iront vraiment mal (pénuries de ressources,
changement climatique, pollutions majeures…), il faudra des régimes
autoritaires pour limiter la consommation et réorienter les économies. Mais il
y a aussi des scénarios qui, en insistant sur la sobriété ou le rapprochement
des niveaux de consommations des très riches et des très pauvres, laissent au
contraire penser que seul un développement intense de la démocratie à tous les
niveaux permettra d’engager cette grande bifurcation : cela suppose de
rompre avec un modèle où « démocratie » signifie aujourd’hui que les
plus riches captent la majeure partie d’une croissance de plus en plus faible.
Pourquoi, malgré les destructions d'emplois, l'idée
continue-t-elle à progresser que l'augmentation du taux et de la durée du
chômage proviendrait des réticences des employeurs à embaucher et de leur
crainte de ne pouvoir se séparer de leurs salariés ? Et pourquoi juge-t-on
encore que l’importance du chômage serait liée à un manque de volonté des
chômeurs, comme on l’a encore récemment entendu dans la bouche du ministre du
travail ?
C’est l’ensemble du « paquet idéologique » forgé à
la fin des années 1980 et inlassablement diffusé dès ce moment par les
organisations internationales (OCDE, FMI, Banque mondiale) qui est désormais
adopté, après le Royaume-Uni puis l’Allemagne, par la majorité des partis
politiques français, droite et gauche confondues : tous les problèmes
viendraient de la « rigidité de l’emploi » et il nous faudrait, pour
regagner en compétitivité, démanteler les protections de l’emploi si patiemment
construites au cours du dernier siècle, engager des « réformes
structurelles » et finalement jeter au panier la fameuse déclaration de
Philadelphie qui, en 1944, affirmait que « le travail n’est pas une
marchandise ».
Nous avons montré dans L’Emploi en ruptures qu’il
est facile de licencier en France et que ce ne sont évidemment pas les règles
qui encadrent le travail qui sont à l’origine du chômage. L’explosion des
ruptures conventionnelles le montre bien. Mais une partie des organisations
patronales continue à rêver du « travail libre », de la situation qui
existait avant l’intervention du droit du travail. C’est dans la même
perspective que s’inscrivent les discours récurrents prônant la diminution
permanente du coût du travail, du niveau d’indemnisation du chômage ou des
minima sociaux, comme un des moyens de sortir de la crise. Au cœur de cette
rhétorique se trouve une croyance : le chômage serait non pas un défi
collectif mais un défaut individuel, de l’ordre de la paresse.
Mais les droits sociaux acquis par les salariés au XIXe siècle
l’ont été dans une économie où la concurrence n’était pas mondiale ?
Certes, mais ce sont exactement les mêmes arguments qui
étaient opposés aux partisans du droit du travail. Par ailleurs, la protection
sociale et la protection de l’emploi ont permis d’améliorer la qualité de la
main-d’œuvre et de la production. Je crains que la course à la baisse du coût
du travail qui s’est engagée en Europe ne finisse par précariser une partie
considérable de la population : cela me semble contradictoire avec le
souhait d’une Europe qualifiée produisant des biens et services de haute
qualité.
On a vu rejaillir dans la bouche du nouveau ministre de
l’économie, Emmanuel Macron, une remise en cause de la réduction du temps de
travail : cette réduction peut-elle être vraiment une solution d'un monde
à croissance faible ou nulle ?
Cela dépend de ce qu’on entend par là. Il est sans doute
préférable de parler de partage du travail que de réduction du temps de
travail. En effet, la redistribution du travail sur l’ensemble de la population
active supposerait certes la réduction du temps de travail de certains mais
aussi l’augmentation de celui de beaucoup d’autres, notamment de ceux qui
subissent des temps partiels subis et des horaires fragmentés. Il existe de
fait, à tout moment, un certain partage du temps de travail, mais il est
sauvage et inégalitaire. Il faut le civiliser en rapprochant les durées du
travail, parce qu’il est urgent de réintégrer les chômeurs, notamment ceux de
longue durée, dans l’emploi car on sait que les compétences (et le moral) se
perdent vite dès qu’on est éloigné du travail.
Cessons de dire que la France serait paresseuse : tous
les grands pays européens ont connu une importante réduction du temps de
travail depuis soixante ans comme l’Insee l’a montré, mais les modalités de ce
partage ont été différentes : beaucoup de petits temps partiels courts
(occupés par les femmes) et de temps complets longs pour les hommes en
Allemagne, des durées plus proches en France, grâce aux lois Aubry. Cela me
semble un point fondamental, trop peu souvent commenté quand on se contente de
comparer les durées du temps de travail à temps complet.
Derrière la question des modalités de partage du travail et
de l’emploi, il y a donc des choix de société déterminants. Il nous faut
absolument tirer un bilan serein des lois Aubry : le taux de chômage était
au même niveau qu’aujourd’hui lorsque la RTT a été engagée. La période 1997 et
2001 a été marquée par la création de deux millions d’emplois, le retour de
l’enthousiasme, un surprenant baby-boom…
Ne faut-il pas toutefois faire évoluer les modalités de ce
nouveau partage de travail, par rapport à ce qui avait été fait avec Martine
Aubry ?
Je ne suis pas critique de la loi Aubry, même si un problème
important a été l’intensification du travail. D’où l’importance de conditionner
des aides ou des diminutions de cotisations sociales à l’obligation de créer
des emplois et de ne pas modifier le décompte du temps de travail. Si la
croissance ne revient pas, il n’existe qu’une méthode pour réintégrer au plus
vite les chômeurs de longue durée – de plus en plus nombreux – dans
l’emploi : c’est une grande opération de redistribution du travail
accompagnant la reconversion écologique, doublée d’une massive opération de
formation permettant des transitions professionnelles protégées.
Plusieurs études montrent qu’investir dans la reconversion
écologique de notre économie (rénovation thermique des bâtiments, verdissement
des procédés de production, développement des énergies renouvelables et des
transports en commun, agro-écologie) pourrait créer des emplois : Philippe
Quirion les chiffre à environ 600 000 emplois pour la France à l’horizon
2030. Et on peut s’attendre à ce qu’un ralentissement des gains de productivité
redonne au travail le sens qu’il avait perdu dans un grand nombre de secteurs
et de métiers. Cela suppose de faire participer les très hauts salaires, mais
aussi et surtout les actionnaires et les revenus du patrimoine à travers une
redistribution massive de richesses et de revenus.
Pourquoi estimez-vous que cette nouvelle répartition du
volume d’emploi doit s’imbriquer avec une redéfinition du travail ?
Parce que si une telle opération était bien faite, elle
pourrait nous permettre de rendre le travail plus supportable en évitant que
l’on exige de chaque individu des gains de productivité plus élevés. Dans la
plus grande partie des services aujourd’hui, faire des gains de productivité
conduit à dégrader le sens et la qualité du travail. Nous avons tous appris en
économie que les gains de productivité conditionnaient la croissance et le
progrès, que la destruction créatrice était une bonne chose. On a oublié de
nous parler de la destruction des ressources naturelles et de la perte de sens
du travail…
Bertrand de Jouvenel le disait mieux que moi : les
gains de productivité, s’ils constituent un progrès pour le consommateur, sont
une régression pour le producteur… Je crois qu’aujourd’hui, à un moment où les
solutions de sortie de crise se radicalisent – si je simplifie
outrageusement, adoption du modèle libéral ou sortie de l’euro –, il
existe une autre voie, qui exigera elle aussi de profonds changements mais qui
semble la plus prometteuse : une reconversion écologique menée par une
Europe forte et solidaire qui se serait débarrassée de ses démons...
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