10 Juin 2017 , Rédigé par L'oeil de Brutus
Cette analyse est pour l’essentiel issue de la lecture Jean-Pierre Chevènement, Un Défi de cvilisation, Fayard 2016, pages 90 à 105
Début 1982, alors que l’application de son programme politique génère de fortes tensions sur les marchés de change (notamment des spéculations contre le Franc et des fuites importantes de capitaux), François Mitterrand se trouve face à dilemme : sortir du SME pour restaurer la compétitivité de l’économie française ou y rester pour préserver cet « acquis » européen.
Instauré en 1979, en tant que successeur du « Serpent monétaire européen », le SME vise à résoudre les problèmes d’instabilité monétaire entre les monnaies européennes en encadrant les fluctuations de celles-ci autour d’un cours monétaire (l’ECU).
Toutefois, partiellement accrochée au deutsche mark par le SME, l’économie française s’est dégradée en compétitivité par rapport à son partenaire d’Outre-Rhin du fait de la relative fixité des taux de changes alors que les deux économies sont soumises à des taux d’inflation différents. Cet écart n’a pu être résorbé par les deux mini-dévaluations obtenues par Jacques Delors peu après l’élection de François Mitterrand. Or, en l’absence d’une nouvelle dévaluation monétaire, le gouvernement français n’a pas d’autre perspective que la dévaluation interne, c’est-à-dire la désinflation compétitive, donc – déjà ! – la politique de rigueur. Pourtant, dès sa création en 1979, le SME avait été condamné par le parti socialiste. Trois ans, plus tard, au sein du gouvernement socialiste, Chevènement, Fabius et Jobert – partisans d’une sortie du SME – s’opposent au premier ministre et à Jacques Delors, partisans de l’orthodoxie libérale (lutte contre l’inflation et les déficits budgétaires) et qui, derrière le dogme du Franc fort, entrevoient probablement déjà les perspectives de la monnaie unique.
Au regard de François Mitterrand, il est toutefois un avis qui compte plus que celui de ses ministres : celui de Jean Riboud, le patron de Schlumberger. Celui-ci partage la ligne Chevènement-Fabius-Jobert. Mais François Mitterrand se retrouve acculé par Mauroy et Delors qui refusent de participer à un gouvernement qui ferait le choix de quitter le SME et prend donc le parti de la « solidarité européenne » en demeurant accroché au deutsche mark. C’est un choix qui, pressent Chevènement, pèsera lourd contre les intérêts de l’industrie française et il dépose donc sa démission du gouvernement.
L’orientation prise à cette époque par François Mitterrand est capitale : s’il avait fait le choix de quitter le SME, il est possible, voire probable, que l’euro n’aurait alors jamais vu le jour mais surtout il est évident que l’économie française aurait pu bien plus efficacement lutter contre sa désindustrialisation. De même, la libéralisation des mouvements de capitaux n’aurait sans doute pas pris une telle ampleur et il est possible que Jacques Delors n’eut jamais été président de la Commission européenne.
C’est aussi, bien évidemment, à partir de ce choix de François Mitterrand que l’exaltation de l’Europe a été utilisée par la gauche pour masquer ses renoncements sur les questions économiques et sociales.
Puis, à partir de l’Acte unique, ce sont en catimini de centaines de directives qui furent intégrées dans le droit français au nom de la concurrence « libre et non faussée ». Jean-Pierre Chevènement relate ainsi qu’en 1989 le Conseil des ministres fut médusé d’appendre la transcription d’une directive qui libéralisait les mouvements de capitaux non seulement à l’intérieur de la Communauté européenne, mais aussi avec les pays tiers.
Par la suite, François Mitterrand n’a pas fait grand-chose pour retourner l’histoire. Il a ainsi accepté d’Helmut Kohl la suppression de la clause d’harmonisation de la fiscalité sur l’épargne, préalable à la libéralisation des mouvements de capitaux et autorisant ainsi les pratiques de dumping fiscal de l’Irlande, du Luxembourg et des Pays-Bas. On constatera en outre un parfait décalque entre les textes du traité de Maastricht relatifs à la mise en place et ceux définissant le fonctionnement du Deutsche mark et de la Bundesbank. L’euro était dès lors déjà en genèse…
Début 1982, alors que l’application de son programme politique génère de fortes tensions sur les marchés de change (notamment des spéculations contre le Franc et des fuites importantes de capitaux), François Mitterrand se trouve face à dilemme : sortir du SME pour restaurer la compétitivité de l’économie française ou y rester pour préserver cet « acquis » européen.
Instauré en 1979, en tant que successeur du « Serpent monétaire européen », le SME vise à résoudre les problèmes d’instabilité monétaire entre les monnaies européennes en encadrant les fluctuations de celles-ci autour d’un cours monétaire (l’ECU).
Toutefois, partiellement accrochée au deutsche mark par le SME, l’économie française s’est dégradée en compétitivité par rapport à son partenaire d’Outre-Rhin du fait de la relative fixité des taux de changes alors que les deux économies sont soumises à des taux d’inflation différents. Cet écart n’a pu être résorbé par les deux mini-dévaluations obtenues par Jacques Delors peu après l’élection de François Mitterrand. Or, en l’absence d’une nouvelle dévaluation monétaire, le gouvernement français n’a pas d’autre perspective que la dévaluation interne, c’est-à-dire la désinflation compétitive, donc – déjà ! – la politique de rigueur. Pourtant, dès sa création en 1979, le SME avait été condamné par le parti socialiste. Trois ans, plus tard, au sein du gouvernement socialiste, Chevènement, Fabius et Jobert – partisans d’une sortie du SME – s’opposent au premier ministre et à Jacques Delors, partisans de l’orthodoxie libérale (lutte contre l’inflation et les déficits budgétaires) et qui, derrière le dogme du Franc fort, entrevoient probablement déjà les perspectives de la monnaie unique.
Au regard de François Mitterrand, il est toutefois un avis qui compte plus que celui de ses ministres : celui de Jean Riboud, le patron de Schlumberger. Celui-ci partage la ligne Chevènement-Fabius-Jobert. Mais François Mitterrand se retrouve acculé par Mauroy et Delors qui refusent de participer à un gouvernement qui ferait le choix de quitter le SME et prend donc le parti de la « solidarité européenne » en demeurant accroché au deutsche mark. C’est un choix qui, pressent Chevènement, pèsera lourd contre les intérêts de l’industrie française et il dépose donc sa démission du gouvernement.
L’orientation prise à cette époque par François Mitterrand est capitale : s’il avait fait le choix de quitter le SME, il est possible, voire probable, que l’euro n’aurait alors jamais vu le jour mais surtout il est évident que l’économie française aurait pu bien plus efficacement lutter contre sa désindustrialisation. De même, la libéralisation des mouvements de capitaux n’aurait sans doute pas pris une telle ampleur et il est possible que Jacques Delors n’eut jamais été président de la Commission européenne.
C’est aussi, bien évidemment, à partir de ce choix de François Mitterrand que l’exaltation de l’Europe a été utilisée par la gauche pour masquer ses renoncements sur les questions économiques et sociales.
Puis, à partir de l’Acte unique, ce sont en catimini de centaines de directives qui furent intégrées dans le droit français au nom de la concurrence « libre et non faussée ». Jean-Pierre Chevènement relate ainsi qu’en 1989 le Conseil des ministres fut médusé d’appendre la transcription d’une directive qui libéralisait les mouvements de capitaux non seulement à l’intérieur de la Communauté européenne, mais aussi avec les pays tiers.
Par la suite, François Mitterrand n’a pas fait grand-chose pour retourner l’histoire. Il a ainsi accepté d’Helmut Kohl la suppression de la clause d’harmonisation de la fiscalité sur l’épargne, préalable à la libéralisation des mouvements de capitaux et autorisant ainsi les pratiques de dumping fiscal de l’Irlande, du Luxembourg et des Pays-Bas. On constatera en outre un parfait décalque entre les textes du traité de Maastricht relatifs à la mise en place et ceux définissant le fonctionnement du Deutsche mark et de la Bundesbank. L’euro était dès lors déjà en genèse…
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